Bruxelles-Kinshasa en flash-back

David-Minor Ilunga © Poche
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Seul sur scène pour piloter ce Délestage né de sa propre plume, l’irrésistible David-Minor Ilunga assure le show en déroulant le parcours d’un « clando » venu de Kinshasa et arrêté à Bruxelles en pleine effervescence de Diables en Coupe d’Europe mêlée de paranoïa post-attentats.

Ca commence avec la voix de Rodrigo Beenkens s’emballant en commentant un but d’Eden Hazard. De foot il sera beaucoup question dans ce seul en scène. Deux matchs de la Coupe d’Europe 2016 servent en effet de balises temporelles pour s’y retrouver dans les incessants flash-back et flash-forward que David-Minor Ilunga enchaîne en toute décontraction: Belgique-Hongrie (4-0) et Belgique-Pays de Galles (1-3). Lors du premier, le héros et narrateur, jeune Congolais fraîchement arrivé à Bruxelles, est arrêté par la police, suspecté de terrorisme parce qu’il s’est un peu trop approché d’une voiture et a un canif en poche. Lors du second, il finit par craquer après deux jours de silence au commissariat, entouré par Tom, le « méchant flic », et Marcel, le « gentil flic ». Et une fois que le mutisme du suspect congolais a été brisé (non par la pression des policiers mais par un but de Nainggolan, à la treizième minute), le robinet est ouvert, la parole va se déverser. Et c’est un régal.

D’un changement dans le regard, d’une inflexion de voix, David-Minor Ilunga, pépite révélée par le Tarmac des Auteurs d’Israël Tshipamba, emmène le public de Bruxelles à Kinshasa, alternant français et lingala. Par le prisme d’un humour ravageur, il raconte la vie quotidienne là-bas. L’Article 15 de la Constitution -« Débrouillez-vous »- qui sert de référence plus ou moins pour tout. La discontinuité omniprésente, pour l’électricité, pour l’eau potable, mais aussi pour les salaires, pour l’éducation… La circulation folle et les transports bondés. Les fils électriques béants tombés sur le sol, prêts à électrocuter le passant, mais qui restent là indéfiniment parce que tout le monde s’en fout. Les portes portables que chacun amène pour la toilette commune. Mais aussi la nourriture et les odeurs, et puis le rire « qui garde au chaud ». On y est, on le sent, on comprend. Ce David-Minor Ilunga a un truc magique pour transporter l’auditoire à ses côtés. On en redemande.

Délestage, jusqu’au 23 décembre au Théâtre de Poche à Bruxelles, www.poche.be

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