Crash-Test: Will Smith, Chris Rock et la forêt de Tchernobyl, qui est le plus cramé?
Sur les réseaux sociaux la semaine dernière, il n’y en a pour ainsi dire eu que pour la baffe de Will Smith à Chris Rock. Alors que, peut-être, flambait la forêt de Tchernobyl. C’est la vie, Jim, mais telle que nous la connaissons, estime ce Crash-Test S07E28.
La semaine dernière, il paraît que la forêt de Tchernobyl flambait. Peut-être. Peut-être pas. Je n’en sais rien. J’ai vu passer ça sur Twitter, j’ai cherché davantage d’infos, je n’en ai pas trouvées de franchement fiables et puis… Bam, Will Smith ! Will Smith, Will Smith, Will Smith.
Will Smith par ci, Will Smith par là. Plus personne ou presque n’a parlé de Tchernobyl. Tout le monde ou presque a parlé de Will Smith. Ce n’est pas loin, pourtant, Tchernobyl. A 1997 kilomètres de chez moi, via Varsovie. Moins à vol d’oiseau. 2067 kilomètres de Bruxelles et on sait depuis 1986 que les nuages formés au-dessus Tchernobyl ne s’arrêtent pas aux frontières. Will Smith et Chris Rock sont plus éloignés de nous que ça. Sur une carte, Los Angeles est à 10 000 bornes de Tchernobyl. Dans les esprits, la planète Hollywood orbite à beaucoup plus encore. La fortune de Will Smith est estimée à un peu plus de 350 millions de dollars. Celle de Chris Rock irait chercher dans les 100 millions. Peut-être plus. Moi, cette semaine, j’ai gagné 65 balles sur Vinted et ça m’a fait bouffer cinq jours. Que font Will Smith et Chris Rock avec 13 balles sur une journée ? Même leurs paquets de chewing-gums doivent coûter plus…
« Il n’y a pas d’amour dans la violence », a dit quelqu’un sur les réseaux sociaux. « Les systèmes de violence nuisent aux femmes et aux minorités » a commenté quelqu’un d’autre, parlant donc d’un bourrepif de multimillionnaire. Des humoristes, des politiques et même des experts en langage corporel y ont aussi été de leurs petites analyses. « Répondre par une baffe à une blague, est-ce vraiment les valeurs que vous voulez transmettre à vos enfants ? » a quant à lui demandé l’acteur Pierre Niney sur Twitter. La fortune de ce dernier serait comprise dans une fourchette entre 45 et 150 millions d’euros. Peut-être. Peut-être pas. Les Français sont pudiques quand on vient à parler de leur fiscalité. Moi aussi : si vous saviez combien on me rembourse chaque année, vous me traiteriez de parasite ou de clochard. 150 patates, cela dit, ce n’est plus tout à fait la Terre mais pas encore vraiment la planète Hollywood. Je ne connais pas les valeurs de Pierre Niney et je n’ai pas d’enfant. Si j’en avais, je pense toutefois que je leur inculquerais notamment de toujours s’en tenir en public à une pudeur certaine, de ne pas se mettre bêtement en scène, de ne pas s’engluer dans l’hypocrisie crasse. D’éviter le personal branling, donc. Je leur apprendrais surtout à ne pas tenir compte de l’avis des autres, tout spécialement quand ces autres sont issus d’une catégorie sociale qui en fait de véritables extraterrestres. Ou tweetent plus de trente fois par jour. Comme disait Monsieur Spock, « c’est aussi de la vie, Jim. Mais pas telle que nous la connaissons. »
Les concierges de l’Internet voient désormais en Will Smith un homme pas du tout déconstruit. Un beauf toxique. Un Afro-Américain exemplaire quand il tourne de gros navets familiaux, quelqu’un à ostraciser dès qu’il pète une durite en Mondovision. Moi, je vois toujours Will Smith. Rappeur mièvre, acteur à 3 expressions faciales, 350 millions sur pattes dont je n’ai strictement rien à foutre. Vachement moins que de ce que la combustion des forêts de Tchernobyl pourrait envoyer dans l’atmosphère, en tous cas. La baffe à Will Smith, ce n’est même pas marrant. Les bagarres de bars de Robert Mitchum, Lee Marvin et Oliver Reed sont marrantes. Les torgnoles de Lino Ventura sont marrantes. Nic Cage nous aurait probablement torgnolé Chris Rock avec beaucoup plus de panache : « And now, say sorry to the Lady, punk ! » On est vraiment très loin des soufflets du XIXème siècle, aussi : « Maréchal, je vous gante ! ». Ca, ça avait de la gueule. Certains esprits tordus aiment les bagarres de clochards sur You Tube et ces concours russes où de gros types musclés se foutent des torgnoles magistrales. Exploitation prolétaire. Des bagarres filmées de rupins, voilà qui me parlerait drôlement plus. Le type qui valait 350 millions de dollars qui se prend un genou dans les roubignolles de celui qui en pèse 100. Des demi-dieux de l’Olympe soudainement ramenés à une condition beaucoup plus humaine, voire animale. Ça, ouais, ça me ferait sans doute oublier Tchernobyl pour un moment. Mais on en est loin. Will Smith file une baffe à quelqu’un et c’est lui qui ressort de l’incident totalement humilié et pleurniche ensuite des excuses. Quelle honte !
Est-ce que tout cela veut dire que je cautionne la violence ? Peut-être. Peut-être pas. Je n’en sais trop rien, à vrai dire. Ce que je suis vraiment certain de ne pas cautionner, c’est donc une position morale et vertueuse présentée comme inflexible sur les réseaux sociaux. Ce pathétique « Moi la violence physique, jamais ! ». Je suis certain qu’à Noël, bon nombre d’Ukrainiens qui descendent aujourd’hui des hélicoptères russes au lance-roquettes disaient aussi qu’ils ne lèveraient jamais la main sur qui que ce soit. Le recours à la violence est instinctif, donc imprévisible. Aucune des personnes soi-disant choquées par la baffe de Will Smith n’a jamais eu de proche moqué devant une audience comptant deux fois plus de têtes que la Belgique d’habitants. Personne ne peut donc certifier quelle serait sa réaction dans pareil cas. Vu que ça n’arrivera quoi qu’il en soit jamais à une large majorité d’entre nous, à quoi bon malgré tout passer une semaine entière à branloter le dossier ? La baffe de Will Smith, c’est juste une anecdote people. Comme le couteau de Nabilla planté dans son mec il y a un million d’années en temps Internet. Ça ne change strictement rien à nos vies. Tchernobyl, oui. Ça pourrait sinon y mettre rapidement fin, du moins drastiquement la raccourcir. Maintenant que la baffe de Will Smith est en fin de vie médiatique, parlons donc un peu plus de Tchernobyl, voulez-vous ?
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