Titre - Anora
Genre - Comédie dramatique
Réalisateur-trice - de Sean Baker
Casting - Avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Yura Borisov.
Durée - 2 h 19
Palme d’or du dernier festival de Cannes, Anora, le réjouissant nouveau long métrage de Sean Baker, évoque un anti-Pretty Woman à l’énergie folle.
Réalisateur indépendant responsable notamment de Tangerine, The Florida Project ou encore de Red Rocket, le New-Yorkais Sean Baker s’est fait une spécialité des portraits fictionnels des oubliés et des marginalisés de l’Amérique. Capable du meilleur comme du pire, il signe à 53 ans, avec Anora, son huitième long métrage en un quart de siècle. Celui de la consécration, donc, puisque cet anti-conte de fées bien d’aujourd’hui lui a méritoirement valu la Palme d’or à Cannes en mai dernier.
Interprétée par l’incroyable Mikey Madison, Anora, ou « Ani », une jeune strip-teaseuse sans le sou de Brooklyn, escort à ses heures, s’y rêve en improbable Cendrillon des temps modernes suite à son électrique rencontre avec le fils pourri gâté d’un oligarque russe, Ivan « Vanya » Zakharov (tout aussi stupéfiant Mark Eydelshteyn, que les médias se plaisent déjà à surnommer « le Timothée Chalamet russe »). Sous le charme de cet attendrissant homme-enfant à qui tout semble possible, elle l’épouse impulsivement. Mais lorsque la nouvelle parvient jusqu’aux parents de Vanya par l’entremise des réseaux sociaux, ceux-ci partent en hâte pour New York afin de faire annuler le mariage. Soit le début d’une rocambolesque virée dans l’envers vicié du rêve américain…
Du cul et du cœur
On se souvient qu’en 2015, Tangerine, du même Sean Baker donc, offrait déjà une variation très personnelle autour du mythe de Cendrillon. La relecture survitaminée qu’il propose aujourd’hui du conte popularisé par Perrault s’impose haut la main comme son meilleur film à ce jour. Si son scénario évoque assez immanquablement une espèce de Pretty Woman en (grosse) gueule de bois, Anora fait aussi beaucoup penser, par son énergie folle, son humour ravageur et ses personnages résolument à la masse, au cinéma des frères Coen (Fargo, The Big Lebowski), voire à celui des frères Safdie (Good Time, Uncut Gems) ou même d’Harmony Korine (Gummo, Spring Breakers). Sous le vernis coloré du divertissement débridé pointe en tout cas un désenchantement d’une rare pertinence.
Ouvert à la surprise et à l’improvisation, Anora déjoue joyeusement les clichés, déstigmatisant notamment la prostitution avec un punch hystérisé complètement assumé et un cœur gros comme ça. Tourné en pellicule dans l’esprit du cinéma des années 70, il trouve une vérité humaine et émotionnelle qui exclut tout misérabilisme pour tendre vers une critique sociale préférant le fun et la générosité au moralisme grognon. Qu’un film comme celui-là, à mille lieues de l’auteurisme dépressif et morose qui gangrène les grands raouts festivaliers, puisse décrocher la récompense suprême à Cannes est sans doute l’une des meilleures nouvelles envoyées par la planète cinéma cette année.
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