Carte blanche: Adèle, mise à part la morve!

Mihee-Nathalie Lemoine s'était teint les cheveux en bleu bien avant le film ou la BD. © DR

Peut-on être lesbienne et apprécier La Vie d’Adèle, Palme d’or du dernier festival de Cannes? Nous avons donné carte blanche à Mihee-Nathalie Lemoine, artiste queer engagée qui n’aime pas les majuscules.

on me donne carte blanche pour rebondir sur le film la vie d’adèle, en tant que lesbienne (queer) et artiste (vidéaste) suite à une note sur mon facebook:

– alors, la vie d ‘adu0026#xE8;le: des snottes, des petites claques, et c’est su0026#xFB;r que les hu0026#xE9;tu0026#xE9;ros curieuses n’auront plus besoin d’essayer avec les lezzies (lesbiennes)… c’est genre u0022lesbiennes pour les nullesu0022…u003cbr/u003e- tout u0026#xE7;a pour dire qu’une lesbienne est toujours bien pru0026#xE9;paru0026#xE9;e… elle a des mouchoirs dans sa poche et sait les utiliser en temps voulu… vous me comprendrez quand vous aurez vu le film.u003cbr/u003e- beaux culs, u0026#xE7;a oui… mais je n’ai jamais vu autant de lesbiennes s’embrasser dans un bar de lesbiennes… fantasme de mecs…

je dois avouer qu’après avoir été congédiée du quotidien sud-coréen munhwa ilbo en 2000 pour avoir écrit un article sur l’homosexualité après le coming-out de l’acteur sud-coréen hong sukcheon (été 2000, jeux olympiques de sydney, australie), et qu’une décennie après on me demande d’écrire sur le sujet, en belgique et ayant participé activement en intervenante pour le G.R.I.S.-montréal (il existe également un G.R.I.S.-liège) qui combat l’homophobie dans les écoles, ça touche. je veux préciser que je ne représente en rien la communauté lesbienne ni L.G.B.T. et je ne prétends pas détenir LA vérité.

il y a la BD de julie maroh (le bleu est une couleur chaude, glénat, 2011), il y a le film la vie d’adèle (kechiche, 2013), puis il y a les lesbiennes, lesbis d’ici(tte) et d’ailleurs.

après avoir vu le film en avant-première grâce aux séances du festival pink screen, entourée, j’imagine, de 3/4 de lesbiennes, et l’autre quart de gays et ami(e)s, je ressors de la projection, sous une fine pluie bruxelloise, et je me dis: « ah, encore un film de lesbiennes fait par un hétéro. oui, mais un peu plus subtil par rapport au profilage ethnique des acteurs/actrices. je me dis aussi qu’au moins une des filles ne meurt pas à la fin. »

étant moi-même une personne dite de « couleur », de minorité visible comme le diront d’autres, le dialogue qui paraît peut-être anodin, devoir donner le sens à son prénom ou se le faire dire (adel=justice en arabe). ce que peut-être et sans doute un autre réalisateur n’aurait pas souligné.

d’un point de vue esthétique, je me demande pourquoi tant de morve pour adèle (la féminine) et quasi aucune pour emma (la fille aux cheveux bleu). ça veut faire « genre » cinéma-réalité? on sait tous que quand une fille ou un gars pleure, il y a de la morve, mais on sait aussi que notre éducation nous a appris à les essuyer.

en tant qu’artiste (conversation schiele vs klimt) et androgyne (emma ne sortait pas qu’avec des « féminines »), ayant eu moi-même les cheveux teints en bleu (en corée du sud en 1999, donc bien avant la BD et le film), je me reconnais plus en emma.

j’avoue, ce qui m’a le plus énervé, ce sont les scènes de cul. longues, super hétéro-voyeur. j’ai l’impression que c’était « la sexualité lesbienne pour les nul(le)s ». j’ai l’impression que les hétéros-curieuses sortiront de là en se disant « oh ben maintenant je sais comment il faut le faire, plus besoin d’essayer. » pour ça, je remercie m. kechiche, ça m’évitera d’avoir ce genre de demande à l’avenir. mais je sais aussi que c’est du cinéma grand public, je sais que ça doit plaire, je sais, je sais. mais n’empêche!

il ne faut pas oublier que c’est un film sur des jeunes. fragiles et en même temps déterminé(e)s, ne se posant pas trop de questions quant aux conséquences de vivre son désir, adèle vit ce qu’elle veut vivre.

Je me demande toujours, si ça avait été anne fontaine, jane campion, valeria golino qui en avaient fait une version, quel en aurait été le résultat point de vue sensibilité, sensationnalisme. là, peut-être que je vis dans mes fantasmes.

mes questions sans réponses

  • est-ce que la lesphobie/transphobie est la néo-homophobie?
  • est-ce que l’homophobie est le néo-racisme?
  • est-ce que le racisme est le néo-sexisme?

c’est certain que l’un ne remplace pas l’autre, et qu’il y a toujours de la lesphobie, de la transphobie, de l’homophobie, du racisme, du sexisme.

je tire mon chapeau aux militants qui combattent pour l’égalité pour TOU(TE)S.

mihee-nathalie lemoine (alias kimura byol) est une artiste multimédia et commissaire née en corée, adoptée en belgique, et immigrée au canada.

son travail visuel a été en solo et en groupe (séoul, tokyo, kyoto, hong-kong, taipei, berlin, bruxelles, lille, grenoble, montréal, vancouver, los angeles, new york).

ses poèmes, essai et critiques ont été publiés aux états-unis, en corée et au japon.

ses vidéos courtes ont été présentées en allemagne, angleterre, belgique, canada, corée du sud, états-unis, france, hong-kong, japon, taiwan, tunisie.

mihee-nathalie lemoine travaille sur l’identité diasporique et questionne les genres, et jongle avec les mots.

elle n’aime pas les lettres capitales!

www.starkimproject.com

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