Cécile de France, Eastwood et au-delà

L’actrice belge partage avec Matt Damon la vedette de Hereafter, le nouveau film de Clint Eastwood. Une expérience unique, qu’elle retrace par le menu…

On a beau avoir déjà une belle filmographie derrière soi, un tournage avec Clint Eastwood reste une expérience à part; de celles qui marquent, a fortiori pour une comédienne belge peu susceptible a priori de rentrer dans les plans du réalisateur de Gran Torino. Cette chance, Cécile de France en a, de toute évidence, goûté chaque instant. A peine lui fait-on face, dans le confort d’un luxueux hôtel bruxellois, qu’elle confie, ravie: « C’est absolument enivrant de recevoir la confiance de Clint Eastwood dans sa vie » Le réalisateur, pour sa part, ne tarit pas d’éloges à son propos: « J’ai visionné d’autres candidates, mais c’est elle qui s’est clairement imposée, explique-t-il dans les notes de production de Hereafter. Je ne la connaissais pas encore, et je pense aujourd’hui que c’est l’une des meilleures actrices avec qui j’aie jamais travaillé ». Pas un mince compliment, si l’on considère que l’ont notamment précédée Hilary Swank, Laura Linney, Angelina Jolie et autre Meryl Streep.

Hereafter (voir notre critique ici) voit, il est vrai, Cécile de France s’acquitter avec bonheur d’un rôle pourtant pas évident, celui d’une journaliste dont les certitudes vacillent à la suite d’une expérience voisine de la mort. Le début d’un intense voyage intime, et une expérience qu’elle relate sans qu’il faille beaucoup la prier…

Comment s’est passé le processus de casting de Hereafter?

Tout simplement. Une directrice de casting anglaise et une française ont rencontré des acteurs et actrices français, une partie de l’histoire se passant à Paris. Comme Clint Eastwood a l’habitude de coller à la réalité, c’était important pour lui, même si on allait être inconnus pour le public américain. Clint Eastwood n’assistait pas aux essais, mais la cassette lui a été envoyée tout de suite, et quelques semaines après, nous avions la réponse.

À quel stade l’avez-vous rencontré?

La veille du tournage. Il m’a tout de suite mise à l’aise, et m’a fait comprendre que ce n’était pas pour rien qu’il m’avait choisie. Par son amour et par sa tendresse plus que par des mots, il m’a montré qu’il n’était pas nécessaire d’être embarrassé par un sentiment parasite comme le fait d’être impressionné par lui. Il fallait juste être content, et bien travailler.

Cela veut dire aussi qu’il s’en remet à vous, et vous fait entièrement confiance. Comment êtes-vous rentrée dans ce schéma de fonctionnement?

Il fait confiance à tous les membres de l’équipe, ce qui est intelligent, parce qu’on se sent responsable. C’est comme avec les enfants: quand on leur fait confiance, ils apprennent par eux-mêmes, et plus vite. C’est pareil avec Clint Eastwood: on veut donner le meilleur de nous-mêmes parce qu’il y a cette confiance absolue, et qu’il nous offre une liberté totale. Il faut pouvoir s’adapter à l’impulsion créatrice du moment, et emmener le meilleur de soi, parce qu’on a envie d’être à hauteur de son génie.

S’agissant d’un film hollywoodien, on est surpris par la précision avec laquelle on y évoque François Mitterrand, sur lequel votre personnage, Marie, envisage d’écrire un livre. Tout se trouvait-il dans le scénario?

Non, il était juste indiqué qu’elle présentait son livre sur François Mitterrand. Je n’avais pas envie d’arriver sur le plateau en n’ayant rien à proposer, et j’ai écrit cette scène avec un ami, Michael Bensoussan. Je l’ai proposée à Clint Eastwood qui a dit oui sans problème, sans savoir vraiment ce que je disais, puisqu’il ne parle pas français. Cela prouve encore une fois sa confiance absolue et magnanime. Il aurait pu couper la scène, ou la réduire, parce que je pense qu’aux Etats-Unis, ils s’en fichent un peu de François Mitterrand. Mais non, il l’a gardée, par respect pour ce que je considérais de mon personnage.

Au-delà de la perspective de travailler avec Clint Eastwood, qu’est-ce qui vous a attirée dans le projet?

Marie est un vrai personnage, avec un parcours initiatique. Elle est traversée par une vraie réflexion sur des questions philosophiques fondamentales, et entame un voyage intérieur positif et constructif. (…) Pour préparer le rôle, j’ai lu de nombreux témoignages, notamment dans les livres d’Elisabeth Kubler-Ross et de Raymond Moody, et des gens se sont livrés à moi. Et puis, je suis allée voir des médecins plus rationnels, pour avoir d’autres explications. Tout ça pour en arriver au fait que je n’ai pas plus de réponses qu’avant de commencer mes recherches. Tout comme le film, d’ailleurs: Hereafter ne donne pas de réponses, il ouvre une porte et pose des questions. Et permet d’accepter qu’il y ait des mystères.

Comme Soeur Sourire, Marie connaît une remise en question d’ordre spirituel. Est-ce un questionnement qui vous accompagne?

C’est le hasard des rôles. Après, ce sont des personnages tellement intéressants, avec leurs chamboulements, leur part d’ombre et leur évolution. Mais dans la vie, je suis au contraire quelqu’un qui ne se pose pas trop de questions. Je suis dans le présent, je vis déjà cette vie incroyable, privilégiée, et je ne me pose pas les questions qui taraudent mes personnages.

Vous avez enchaîné Hereafter avec le prochain film des frères Dardenne. Pourriez-vous comparer ces 2 expériences?

Elles sont très différentes: chez Clint Eastwood, il y a une quête de l’immédiateté, on fait très peu de prises, et on est dans la capture d’une spontanéité. Alors que chez les frères Dardenne, on est dans l’amour de la recherche, et de creuser dans un sens, dans l’autre. Ce sont 2 directions totalement opposées, comme quoi il n’y a pas de règle. Heureusement, chaque artiste a sa manière de faire. Cela me permet, moi actrice, de pouvoir exercer ma faculté d’adaptation.

Entretien Jean-François Pluijgers

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