Actrice, chanteuse, mannequin, mais surtout icône de l’émancipation féminine et de la liberté sexuelle, Brigitte Bardot s’est éteinte ce 28 décembre, à 91 ans.
L’histoire de celle qu’on surnommera B.B. débute dans le 15e arrondissement de Paris, auprès d’une famille bourgeoise catholique. Dès son enfance, ses parents, passionnés de cinéma, filment constamment leur quotidien avec une caméra amateur. Sur ces archives, Brigitte ne se trouve pas belle: elle souffre d’un strabisme, à peine masqué par ses grosses lunettes, tandis qu’un encombrant appareil recouvre ses dents. A la maison, l’éducation se fait rude, dans la pure tradition des foyers catholiques de droite. Une jeunesse qui forgera son esprit de rébellion, au centre de sa carrière et de son succès.
Phénomène, instantané d’une nouvelle féminité, elle bouleverse les codes des années 1950-1960.
A l’adolescence, grâce aux relations de sa famille, Bardot commence une carrière de modèle et trône plusieurs fois en couverture du magazine Elle, où la beauté éclatante de la jeune femme est repérée par le réalisateur Marc Allégret et le jeune Roger Vadim. C’est le début d’une carrière d’actrice, d’abord modeste, où elle joue de petits rôles pour les grands cinéastes de l’époque, notamment dans Les Grandes Manœuvres (René Clair) ou Si Versailles m’était conté… (Sacha Guitry). Mais c’est avec Et Dieu… créa la femme, de Roger Vadim, que Brigitte Bardot devient un phénomène, un instantané d’une nouvelle féminité qui bouleverse les codes de l’époque. Une image que Jean-Luc Godard porte à son firmament dans Le Mépris, où la beauté de la jeune femme sert de contre-pied à la petitesse de son mari, incarné par Michel Piccoli.
La suite de la carrière de B.B. n’atteint plus de telles cimes artistiques, mais la jeune femme continue d’attirer l’attention, grâce à certaines chansons, notamment avec Serge Gainsbourg, ou lors de la création de sa Fondation en faveur des droits des animaux en 1986. Plus regrettable, l’actrice apporte un fervent soutien à Marine Le Pen puis à Eric Zemmour, confirmant l’extrême droitisation de ses convictions politiques. Retour sur sa carrière en six pastilles.
Et Dieu créa…la Femmede Roger Vadim, 1956
Aujourd’hui considéré comme un film assez mineur, dont l’écriture se limite à quelques marivaudages rebattus, Et Dieu créa…la femme n’en demeure pas moins l’œuvre de la consécration pour Bardot. Parmi les moments les plus mémorables du long métrage, il y a évidemment cette scène où l’héroïne danse pieds nus dans un club, sans se soucier du regard d’autrui, incarnant avec panache un nouveau modèle féminin affranchi des codes moraux traditionnels. Le triomphe du film installe la ville de Saint-Tropez comme Eden de la Côte d’Azur dans l’imaginaire collectif.
En cas de malheurde Claude Autant-Lara, 1958
Moins connu que le précédent mais peut-être plus provocateur encore, cette adaptation d’un roman de George Simenon place Bardot face à Jean Gabin. L’acteur joue un avocat amoral et libidineux qui s’éprendra d’une jeune prostituée, accusée d’agressions et de vol. Outre la formidable rencontre entre deux générations de comédiens, le film constitue l’une des rares incursions de Brigitte Bardot dans le genre du film noir, qui trouve d’ailleurs ici une issue particulièrement tragique et pessimiste. Un petit classique mésestimé.
La Véritéde Henri-Georges Clouzot, 1960
Dominique Marceau, une séduisante jeune femme, est accusée du meurtre de son ancien amant. Commence alors un labyrinthe narratif, où le récit de l’héroïne s’imbrique aux différents témoignages de son entourage. Mais il apparaît rapidement que Dominique est moins jugée pour les faits que pour son comportement, dont la légèreté dérange les jurés. Le réalisateur Henri-Georges Clouzot déploie le portrait d’un système judiciaire grippé, qui agit en protecteur des valeurs morales de l’époque. Et si Brigitte Bardot était un sex-symbol émancipatoire dans Et Dieu… créa la femme, elle devient ici la martyre d’une société conservatrice et misogyne.
Cinq colonnes à la uneInterview, 1962
C’est sur RTF Télévision, en janvier 1962, face au célèbre animateur Pierre Desgraupes, que Brigitte Bardot exprime pour la première fois son engagement en faveur de la cause animale, depuis indissociable de la star. Dans Cinq Colonnes à la une, l’actrice évoque les conditions infâmes dans lesquelles les animaux sont massacrés dans les abattoirs, et prône l’utilisation du pistolet d’abattage indolore. La maîtrise dont elle fait preuve sur le sujet impressionna jusqu’au ministre de l’Intérieur Roger Frey, qui lui accorda une entrevue. Dix ans plus tard, le «pistolet de Brigitte Bardot» est utilisé dans tous les abattoirs de France.

Le Méprisde Jean-Luc Godard, 1963
Lorsque Jean-Luc Godard présente son premier montage du Mépris à ses producteurs, ceux-ci trouvent incompréhensible l’absence de scènes de nu pour Bardot, à leurs yeux «un atout majeur du projet». Contraint d’ajouter quelques images dénudées de l’actrice, Godard a néanmoins l’idée de prendre le contre-pied des attentes. Il en émerge cette introduction mythique, stylisée, où le corps de Bardot est masqué par des éclairages surréalistes rouges, blancs et bleus, tandis que la jeune femme récite, comme une provocation malicieuse au regard du public, ce texte culte: «Tu les aimes mes seins? Et mes fesses? Et mes jambes? Tu les aimes?»

Harley Davidsonde Serge Gainsbourg, 1967
Parmi les nombreux amants qu’a connus Brigitte Bardot, il y a Serge Gainsbourg, qui lui écrivit quelques morceaux cultes, dont Je t’aime, moi non plus, enregistré mais jamais publié, pour être finalement chanté par Jane Birkin quelques années plus tard. La raison de ce report est simple: à l’époque, B.B. était mariée à Gunter Sachs et entretenait une liaison secrète avec Gainsbourg. De leur relation, il reste au moins un tube: Harley Davidson, où l’actrice chante, dans un refrain désormais célèbre, qu’elle n’a besoin de personne…