Benoît Heimermann
Jeux olympiques de Paris: le cœur et la raison
Paris donnera le coup d’envoi de ses Jeux olympiques d’été le 26 juillet, dans une ambiance politiquement inquiète qui ravive aussi les oppositions à l’événement. Auteur, journaliste sportif et éditeur, Benoît Heimermann revient sur la versatilité d’humeur de ses râleurs de compatriotes.
Il y a encore deux mois, je priais tous les dieux de la Grèce antique que d’un coup de flamme magique le peuple français soit privé du privilège d’accueillir les Jeux de la XXXIIIe Olympiade et que cette quinzaine d’exception soit plutôt attribuée à son voisin belge (… cela dit totalement au hasard). Trop de plaintes, de tergiversations, d’atermoiements. Un discours sempiternellement négatif où il n’était question que de travaux, d’embouteillages, d’attentats, sans parler des prévarications et des taxes, toutes bien sûr, revues à la hausse.
Mon grand âge m’a offert une bonne quinzaine d’occasions d’assister à cette manifestation, je le concède, hors norme. Mais jamais je n’avais observé un hôte à ce point rétif. Le mantra des Parisiens au cours des trois années écoulées: « Désolé messieurs, que vous le vouliez ou non, je me barre! » avec, codicille obligatoire, « … mais juste avant, bien sûr, je loue mon appart!« . Ce qui traduit, en langage opportuniste de base offrait en guise de variante: « Les Jeux, je m’en moque, sauf si je peux faire un peu d’argent sur leurs dos, évidemment« .
Tant de cynisme interroge. Les Français auraient-ils la science infuse? Seraient-ils les seuls conscients des difficultés grandissantes qu’il y a à mettre sur pied le plus déraisonnable des rendez-vous sportifs de la planète? Ou leur réaction atrabilaire n’est-elle pas plutôt à porter au crédit d’un pays où la tête et les jambes, l’intellect et le ludique, le cérébral et l’oxygéné, contrairement aux apparences, ne vont toujours pas de pair. En prélude de la Coupe du monde 1998 (au siècle dernier), les clercs et les « bobos » (utilisait-on déjà ce terme à l’époque?) s’étaient, souvenez-vous, comportés de manière similaire, pronostiquant des hordes de hooligans avinés, un crack financier obligatoire avant d’applaudir en fin de parcours (de manière tout aussi exagérée) aux vertus conciliatoires du plus que fameux « black-blanc-beur ». Pas un éditorialiste, pas un politique, pas un sociologue qui n’ait accompagné, à l’époque, le brutal mouvement de balancier.
Vingt-six ans plus tard, il n’est pas interdit de penser que les humeurs du moment, pourtant bien éprouvées par ailleurs, n’empruntent un chemin similaire. Les paris sont ouverts. Une cérémonie d’ouverture originale doublée d’une ou deux médailles de Léon Marchand à suivre dès le premier week-end: je ne vous dis que cela! Versatiles, les Français le sont. En matière de sport assurément. Oui, les Jeux ne sont pas parfaits, parfois même sont-ils agaçants. Trop de surenchères, trop de drapeaux, trop d’argent. Mais ce que les contempteurs de la chose athlétique n’ont toujours pas compris c’est que les Jeux -et le sport en général- parlent et parleront toujours davantage au cœur qu’à la raison. C’est simple, c’est naïf, c’est enfantin, mais c’est ainsi.
Benoît Heimermann a dirigé l’ouvrage Je me souviens de la foulée de Pérec (et autres madeleines sportives) paru en janvier dernier aux éditions du Seuil.
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