Promenade cinéphile dans les rues de Hong Kong, sur les traces de quelques lieux emblématiques des films de Wong Kar-wai, de Chungking Express à In the Mood for Love.
Peu de cinéastes, sans doute, ont su aussi bien restituer la frénésie d’une ville, son empreinte esthétique aussi, que ne l’a fait Wong Kar-wai de Hong Kong à compter de As Tears Go By. Si d’autres réalisateurs aussi réputés que Johnnie To, John Woo, Ann Hui ou Fruit Chan y ont planté le décor de leurs films, ceux de Wong semblent respirer à l’unisson de l’énergie singulière de la ville, trépidante dans Chungking Express, langoureuse dans In the Mood for Love, tout en restituant son atmosphère à l’électricité mélancolique. Mais voilà, dans un entretien à Libération en novembre dernier, Christopher Doyle, le chef-opérateur de tous ses films de Nos années sauvages à 2046, se désolait de l’extinction de ces néons qui, autrefois, saturaient d’un éclat vintage la nuit hongkongaise. « Les films que nous avons faits étaient la célébration d’une énergie, ils sont profondément le produit de là où ils viennent, cette ville extraordinaire. Et aujourd’hui, tout cela, les néons, est en voie de disparition. La transformation est très rapide. Parce que Hong Kong se gentrifie, se modernise sous l’influence de la politique chinoise. Les LED ne sont pas assez sales. Les LED ne sentent pas le sexe. Les LED sentent la banque, l’entreprise, la gentrification. C’est fade. Chiant. Les films que nous avons faits se nourrissaient de cette énergie du néon, cette exubérance, ce besoin de s’exprimer avec fougue, de déborder le cadre, de frimer, qui caractérisait le Hong Kong de naguère. »
Le rendez-vous de Kowloon
Symptomatique de l’époque, bien sûr. Mais aussi de ces mutations qui semblent propulser la ville dans une mue perpétuelle, faisant de la quête du cinéphile lancé sur les traces du cinéma de Wong Kar-wai une entreprise quelque peu décourageante. Pour autant, Hong Kong n’est pas exempte de décors familiers, le premier apparaissant à peine débarqué du ferry assurant la traversée de Hong Kong Island à Kowloon, à savoir l’hôtel Peninsula, oasis de luxe et vestige de temps immémoriaux trônant, immuable, sur Salisbury Road. Inauguré en 1928, le palace a vu défiler du beau monde, et notamment James Bond, époque Roger Moore, pour L’Homme au pistolet d’or, mais aussi Clark Gable pour Le Rendez-vous de Hong-Kong (Soldier of Fortune), film d’aventures tourné par Edward Dmytryk en 1955 où il avait pour partenaire Susan Hayward.