Titre - Ailleurs si j'y suis
Genre - Comédie
Réalisateur-trice - François Pirot
Casting - Jérémie Renier, Suzanne Clément, Samir Guesmi.
Sortie - En salle le 15 mars 2023
Durée - 1 h 43
Onze ans après Mobile Home, le Belge François Pirot renoue avec une série de thématiques qui lui sont chères dans Ailleurs si j’y suis, son deuxième long de fiction.
Cinéaste belge né à Bastogne et ayant grandi à Neufchâteau, François Pirot s’est fait remarquer en tant que scénariste pour Joachim Lafosse (Nue propriété en 2006, Élève libre en 2008) dans la foulée de sa formation à l’IAD. En 2012, il réalise un premier long métrage, Mobile Home, qui embarque deux amis trentenaires en crise pour du surplace en camping-car. Onze ans plus tard, il revient avec un deuxième long métrage de fiction, Ailleurs si j’y suis, qui prend la forme d’une comédie dramatique chorale. Mathieu (Jérémie Renier), petit-bourgeois au bout du rouleau, y lâche tout sur un coup de tête pour s’enfoncer dans la forêt à deux pas de chez lui et y prendre ses quartiers au bord d’un étang. Là, il goûte au bonheur simple de faire corps avec les éléments et s’abandonne à son nouvel émerveillement béat pour la nature, se baignant dans le plus simple appareil, cueillant des myrtilles et pêchant à mains nues… D’une grande liberté, ce geste de rupture qui le voit s’émanciper assez radicalement des contraintes de la vie adulte office de déclencheur pour son entourage. Sa femme, son voisin, son patron et son père commencent en effet à s’interroger sur eux-mêmes et le sens de leur existence… Et si Mathieu avait raison?
Construit autour du fantasme communément partagé d’une espèce de retour idéalisé à l’état de nature, Ailleurs si j’y suis fonctionne dans son écriture à la manière d’une vaste mécanique de dérèglement, sur laquelle François Pirot s’est pas mal cassé la tête, accouchant dans la douleur de ce nouveau long métrage. “Je crois que j’ai un peu souffert du syndrome du deuxième film, sourit le réalisateur. Quand on signe un premier long métrage, on n’a pas de référent, donc on fait les choses de façon plus instinctive. Pour le deuxième film, c’est différent. On en a un et on a envie de faire mieux que la première fois, tout en précisant le type de cinéma qu’on veut faire. On se met une pression plus grande, aussi, ce qui rend parfois le processus d’écriture compliqué. Avec Ailleurs si j’y suis, je voulais faire un film divisé entre plusieurs personnages qui ne se croisent pas forcément, ou peu en tout cas. Ce qui veut dire que chacun doit parcourir un trajet personnel qui s’étale sur la même durée que celui des autres. Techniquement, c’était très complexe à écrire. Je ne me suis pas facilité la tâche. Avec toujours ce risque que la mécanique du récit, de sa structure, laisse au final peu de place à la chair des personnages et des situations.” Et, en effet, le concept du film a quelque chose de très programmatique, et d’un peu étouffant, Pirot peinant par ailleurs souvent à trouver un équilibre convaincant entre l’indéniable légèreté de l’ensemble et la recherche d’une certaine profondeur.
Hommes au bord de la crise de nerfs
Quête de soi, désir d’évasion, refus des conventions… Les points communs entre Mobile Home et Ailleurs si j’y suis abondent. “J’avais envie de prolonger des thématiques assez semblables, en effet, donc de travailler sur des personnages qui sont dans des phases de transition de leur vie, dans un flottement entre deux périodes, où ça grince un peu, où ils sont dans une forme d’insatisfaction par rapport à ce qu’ils sont et peinent à se définir. À l’origine du film, il y a aussi ma découverte, il y a longtemps de ça, de Henry David Thoreau, le philosophe américain qui a écrit Walden ou la Vie dans les bois, qui est le récit des deux années qu’il a passées, au XIXe siècle, dans une cabane près d’un étang. La première fois, en entendant parler de ça, je m’étais dit: tiens, c’est possible de faire ça. J’étais moi-même dans un moment de ma vie un peu d’hésitation, de flottement, et cette perspective de faire cette expérience-là, de partir dans la nature, qui paraît extrême et qui en fait ne l’est pas tellement, avait quelque chose d’assez séduisant. Cette possibilité de ce pas de côté m’a toujours beaucoup rassuré et inspiré.”
Pour autant, Ailleurs si j’y suis est moins un film survivaliste qu’un film sur les névroses des uns et des autres. “Oui, je me suis vite rendu compte que la description très réaliste de l’acte posé par Mathieu ne m’intéressait pas tellement. Ce qui m’intéresse, c’est vraiment une pulsion, c’est la tentation de fuir, de prendre la tangente, de rompre la monotonie, pas tellement le passage à l’acte en lui-même. Et donc le geste de Mathieu dans Ailleurs si j’y suis, je m’en empare de manière davantage symbolique et métaphorique que réaliste. D’une manière générale, mes personnages sont moins habités par des envies de faire des choses qu’angoissés par le fait de ne pas savoir ce qu’ils veulent. C’est davantage la crise intérieure des personnages qui amorce l’action que des événements extérieurs. Par ailleurs, je crois qu’on sent dans mes films que l’évasion n’est ni vraiment une solution, ni un véritable idéal. Je ne crois pas trop à l’idée romantique de se transformer complètement soi-même en s’extrayant de sa vie. Chez moi, le traitement de cette envie est donc toujours teinté d’une certaine ironie. Mes personnages ne sont jamais tout à fait à la hauteur de leurs désirs romantiques de voyage. Chez eux, c’est plutôt un symptôme de crise.”
Notre critique d’Ailleurs si j’y suis
Pour son deuxième long métrage derrière la caméra, le Belge François Pirot (lire son interview page 16), réalisateur de Mobile Home, s’intéresse à un moment de bascule décisif dans la vie d’une poignée de personnages. Sous pression au travail comme à la maison, Mathieu (Jérémie Renier) lâche tout du jour au lendemain pour s’enfoncer dans la forêt proche et y rester, entraînant au passage des changements assez radicaux dans le quotidien de son entourage… Bien trop sage et balisé pour un film où les personnages sont censés envoyer valdinguer les conventions, Ailleurs si j’y suis aligne, hélas, trop de platitudes et réserve peu de bonnes surprises (savoureux Jackie Berroyer en paternel émotif qui construit son propre cercueil).
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