Danny Boyle revient avec ses zombies: «28 Days Later est une mine d’or»

Avec 28 Days Later, Danny Boyle a sorti les films de zombies de leur léthargie. © Miya Mizuno

En 2002, le réalisateur Danny Boyle ressuscitait le film de zombies avec 28 Days Later. Il revient aujourd’hui dans l’univers du virus ultracontagieux, avec 28 Years Later.

Dans le monde du cinéma, les zombies étaient tombés en léthargie, jusqu’au jour où Danny Boyle les a lâchés comme des bêtes sauvages dans le brutal 28 Days Later, sortant ainsi le genre de sa torpeur. L’idée venait d’Alex Garland et le rôle principal était confié à un jeune acteur irlandais inconnu, Cillian Murphy. Le film est devenu viral, mais Boyle, Garland et Murphy sont tous trois passés à autre chose. Et l’histoire leur a donné raison. Boyle a connu son plus grand succès avec Slumdog Millionaire, puis il a dirigé la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres après 127 Hours. Garland s’est imposé comme l’un des scénaristes-réalisateurs les plus percutants du moment avec Ex Machina, Annihilation, Civil War et, plus récemment, Warfare. Murphy, quant à lui, a décroché un Oscar pour Oppenheimer après la série Peaky Blinders. Plus besoin de zombies.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Mais l’histoire leur a aussi donné tort. Car le zombie déchaîné s’est imposé durablement, tout comme l’idée de combiner l’horreur avec un commentaire social explicite et une ambiguïté morale assumée. Pensons à World War Z ou des séries à succès comme The Walking Dead et The Last of Us. «Tu as vu combien les gens ont gagné en nous copiant?», ont plaisanté Boyle et Garland pendant des années…

Pendant la pandémie de Covid, 28 Days Later est redevenu viral. Les images irréelles d’un Londres désert faisaient écho à l’actualité, tout comme le scénario du film: la libération d’un singe infecté par le virus d’un laboratoire d’armes biologiques qui déclenche une épidémie. Le scénariste et le réalisateur se sont rendu compte que leur déclinaison du film de zombies avait peut-être encore plus à offrir. Bien plus. Et ils ont développé une nouvelle trilogie. Le premier volet, 28 Years Later, envahit dès ce mercredi les cinémas du monde entier. Nous en avons discuté avec Danny Boyle juste avant sa masterclass au Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF), en avril dernier.

«Nous avons déjà investi tout l’argent dans les deux premiers films. Le succès déterminera si le troisième verra le jour»

Qu’est-ce qui vous a convaincus, quelque 8.000 jours plus tard, de donner une suite à 28 Days Later?

Danny Boyle: En général, quand un film rapporte beaucoup d’argent, ça vous donne un peu de pouvoir en tant que réalisateur. Que vous investissez alors dans un nouveau film. C’est ce qui m’est arrivé avec Slumdog Millionaire. 28 Days Later est une autre histoire. Ce n’est qu’en 2023 que nous avons récupéré les droits. Normalement, on ne vous accorde plus rien à ce stade. Mais 28 Days Later est une mine d’or. Notre proposition était la suivante: investissez dans trois nouveaux films, et nous vous revendrons les droits de 28 Days Later. Marché conclu. Nous avons déjà investi tout l’argent dans les deux premiers films. Le succès déterminera si le troisième verra le jour.

Le deuxième volet, 28 Years Later: The Bone Temple, sortira en janvier 2026. Vous en avez confié la réalisation à Nia DaCosta, connue pour Candyman et The Marvels.

Danny Boyle: C’est une trilogie liée par ses personnages, ses paysages et ses idées, mais chaque film peut se voir indépendamment. Le film de Nia est très différent du mien, mais ça fonctionne. Elle est américaine, mais vit au Royaume-Uni et c’est une anglophile.

Qu’est-ce qui fait de 28 Days Later une telle poule aux œufs d’or? Parce que le concept de base –survivre dans un monde postapocalyptique après une épidémie– n’est pas franchement original.

