Comédie sur le mariage, portrait craché d’une famille pas vraiment modèle, Pièce Montéeconfronte les générations. On fait de même avec ses acteurs: Marielle, Renier et Alévêque.

Si Alain Delon clame sur tous les toits que le cinéma est mort, que les films d’hier étaient bien meilleurs que ceux d’aujourd’hui, Jean-Pierre Marielle reste, à pratiquement 78 ans, aussi enthousiaste qu’un jeune premier.  » Alain Delon dit ce qu’il veut. Il est grand maintenant », lance le vieux briscard, un verre de rouge à la main. Dans Pièce Montée, comédie pas vraiment drôle sur le mariage, dont il campe le personnage le plus truculent, Marielle joue pour la première fois un curé. Un curé bougon qui y va franco et fout quand bon lui chante les fidèles à la porte de son église.  » Qu’est-ce que vous voulez faire d’un prêtre classique? Que peut-il bien lui arriver? A part dire la messe? Rien. Vous savez, quand on s’ennuie dans notre métier, c’est épouvantable. On emmerde tout le monde. »

Marielle, c’est une carrière de plus d’un demi-siècle. Une grosse centaine de films. Et aussi une voix. Quelle voix. Imitée par les humoristes. Réquisitionnée par Pixar ( Ratatouille).  » Elle n’est pas primordiale dans le cinéma. D’ailleurs, plein d’acteurs ont des voix magnifiques et sont mauvais comme des cochons. J’appartiens à une génération qui a suivi une formation classique. Belmondo, le voyou, est comme moi un élève du conservatoire. On a travaillé avec des maîtres. »

S’il regrette quelques anciens, Marielle joue à tout sauf au vieux con. Son moteur?  » Le pognon« , martèle-t-il sans qu’on puisse une seconde le prendre au sérieux.  » Louis Jouvet, Pierre Brasseur, Jules Berry… Il y a beaucoup d’acteurs qui me manquent. A côté d’eux, on est des nains. Des petits nains. C’est difficile de trouver mieux. Mais il y a des comédiens de ma génération avec lesquels je ne m’entends absolument pas et des jeunes avec lesquels le courant passe tout de suite. Ce n’est pas une question d’âge. C’est relatif à la manière d’être, à la personnalité. Ça colle quand on a des sensibilités qui s’accordent. Les années ne représentent pas grand-chose… »

Rebelle rebelle…

Ça en fait déjà une quinzaine maintenant que Jérémie Renier, alors âgé de 15 ans, crevait l’écran dans La Promesse des frères Dardenne.  » C’est toujours impressionnant de travailler avec des monuments comme un Jean-Pierre Marielle, se réjouit-il. En plus, il tient une de ces formes. En fin de journée, j’étais claqué et il avait toujours une patate incroyable.  »  » Il n’a qu’à picoler un peu ce garçon, conseille à distance l’aîné. Il ne boit que du coca. Grave erreur. Qu’il attaque le Bourgogne, ça ira beaucoup mieux. »

Enfin… Les temps ont changé. Et les films aussi.  » Les années 60 et 70 étaient synonymes d’une liberté folle dans la vie de tous les jours comme dans l’art, remarque Jérémie Renier. Nous, nous sommes perdus. Je ne dis pas qu’on régresse mais c’est le bordel. On a moins de repères. On a moins d’argent. Dans le cinéma, les producteurs sont plus frileux. Pas sûr qu’ils financeraient un Salo ou les 120 journées de Sodome aujourd’hui. »

 » Il y a encore et toujours des producteurs qui prennent des risques, nuance Marielle. Et parfois, ils ne se trompent pas. Parfois, c’est une bonne affaire. Ça peut arriver. »

Christophe Alévêque est de la génération in between. A 46 balais, l’insolent touche-à-tout pourrait très bien être le fils Marielle voire le père Renier. Lui, l’humoriste, déplore les scénarios vides, une dictature du mou dont on a du mal à sortir.  » Il y a quelques années, même Blier, on ne lui donnait plus de pognon.  » Et de terminer sur un constat inquiétant:  » Ce ne sont pas les jeunes qui sont les plus rebelles aujourd’hui. Au contraire, ils sont de plus en plus conservateurs. »

Jean-Pierre Marielle ////////

77 ans

 » Les acteurs qui ont la carte ne sont pas toujours les meilleurs. Moi, la carte, je ne l’ai jamais eue. Je n’ai reçu que des laissez-passer. » Jean-Pierre Marielle, ce n’en est pas moins l’un des plus beaux palmarès – encore inachevé – du cinéma français. Sorti du Conservatoire national en 1954 avec le second prix de comédie, il fait ses débuts au théâtre avant de se distinguer au cinéma dans des rôles aussi bien tragiques ( Coup de torchon, Que La Fête commence, Les Mois d’avril sont meurtriers) que comiques ( La Valise, Les Galettes de Pont-Aven). JP a toujours su alterner planches et toiles. Films grand public et films d’auteurs.

Jérémie Renier ////////////////

29 ans

Très tôt, le petit Bruxellois côtoie le monde du spectacle. Jonglages, acrobaties… Il participe à des stages de vacances à la Rétine de Plateau, fréquente l’école du cirque et prend de l’assurance devant la caméra dans les castings. Il passe sans succès celui de Toto le héros et à 10 ans joue dans Les Sept Péchés capitaux. Il incarne ensuite Pinocchio au Théâtre royal de Mons et marque La Croisette avec La Promesse des frères Dardenne dont il est l’un des protégés. Prototype de l’acteur instinctif, physique, Renier a entre autres tourné avec Gans ( Le Pacte des loups), Ozon ( Les Amants criminels) et Assayas ( L’Heure d’été).

Christophe Alévêque /////

46 ans

Alévêque est un autodidacte. Un self-made-man. Il entame des études de commerce à l’ISTEC et commence sa carrière d’humoriste sur les scènes des cafés-théâtres parisiens. Fidèle équipier de Ruquier ( On va s’gêner sur Europe 1, On a tout essayé sur France 2), il fait un carton en 2002 avec son spectacle sobrement intitulé Alévêque, jouant notamment avec cynisme et ironie sur les attentats du 11 septembre. Il tient une chronique régulière dans Siné Hebdo et a sorti un bouquin, Le Petit Alévêque illustré. Au cinéma, on l’a vu dans Nos amis les flics, Les Petits Poucets et Fool Moon.

Rencontre Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content