76e festival de Cannes: de petits airs de déjà-vu et un retour en force des Américains
Avec ses cinq anciens lauréats de la Palme d’or en compétition, le 76e festival de Cannes aura de petits airs de déjà-vu. La sélection réserve néanmoins des surprises, tout en saluant le retour en force des Américains.
Back to the Future”, s’est exclamée Iris Knobloch, sa nouvelle présidente, en présentant, le 13 avril dernier la 76e édition du festival de Cannes en compagnie du délégué général, Thierry Frémaux. Retour à la normale, ajoutera-t-on: après deux années particulièrement généreuses en films -il s’agissait notamment d’exposer des œuvres que la pandémie avait privées d’écrans-, le “plus grand festival de cinéma du monde” retrouve une dimension “normale”, si tant est que le terme soit d’application sur la Croisette. Jusqu’à la compétition qui, avec ses cinq anciens lauréats de la Palme d’or et sa flopée de visages familiers, présente de petits airs de déjà-vu. Cannes, toutefois, est aussi affaire d’équilibre, et la sélection officielle n’est pas avare en “premières fois”, tout en enregistrant une évolution sensible, puisqu’on compte sept femmes -un record- parmi les 21 réalisateur·trice·s qui concourront aux prestigieux lauriers.
Pas de péremption
“Il n’y a pas de date de péremption pour les cinéastes”, a pour sa part souligné Thierry Frémaux, et la compétition, avec son cortège d’habitués, en offre une illustration limpide. Deux fois palmé à Cannes, le vétéran britannique Ken Loach viendra présenter The Old Oak. Il croisera notamment Wim Wenders, lauréat en… 1984 pour Paris, Texas, sélectionné avec un Perfect Days tourné au Japon (il proposera également en séance spéciale un portrait en 3D du sculpteur Anselm Kiefer); le prolifique Hirokazu Kore-eda, couronné en 2018 pour Une affaire de famille, et de retour avec Monster; Nanni Moretti, qui tentera d’obtenir une seconde Palme pour Il sol dell’avvenire, 22 ans après celle de La Chambre du fils, et le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan, qui en fera de même avec Les Herbes sèches, neuf ans après Winter Sleep. À leurs côtés, on retrouve de nombreux cinéastes ayant leur rond de serviette sur la Croisette: le Finlandais Aki Kaurismaki est l’un d’eux, dont on guettera avec curiosité le Fallen Leaves, venu mettre un terme à un silence de six ans. Les Américains Todd Haynes et Wes Anderson également, qui présenteront respectivement May December et Asteroid City; ou encore la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher, en compétition pour la troisième fois avec La Chimera, et son compatriote Marco Bellocchio, de retour sur la Croisette avec Rapito un an après y avoir présenté sa série Esterno Notte. L’on en passe, comme l’Autrichienne Jessica Hausner, dont l’on découvrira le Club Zero, Catherine Breillat, de retour en compétition avec L’Été dernier seize ans après Une vieille maîtresse, Catherine Corsini qui viendra présenter le bien-nommé Le Retour, ou encore Justine Triet, qui retrouve Sandra Hüller pour Anatomie d’une chute, quatre ans après Sibyl.
D’autres cinéastes feront leurs premiers pas en compétition, sans qu’on puisse les qualifier de débutants pour autant. On pense, par exemple, au Franco-Vietnamien Tran Anh Hùng, Caméra d’or en 1993 pour L’Odeur de la papaye verte, qui réunit Juliette Binoche et Benoît Magimel dans La Passion de Dodin Bouffant; à Wang Bing, dont Jeunesse sera le seul documentaire en lice pour la Palme d’or; au Brésilien Karim Aïnouz encore, réalisateur de La Vie invisible d’Eurídice Gusmão dont Firebrand est le premier film en anglais. Jonathan Glazer (Under the Skin) avec The Zone of Interest, d’après Martin Amis, la Tunisienne Kaouther Ben Hania avec Les Filles d’Olfa; le Français Jean-Stéphane Sauvaire avec le film américain Black Flies et la Sénégalaise Ramata-Toulaye Sy avec Banel e Adama, un premier film, complètent le programme de la compétition.
Poids lourds américains à Cannes
Si cette dernière fait la part belle aux auteurs confirmés, sa petite sœur, la section Un Certain Regard, se tourne pour sa part ouvertement vers le jeune cinéma. Et accueille pas moins de huit premiers films, en provenance des quatre coins du monde, et jusqu’à la Mongolie, représentée pour la première fois en sélection avec If Only I Could Hibernate, de la réalisatrice Zoljargal Purevdash. On notera aussi le retour du cinéaste singapourien Anthony Chen avec The Breaking Ice, dix ans après la Caméra d’or de Ilo Ilo; celui de l’Australien Warwick Thornton avec The New Boy; ou enfin celui de la Québécoise Monia Chokri dont l’on guettera le Simple comme Sylvain. Une section Un Certain Regard où figure par ailleurs le seul film belge de la section officielle, à savoir Augure, le premier long métrage de Baloji, qui réunit Marc Zinga et Lucie Debay.
Retours, encore, dans les autres sections de la sélection officielle: on n’attendait plus vraiment Takeshi Kitano, qui viendra présenter à Cannes Première Kubi, une comédie de samouraïs. Et encore moins le réalisateur espagnol de L’Esprit de la ruche Víctor Erice, qui signe aujourd’hui Fermer les yeux. Retour en force également pour le cinéma américain -l’effet Iris Knobloch, venue de la Warner?- qui, outre sa présence en compétition débarque sur la Croisette avec quelques poids lourds: Elemental, le dernier né des studios Pixar, mais aussi Indiana Jones and the Dial of Destiny, occasion d’un hommage à Harrison Ford, The Idol, de Sam « Euphoria » Levinson et Killers of the Flower Moon, nouveau film de Martin Scorsese réunissant Leonardo DiCaprio et Robert De Niro, que son étiquetage Apple TV+ ne privera pas d’une projection sur la Croisette. L’on en oublierait presque la venue de Johnny Depp qui ouvrira les festivités sous les traits de… Louis XV, dans le Jeanne du Barry de Maïwenn.
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