Cédric Klapisch s’offre, avec La Venue de l’avenir, un voyage dans le temps et les clichés, et c’est assumé!

Dans La Venue de l’avenir, Cédric Klapisch s’amuse à voyager entre deux époques.

Avec La Venue de l’avenir, Cédric Klapisch instaure un facétieux dialogue temporel entre des jeunes gens dans le vent du temps de l’impressionnisme, et leurs héritiers de l’ère numérique.

Il y a 40 ans, Cédric Klapisch débarquait pour la première fois sur la Croisette, apprenti cinéaste avide de pellicule et de paillettes, flanqué d’une paire d’amis, dont Santiago Amigorena, qui se rappelait ces bons souvenirs dans son ouvrage Le Festival de Cannes ou le temps perdu, récemment publié chez P.O.L. Le mois dernier, avec pas moins de quinze longs métrages à son actif, Klapisch présentait un film pour la première fois en «Sélection officielle». Une programmation événementielle, hors compétition, venant saluer la régularité du réalisateur français de 63 ans et peut-être, surtout, sa volonté jamais démentie de penser des films sincèrement populaires.

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Avec La Venue de l’avenir, imparfait mais sympathique, il nous entraîne du côté des années 1890, au prétexte d’une succession mouvementée, pour livrer un portrait fantasmé de la jeunesse de l’époque, électrisée par l’expansion de la photographie, l’invention du cinématographe ou l’apparition de l’impressionnisme. «Rapprocher le monde d’aujourd’hui et la toute fin du XIXe siècle est d’abord venu comme une intuition, mais il m’est vite apparu à quel point il y avait une grande proximité entre ces deux époques, notamment une sensation d’effervescence technologique et artistique. On dit beaucoup des dernières années que les choses s’y accélèrent, avec l’arrivée d’Internet, des smartphones, de l’IA, mais quand on se penche sur les années 1890, on voit le nombre d’inventions fondamentales qui ont vu le jour entre 1890 et 1910: l’accès à l’électricité, la voiture, le téléphone, le métro, le cinéma, l’aviation. C’est tout à la fois enthousiasmant et effrayant. Comparer les deux époques est source de comique, mais aussi de réflexion sur ce qui nous attend. Et puis, j’aimais beaucoup l’idée que les personnages du passé soient si jeunes, plus jeunes que ceux du présent même, tant quand on pense à nos grands-parents ou à nos arrière-grands-parents on les imagine toujours vieux.»

«Comparer les deux époques est source de comique, mais aussi de réflexion sur ce qui nous attend.»

D’autant que ce voyage dans le temps est également une invitation à mettre en relation les notions d’instant et d’éternité avec, comme luxueuse porte d’entrée, les premiers coups de pinceaux posés par Monet sur la toile d’Impression, soleil levant. «Cela m’amusait beaucoup d’essayer d’imaginer ce qui s’est passé à l’instant où Monet peint cette toile et de voir que ce tableau, fait pour être furtif, pensé dans l’instant, est resté pour la postérité, qu’il a une place dans l’éternité. De voir aussi comment l’impressionnisme est très proche de ce qu’a été la Nouvelle Vague, quant à l’utilisation de nouvelles techniques, dans le fait de saisir des choses un peu fugitives de l’époque.»

L’époque, justement, est ici l’un des moteurs créatifs du cinéaste. «J’avais envie de faire un film historique, en costumes. Dans mon panthéon cinématographique trônent très haut des films comme Amadeus, ou Barry Lyndon. J’ai l’impression que l’histoire avec un grand H fabrique du cinéma, génère une esthétique, et que de fait, on crée de l’image de manière plus active. C’était un fantasme, et ça s’est avéré être un sérieux défi. J’ai dû apprendre la patience. Dans un film d’époque, on est loin du geste un peu documentaire, de l’art de la spontanéité que j’avais chéri dans L’Auberge espagnole ou Chacun cherche son chat. Là, si on devait faire revenir le cheval pour tourner à nouveau un plan de charrette, il fallait prendre son temps… C’était loin de l’énergie que je connais habituellement des tournages.»

