Figure discrète mais essentielle de l’armada HBO, le scénariste Ed Burns époustoufle à nouveau avec Generation Kill. Morceaux choisis de notre rencontre avec cet oiseau rare à la plume bien trempée.
Ce vétéran du Vietnam, ancien enquêteur criminel de Baltimore reconverti en professeur d’école publique, a toujours puisé dans ses expériences pour nourrir son écriture. En 1997, il coécrit The Corner avec David Simon, un livre centré sur la communauté pauvre, gangrenée par la drogue, de Baltimore. Le tandem l’adapte lui-même pour HBO en une minisérie de six épisodes. Le début d’une belle alliance entre Burns, Simon et HBO débouchant ensuite sur la saga The Wire, portrait vertigineux de Baltimore en cinq saisons centrées chacune sur une facette différente de la ville. Dans la foulée, Burns et Simon quittent le décor de la plus grosse agglomération du Maryland pour adapter, toujours pour HBO, en une minisérie de sept épisodes, Generation Kill, le bouquin d’Evan Wright, journaliste à Rolling Stone qui a suivi deux mois durant une unité de Marines en pleine guerre d’Irak. Bien plus qu’une énième déclinaison sur l’absurdité de la guerre, il en résulte une £uvre sidérante de réalisme et de justesse, se jouant dans les temps morts, et portée par un sens du dialogue stupé-fiant.
Nous avons rencontré Ed Burns à Londres en décembre dernier, alors en pleine promo européenne de cette minisérie choc dont l’intégrale est programmée ce dimanche sur Be tv ( voir notre guide tv page 51).
Focus: que signifie pour vous Generation Kill?
Ed Burns: ce titre renvoie à l’idée d’une génération qui a été élevée dans une certaine désensibilisation par rapport à la violence. Un peu comme dans les jeux vidéo. Ce n’est pas un titre tout à fait approprié d’ailleurs, parce que quand on y regarde de près, on voit que ces soldats peuvent vraiment être très sensibles. Il y a quelque chose de complexe, voire de paradoxal là-dedans. Ce sont des tueurs entraînés, des guer-riers, comme chaque civilisation a les siens. Et quand tu fais bien ton boulot, quel qu’il soit au fond, tu ressens un certain degré de satisfaction. Sur le moment, la guer-re se résume à » tu me tires dessus, je te tire dessus« . Mais après coup, quand l’affrontement est fini, là c’est autre chose.
Comment avez-abordé à l’écriture la question d’une représentation de la guerre à priori aussi détachée de la morale, ne versant ni dans la glorification ni dans la critique forcenée?
C’était une question importante en effet pour David (Simon) et moi. Il n’y a aucun message dans Generation Kill. Peu importe l’image que vous avez des soldats en général, nous on vous montre juste les gars tels qu’on les a rencontrés. Et j’ose espérer que nous avons réussi à aller au-delà des stéréotypes en leur donnant une personnalité, des problèmes, une condition humaine. Quand vous regardez Generation Kill, si vous êtes plutôt du genre anti-guerre vous y trouverez forcément des éléments allant dans votre sens, mais l’inverse est tout aussi vrai. C’est quelque chose qui était déjà valable pour le bouquin d’Evan (Wright). Vous savez, ce livre a reçu un prix de la fondation du Corps des Marines. Et quand je l’ai lu je me suis dis » mais bon dieu comment est-ce possible?« , tellement je l’ai perçu, sous bien des aspects, comme une critique féroce de ce qu’ils représentent.
Justement, comment les vrais Marines dont s’inspire la série ont-ils réagi quand ils ont découvert la manière dont ils y étaient représentés?
Ils ont vu la série tous en même temps, dans la même pièce, et certains ont adoré l’image que ça donnait d’eux. D’autres avaient plutôt des réactions du genre: » Aouch! C’est vraiment moi, ça? « . Et les autres de leur répondre: » Oui, trouduc, c’est bien toi… « .
Texte Nicolas Clément
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