C’est une bonne situation, ça, manager?
En belgique francophone, les managers d’artistes musicaux doivent beaucoup travailler avant d’espérer gagner leur vie. l’export semble indispensable.
En décembre 2020, dans une enquête consacrée à la musique belge, Medor épinglait le manque de structures d’accompagnement professionnel en Wallonie et à Bruxelles. “Ça va mieux mais ça ne va pas bien, commente Sébastien Desprez (Magma). On doit décliner des demandes tous les mois. Il y a plein de groupes qui cherchent des managers et qui n’en trouvent pas. Personne ne veut le faire. Ça prend trop de temps et ça ne gagne rien.” “C’est un travail de longue haleine, confirme Maxime Lhussier. Il faut déjà faire beaucoup de choses avant que la rémunération tombe. Et elle reste très incertaine. Tu peux bosser pendant deux ou trois ans pour pas un balle sur des groupes qui ne rencontreront pas leur public.”
Les managers vivent de pourcentages sur les revenus des artistes. Entre 10 et 20%. Généralement 15. “C’est le modèle universel. Le format classique, résume Seb Desprez. On ne te paie pas au mois. Tu ne reçois de la tune qui si le groupe en gagne. Tu as donc tout intérêt à bosser comme un zinzin, à ce qu’il joue blindé et à ce qu’il vende plein de merchandising. Parce que 15% de cacahuètes, c’est vraiment de très très petites cacahuètes.” “Certains managers demandent une espèce de fixe pour les artistes émergents, note Didier De Raeck. Un petit salaire minimum doublé d’un pourcentage. Mais en général, on se paie sur les ventes de disques et de streaming, les droits d’auteur, les bénefs de tournées, les synchros. Moi, je ne touche juste pas à Pôle Emploi et aux subsides.” Le cas est particulier: Rone, son principal “managé”, est français. “Les soutiens incroyables de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de Wallonie-Bruxelles International nous permettent de garder la tête hors de l’eau. Sans eux, dans notre contexte, on n’y arriverait pas, explique de son côté Michael Wolteche, qui prend 10% sur toutes les rentrées sauf les droits d’auteur. Je pars sur le plancher pour donner toutes les chances au groupe. Si les revenus deviennent plus importants, il est toujours temps de revaloriser.”
Sur un aussi petit territoire que le nôtre, il y a forcément d’énormes contraintes économiques. “Qui, en Belgique francophone, génère suffisamment de revenus pour que quelqu’un puisse bosser plus ou moins tous les jours sur son projet?, questionne Maxime Lhussier. Assurément pas grand monde. C’est le métier de tourneur qui nous permet d’assurer la fiabilité de la boîte. Parce qu’en tant que manager, il y a en plus une grande distorsion entre le moment où tu commences à bosser et le moment où tu es payé.”
“Quand tu défends un projet qui ne rayonne pas plus loin que la Wallonie, c’est compliqué, conclut Didier. Tout ce qui a vraiment cartonné a commencé à marcher en France. Que ce soit Angèle, Stromae ou Roméo Elvis. Les Français sont six fois plus nombreux que nous. Je ne me serais pas lancé en confiance dans le management d’un groupe belge.” Il s’occupe juste aussi du Mexicain Cubenx. “Mon chiffre, c’est principalement Rone. J’ai un peu tous mes œufs dans le même panier mais tant qu’il ne se fait pas renverser par un camion en sortant de chez lui, on ne devrait pas se séparer demain.”
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