Transmission

Au cœur de la partie d’époque du film, on retrouve un trio de jeunes gens venus de la campagne et qui débarquent à Paris, qui pour lever le voile sur ses origines, qui pour rencontrer ses maîtres, qui pour conquérir la ville. C’est l’éternel motif balzacien des provinciaux qui montent à la capitale, les yeux pleins d’étoiles et le cœur plein d’allant. Face à leur émerveillement, Klapisch ose offrir un Paris de carte postale (et joyeusement de carton-pâte), se jouant des clichés comme d’un certain langage. «Cela me semblait d’autant plus pertinent qu’aujourd’hui, ces clichés sont indéfiniment démultipliés par nos photos incessantes. Je crois qu’il ne faut pas enlever la carte postale de Paris. Paris, c’est cliché, et ce n’est pas parce qu’aujourd’hui, des milliards de gens ont pris une photo qu’il faut arrêter de la prendre. Je trouve que le cinéma français est très frileux avec les clichés, quand les Asiatiques, par exemple, ou même les Américains, s’en amusent volontiers, explorant une imagerie très cadrée, très composée, mais avec créativité.»

Que ce soit en 1895 ou en 2025, la tour Eiffel continue de fasciner. Elle est ce qui reste d’un temps révolu. Et convoque la question de la transmission. Car au départ du film, le retour en arrière se fait alors qu’une poignée d’héritiers remontent la trace de leur ancêtre en découvrant quelques photos et un tableau dans une maison abandonnée. Que laisse-t-on de notre passage sur Terre, et que lègue-t-on aux générations suivantes? Le film interroge la question de la transmission familiale bien sûr, mais aussi extrafamiliale, à travers l’art, ou encore le temps d’une scène, de ce qu’un enseignant a donné à ses élèves tout au long de sa carrière.

On sait Cédric Klapisch friand de film choral et ici, la «chorale» se déploie sur deux siècles. Quand on lui demande ce qu’il apprécie dans cette forme narrative si particulière, il remonte lui aussi le temps, pour évoquer un autre Festival de Cannes, en 1989, où il découvrit Do the Right Thing. «Spike Lee y parlait du conflit entre les Noirs et les Blancs, mais au lieu de le faire avec deux personnages antagonistes, il le faisait avec 20 personnages, et cela amenait une incroyable profondeur à sa réflexion, cela montrait qu’il y avait plusieurs façons d’être noir et plusieurs façons d’être blanc. Il évitait tout manichéisme et proposait un discours extraordinairement nuancé.» Spike Lee, que le cinéaste français venait d’ailleurs de croiser la veille. Une autre façon de boucler la boucle, à l’image du voyage spatio-temporel qu’offre La Venue de l’avenir.

La Venue de l’avenir

Comédie de Cédric Klapisch. Avec Suzanne Lindon, Paul Kircher, Vassili Schneider, Abraham Wapler, Cécile de France. 2h05.

La cote de Focus: 3/5

La Venue de l’avenir nous entraîne à la rencontre des descendants d’Adèle Meunier, née en 1873, réunis pour une question d’héritage autour d’une maison délabrée. Alors qu’une délégation de cousins entame les pourparlers avec la commune qui veut racheter le terrain, on remonte dans le temps aux côtés d’Adèle, la petite vingtaine, qui quitte sa province pour rallier Paris. Elle y croise Anatole et Lucien, peintre et photographe, venus eux aussi tenter leur chance. Aidé par son charismatique casting de jeunes comédiens, Klapisch ne tente pas de singer leur énergie, mais la célèbre. Si l’on peut regretter que les personnages «au présent» soient parfois piégés dans le stéréotype, que certains dialogues soient appuyés, ou quelques séquences maladroites, il n’empêche que ce divertissement assumé et généreux offre une réflexion résolument ludique et feel good sur la notion de modernité.

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