Titre - Indiana Jones et le Cadran de la destinée
Genre - Aventures
Réalisateur-trice - James Mangold
Casting - Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen
Sortie - En salles
Durée - 2h34
Critique - Jean-François Pluijgers
Créé en 1981 par Steven Spielberg au départ d’une idée de son complice George Lucas, Indiana Jones s’est imposé comme une icône de la pop-culture. À l’occasion de sa cinquième aventure, panorama des inspirations de ce héros desynthèse.
Quand, à l’invitation de son complice George Lucas, Steven Spielberg se lance, à l’orée des années 80, dans la confection du premier volet des aventures d’Indiana Jones, nul doute que le réalisateur, tout juste sorti de l’échec de 1941, ait aussi (surtout?) pensé à se faire plaisir, lui qui observera: “J’ai fait ce film comme une série B. Je n’y voyais rien de plus qu’une version améliorée des serials de la Republic.” Voire: à l’arrivée, Raiders of the Lost Ark sera cela et bien plus encore, adoptant le profil avantageux d’une lucrative franchise, non sans imposer sa mythologie propre dans le paysage hollywoodien. Le genre à se voir décliné sur les supports les plus divers -cinéma, séries, romans, BD, jeux vidéo et même flippers…- tout en générant une descendance nombreuse, courant de Lara Croft à The Mummy. Mais aussi des “produits dérivés” surprenants: Steven Soderbergh proposera ainsi sur son blog, en 2014, un montage alternatif en noir et blanc, sans paroles et accompagné de la musique de The Social Network, de Raiders, et cela afin d’attirer l’attention du spectateur sur la maîtrise de la mise en scène de Spielberg…
L’homme au fouet
Si Indy, de son vrai nom Henry Walton Jones, Jr., est sans conteste devenu une icône de la pop culture, c’est sans doute aussi parce que, au-delà de ses qualités, immenses et fédératrices, le personnage est le fruit d’un mix savant d’inspirations que ses créateurs ont su brillamment remodeler au goût du jour. Pour réussir à concilier fidélité à la tradition du film d’aventures exotiques – ce qu’accrédite l’ancrage des trois premiers volets de la saga dans les années 30, tout en autorisant à en reproduire jusqu’à l’“innocence” vintage et flirter ainsi avec le politiquement (in)correct – et variations postmodernistes. Le beurre et l’argent du beurre, en somme. Un héritage multiple que ni George Lucas ni Steven Spielberg n’ont d’ailleurs jamais contesté. Ou alors, mollement, comme dans le cas de Tintin, dont le second dira qu’il ignorait jusqu’à l’existence au moment de réaliser le premier volet de la franchise. Mais voilà, il reconnaîtra par contre s’être inspiré de L’Homme de Rio de Philippe de Broca, film virevoltant avec un impérial Jean-Paul Belmondo devant lui-même beaucoup à l’univers d’Hergé. Spielberg, du reste, bouclera la boucle de manière élégante (sinon artistiquement concluante) en cosignant avec Peter Jackson une adaptation en bonne et due forme du Secret de la Licorne 30 ans plus tard.
Broca et Hergé ne sont pas les seules influences ingérées par Indy. Son réalisateur cite donc les serials produits par la Republic, et il est bien sûr tentant de compter parmi ses inspirations le Zorro réalisé en 1937 par John English et William Witney, avec John Carroll dans le rôle-titre, le héros masqué partageant avec le personnage incarné par Harrison Ford l’un de ses attributs les plus fameux, le fouet -un serial ultérieur le désignera d’ailleurs comme “L’homme au fouet”, appellation qui siérait tout autant à Indiana. Produit par Universal et interprété par Grant Whiters, Jungle Jim, d’après l’œuvre d’Alex Raymond, compte également parmi les matrices du personnage, son héros affrontant moult périls plus ou moins extravagants au gré d’une série fleurant bon l’exotisme de carton-pâte.
