Simetierre, Salem, The Monkey, Marche ou crève… et aujourd’hui The Life of Chuck. Les années passent et les studios continuent inlassablement d’adapter Stephen King au cinéma.
Il faut reconnaître que les récits de celui qu’on surnomme le «Maître de Bangor» offrent tous les ingrédients indispensables à un bon film: des thématiques universelles, des concepts souvent forts et aisément résumables, une dose non négligeable d’effroi, une galerie de personnages capables d’accrocher aussi bien les adultes que les adolescents, etc. Aujourd’hui, c’est l’étonnante nouvelle The Life of Chuck qui est amenée dans les salles obscures par Mike Flanagan (The Haunting of Hill House), avec Tom Hiddleston, Mark Hamill et Chiwetel Ejiofor dans les rôles principaux. L’occasion idéale de se replonger dans la relation passionnée mais en dents de scie qui lie Stephen King et le 7e art. Petit panorama en six adaptations mémorables qui disent quelque chose de la carrière protéiforme du romancier américain.
La plus psychologique – Jessie, de Mike Flanagan (2017)
Derrière les fantômes et les monstres, les récits de Stephen King ont toujours accordé une grande place à l’exploration psychologique de ses personnages. Une dimension qui n’a peut-être jamais été aussi incarnée à l’écran que dans Jessie. Dans ce récit cru où une femme se retrouve menottée à un lit après un jeu sexuel qui a mal tourné, l’essentiel réside moins dans le suspense que dans la confrontation de l’héroïne avec ses propres traumatismes intérieurs. L’écriture n’est pas toujours des plus subtiles mais le film peut compter sur la réalisation ciselée de Mike Flanagan.
La plus émouvante – Stand by Me, de Rob Reiner (1986)
L’adolescence est l’un des thèmes phares de Stephen King. Dans Stand by Me, elle est explorée sans fantastique ni horreur, dans un récit linéaire tout en sobriété dédié aux personnages et aux dialogues. En suivant le périple de quatre enfants partis à la recherche d’un cadavre dans la campagne américaine, le cinéaste Rob Reiner bâtit une bulle nostalgique où la complicité et la tendresse règnent en maître, jusqu’à un épilogue qui fait résonner l’émotion des années passées. A noter la présence du jeune River Phoenix, dont la justesse du jeu se distingue déjà parmi la petite troupe.
La plus 80’s – Christine, de John Carpenter (1983)
Les adaptations de King ont largement contribué à édifier la culture populaire américaine des années 1980. Et aucun film ne capture mieux cette essence eighties que Christine. Avec cette histoire de voiture hantée amoureuse de son conducteur, John Carpenter transcende largement le roman original –plutôt moyen– et livre un film fantastique au charme fou. D’une peinture rouge rutilante, amatrice de jazz et de rock, la Plymouth Fury s’impose avec style dès les premiers plans, et mérite amplement sa place dans le panthéon des antagonistes les plus emblématiques du 7e art.
La plus choquante – The Mist, de Frank Darabont (2007)
Même les plus grands fans de l’auteur s’accordent sur un point: aussi prenante soit l’intrigue, la conclusion des livres de King se révèle régulièrement décevante. Un défaut que l’on retrouve dans sa nouvelle Brume, récit fantastique où un étrange brouillard ésotérique rempli de créatures s’abat sur une petite ville. Là où le récit se termine originellement avec une fin ouverte frustrante, Frank Darabont a décidé d’opter pour une conclusion étonnamment sombre, transformant ce petit film de monstres de série B en odyssée du désespoir à la noirceur inégalée.
La plus nanardesque – Dreamcatcher, de Lawrence Kasdan (2003)
Stephen King n’a évidemment pas écrit que des chefs-d’œuvre et l’on retrouve cette versatilité dans ses adaptations cinématographiques. Avec son récit boursouflé qui mélange pêle-mêle télépathie, conspiration mondiale, invasion secrète, amitié masculine et parasites aliens se logeant dans un certain orifice de l’anatomie humaine (oui), Dreamcatcher plonge à pieds joints dans le nanar gore sans queue ni tête. A noter Morgan Freeman et ses faux sourcils broussailleux, qui ajoutent à l’absurdité générale du projet. Le film a d’ailleurs été un immense échec à sa sortie.
La plus autobiographique – Misery, de Rob Reiner (1990)
Stephen King a souvent évoqué la pression qu’il ressentait à être catégorisé comme «auteur de fantastique». Cette angoisse, il l’a mise sur papier dans Misery, roman hitchcockien où un écrivain à succès se retrouve séquestré dans les montagnes par sa plus grande fan. Mis en images avec rigueur et précision par Rob Reiner, Misery est un thriller claustrophobique de haute volée, qui repose en grande partie sur l’interprétation glaçante de Kathy Bates, d’ailleurs récompensée de l’Oscar de la meilleure actrice cette année-là.
The Life of Chuck
Drame fantastique de Mike Flanagan. Avec Tom Hiddleston, Chiwetel Ejiofor, Mark Hamill. 1h51.
La cote de Focus: 3,5/5
The Life of Chuck s’ouvre par la fin d’Internet. Un véritable cataclysme, qui n’est cependant qu’un prologue à l’apocalypse à venir. Tsunamis, tremblements de terre, éruptions volcaniques… Alors que l’univers pousse ses derniers soupirs, un seul nom retentit encore sur les ondes: Chuck Krant, comptable de profession. Mais pourquoi lui? Avec cette nouvelle adaptation de Stephen King, Mike Flanagan (The Haunting of Hill House, Doctor Sleep) s’éloigne de l’horreur pour mieux embrasser l’émotion. Remontant le fleuve de l’existence à rebours, The Life of Chuck est un mélodrame étonnant, mystérieux, inclassable, parfois à la lisière de la guimauve, mais toujours sauvé par son optimisme sincère et l’excellence de ses comédiens. Un voyage ésotérique convaincu qu’un bref instant d’émerveillement justifie tous les cahots de l’existence.