Danny Boyle: Pas du tout ! L’an dernier, le British Film Institute m’a convaincu de participer à une session de questions-réponses après une projection Halloween de 28 Days Later. J’ai été soufflé. D’abord parce que la salle était bondée. Ensuite parce que j’ai revu les 20 dernières minutes du film. C’est vraiment violent! Et c’est moi qui ai fait ça? (Rires) 28 Days Later est une bonne histoire, que nous racontée de bonne manière. Nous n’avons pas essayé de faire un film d’action pour les Américains. Nous avons tourné un film très britannique. Peut-être même plus anglais que britannique. On pourrait penser que ça le rendrait moins pertinent pour le reste du monde. Mais les Américains ont adoré. Peut-être grâce à Cillian Murphy. Il est devenu une star plus tard, mais il est fantastique dans 28 Days Later. Tout comme la formidable Naomie Harris.

Alex Garland s’est fait un nom comme scénariste avec 28 Days Later, mais il est désormais un réalisateur reconnu. Cela change-t-il votre relation?

Danny Boyle: Alex sortait de Civil War et s’apprêtait à tourner Warfare. Il était soulagé de ne pas devoir réaliser 28 Years Later, et de pouvoir se consacrer entièrement à l’écriture. Une trilogie exige énormément d’imagination et d’engagement. C’était agréable de collaborer. Surtout parce qu’après Sunshine (NDLR: leur film de science-fiction dans lequel Cillian Murphy file vers le soleil, mais qui a fait un flop en 2007), nous avions pris des chemins différents. Nous n’étions pas en mauvais termes, mais on n’était pas d’accord sur plein de choses. Lui voulait beaucoup de mystère et d’obscurité, moi, de la clarté. Quand Alex est passé à la réalisation, il m’a souvent demandé de venir au montage. Nous sommes restés amis. Quand nous avons récupéré les droits de 28 Days Later, nous avons vu une occasion de penser plus large et de concevoir une trilogie ambitieuse et résolument britannique.

Vous insistez beaucoup sur le caractère britannique de 28 Years Later.

Danny Boyle: Nous voulons que les «28 ans» du titre aient un sens. Sinon, autant appeler le film 28 Days Later 2. La question devient alors: que s’est-il passé en 28 ans, depuis l’épidémie? Y a-t-il encore des survivants? Comment se sont-ils débrouillés? Et les infectés? Le virus a-t-il évolué? Or, quel est l’événement le plus marquant de ces dernières années au Royaume-Uni? Pas la pandémie, mais le Brexit. Dans 28 Weeks Later (NDLR: la suite modeste de Juan Carlos Fresnadillo), le virus atteignait Paris. Nous avons décidé que, dans notre histoire, l’Europe a réussi à repousser le virus jusqu’à son point d’origine, et a placé le Royaume-Uni en quarantaine. Tout le monde pense que cette saga parle d’infectés, mais en réalité, elle parle de nous, les Anglais. De notre manière d’être. Ce sont d’ailleurs vraiment les Anglais qui ont causé le Brexit. L’Ecosse avait voté pour l’Europe. 28 Years Later n’est pas un film politique, mais on peut y voir un reflet du Brexit. Les Britanniques y retrouveront beaucoup d’éléments familiers.

L’ouverture de 28 Days Later est légendaire. Comment avez-vous réalisé ces images d’un Londres désert?

Danny Boyle: Ce ne sont pas des images générées par ordinateur. Nous avons tourné en juillet 2001, donc avant le 11-Septembre et le durcissement extrême des mesures de sécurité. Pendant six matinées d’affilée, nous nous levions à deux heures du matin pour filmer à l’aube. A cette heure-là, les rues étaient encore vides, à l’exception de quelques fêtards égarés. Nous n’avions aucun contrôle sur la circulation, mais nous demandions gentiment aux rares automobilistes d’attendre un peu, le temps de tourner. Ils réagissaient plutôt bien. Peut-être parce que c’étaient des jolies filles qui le leur demandaient, et pas des hommes. Les hommes deviennent agressifs quand d’autres hommes leur disent de ne pas avancer (Rires). Ce que nous avons fait à l’époque serait totalement impossible aujourd’hui. Nous avons souvent filmé sans autorisation. Un jour, nous étions près de la résidence du Premier ministre à Downing Street. Les services de sécurité nous ont interpellés. Nous avons prétendu avoir une autorisation, et ils nous ont laissés faire: «D’accord, mais dépêchez-vous». Aujourd’hui, on ne vous interpellerait même pas, on vous abattrait.