À la recherche de l’(âge d’)or hollywoodien
L’autre influence majeure de la saga, ce sont bien sûr les films hollywoodiens classiques, le cinéma d’aventure de l’âge d’or en particulier, auquel tant Lucas que Spielberg ont généreusement été biberonnés. Un titre, en particulier, semble avoir inspiré les concepteurs d’Indy, The Secret of the Incas, réalisé en 1954 par Jerry Hopper. Charlton Heston y campe Harry Steele, un ancien pilote de guerre reconverti en aventurier chasseur de trésor du côté du Machu Picchu, arborant Fedora et blouson d’aviateur -toute ressemblance avec Mr. Jones ne semble nullement fortuite. Pour la petite histoire, ce film, généralement oublié, compta d’ailleurs, aux côtés de China de John Farrow, parmi ceux que montra le duo de cinéastes à l’équipe pendant la préproduction des Aventuriers. On peut y ajouter d’autres productions hollywoodiennes, qui composent le background, inconscient ou littéral, de la saga: les films de Michael Curtiz, de Robin Hood à Casablanca, dont Spielberg n’a jamais caché être particulièrement friand. Ou Stagecoach, de John Ford, dont la scène de poursuite en camion de Raiders est une citation manifeste. Jusqu’aux chorégraphies de Busby Berkeley, qui ont, à l’évidence, infusé l’ouverture d’Indiana Jones et le temple maudit. Et l’on en passe, comme la parenté avec une autre franchise mythique, celle de James Bond, actée de la séquence de la base sous-marine de Raiders of the Lost Ark à la présence, dans The Last Crusade, du 007 ultime, Sean Connery, comme en une double reconnaissance de paternité/filiation.
Les fantasmes de Spielberg
Si la saga est ainsi ancrée dans la culture populaire du XXe siècle qu’elle a su s’approprier pour la réinventer à son avantage, l’aventurier, pour sa part, trouve ses ascendants aussi bien dans la fiction que dans la réalité. Avec, d’un côté, Tintin, on l’a dit, mais aussi Allan Quatermain, le héros des Mines du roi Salomon de Henry Rider Haggard, ou, héros de celluloïd, le Bebel de L’Homme de Rio, le Charlton Heston du Secret des Incas ou le Humphrey Bogart du Trésor de la Sierra Madre de John Huston. Et de l’autre, divers scientifiques et/ou explorateurs, comme les Américains Roy Chapman Andrews et Hiram Bingham, l’archéologue britannique Percy Harrison Fawcett ou encore l’archéologue allemand Otto Rahn. Sans oublier, last but not least, Lawrence d’Arabie, les aventures d’Indiana Jones n’étant d’ailleurs pas sans évoquer par endroits le film légendaire de David Lean.
Le reste est laissé à l’imagination du spectateur -Steven Spielberg ne dira pas vraiment autre chose, qui confiera: “Indiana Jones est très personnel. Il représente tous les fantasmes que j’ai pu avoir: être un jour fort, grand et beau. Sachant que je ne pourrais pas incarner Indiana, j’ai pris la seconde meilleure place: celle de réalisateur. Je suis ainsi devenu Gary Cooper, Clark Gable, Errol Flynn, Tyrone Power et Humphrey Bogart.”
4 inspirations du tandem Lucas – Spielberg
Le Secret des Incas, de Jerry Hopper (1954)La saga Indiana Jones puise abondamment aux films d’aventures exotiques classiques. Parmi ceux-là, un titre se dégage, Le Secret des Incas, de Jerry Hopper, qui met en scène un ancien pilote de guerre reconverti aventurier dans la jungle péruvienne. Un personnage auquel Charlton Heston prête ses traits, et auquel Harrison Ford empruntera une partie de la panoplie d’Indy, blouson d’aviateur et Fedora en tête, le film ne devant qu’à cet héritage d’avoir échappé à l’oubli définitif…
Jungle Jim, de Ford Beebe et Clifford Smith (1937)George Lucas et Steven Spielberg l’ont souvent répété, les serials des années 30 et 40 ont constitué une source d’inspiration majeure pour Indiana Jones qui, non content d’évoluer à la même époque, avec l’imaginaire qu’elle charrie, en a reproduit le caractère feuilletonnesque et échevelé dans ses aventures. Si le fouet emblématique du personnage rappelle celui de Zorro, autre mythe persistant de l’écran, l’exotisme de la saga renvoie à celui de Jungle Jim, le serial inspiré d’Alex Raymond.
Dr. No (1962)L’on a parfois comparé Indiana Jones à un James Bond américain, Steven Spielberg ayant longtemps caressé le désir de mettre en scène une aventure du héros de Ian Fleming. À défaut de quoi les films d’Indy citeront régulièrement 007, de la base sous-marine des Aventuriers à l’ouverture shanghaïenne du Temple maudit, sans oublier la présence iconique de Sean Connery dans La Dernière Croisade, sa rencontre au sommet avec Harrison Ford restant l’un des musts de la saga…
Le Temple du Soleil (1949)Aussi étonnant que cela puisse paraître, Steven Spielberg n’avait jamais entendu parler de Tintin et d’Hergé en se lançant dans Indiana Jones; à croire qu’ils partageaient des inspirations communes. Le cinéaste rendra toutefois hommage à l’auteur de BD, empruntant de toute évidence au Temple du soleil pour Le Royaume du crâne de cristal, avant de signer une adaptation en bonne et due forme du Secret de la Licorne et du Trésor de Rackham-le-Rouge dans The Adventures of Tintin, en 2011.
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