Jamie (Aaron Taylor-Johnson) and his son Spike (Alfie Williams) in Columbia Pictures’ 28 YEARS LATER. © Miya Mizuno

La plus grande différence entre 28 Days Later et 28 Years Later est peut-être que cette fois, vous délaissez Londres pour la nature.

Danny Boyle: Nous ne voulions surtout pas faire un film urbain. D’abord parce qu’on l’avait déjà fait. Ensuite, à quoi peut ressembler une ville après 28 ans d’épidémie? Elle serait envahie par la végétation, et pour illustrer cela, il aurait fallu recouvrir chaque bâtiment de lierre en images de synthèse. Nous ne voulions pas avoir ce côté artificiel. Nous sommes partis en Northumbrie, la région la plus sauvage du Royaume-Uni. Evidemment, les fans regretteront les fameuses scènes d’ouverture à Londres, mais en échange, on leur propose un monde réel, qui plus est, vraiment rude.

Quand je vous ai interviewé en 2008 pour Slumdog Millionaire, vous étiez surpris que j’enregistre la conversation avec un iPod. Celui-ci est désormais obsolète. Heureusement, le cinéma ne l’est pas.

Danny Boyle: On s’en est sortis de justesse (Rires). Je reste sur mes gardes. La technologie actuelle –et l’IA n’arrange rien– nous donne un sentiment de toute-puissance. Tout ce qu’on veut savoir ou voir est à portée de main. On n’a même pas besoin de le demander: ça apparaît tout seul sur son petit écran. Le danger, c’est de finir enfermé dans sa propre petite bulle. On se croit tout-puissant, mais en réalité, c’est un algorithme qui décide ce que vous voulez, et vous êtes piégé. C’est The Matrix, non? Les expériences collectives en direct sont le meilleur antidote. Le football en direct en est un brillant exemple. J’adore ça. Oui, les supporters forment une meute qui peut être bruyante et certains aspects du foot sont peu attrayants –haïr l’adversaire à cause d’un match, par exemple–, et pourtant, c’est précieux. Parce qu’on se sent relié aux autres. Parce qu’on vit quelque chose en commun. Parce qu’on ne se résume pas à soi et à son téléphone . Le cinéma peut aussi être une expérience partagée et grandiose. Les festivals comme le Brussels International Fantastic Film Festival le prouvent. Mais attention. Ne partez pas du principe qu’il y aura toujours des cinémas. Chérissez-les, et protégez-les.

28 Years Later

Thriller post-apocalyptique de Danny Boyle. Avec Alfie Williams, Aaron Taylor-Johnson, Jodie Comer. 1h55.

La cote de Focus: 3/5

Certaines suites se font attendre plus que d’autres. Cela fait plus d’une quinzaine d’années que Danny Boyle et son scénariste Alex Garland (aussi réalisateur d’Ex Machina et de Civil War) souhaitaient ressusciter la licence 28 Days Later, mise au placard après un deuxième opus oubliable. C’est désormais chose faite avec cet étonnant 28 Years Later, pensé comme le point de départ d’une nouvelle trilogie. Gore, frénétique mais aussi mélancolique, cette suite tardive parvient miraculeusement à prolonger l’équilibre de l’opus originel, tout en s’imposant comme un survival furieux et étonnamment touchant. Dommage que le scénario écrit par Alex Garland semble parfois trop concentré à préparer les suites, à l’image de cette conclusion sous forme de pied de nez qui laisse perplexe.

J.D.P.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content