Critique

Black Swan

THRILLER PSYCHOLOGIQUE | Darren Aronofsky investit le monde du ballet, sur les pas d’une danseuse étoile que sa recherche de la perfection conduit en terrain mouvant.

Après le monde du catch dans The Wrestler, c’est l’univers de la danse classique qu’investit Darren Aronofsky dans Black Swan, 2 disciplines qu’il filme au plus près des corps, esquissant, par ailleurs, une convergence inattendue entre l’histoire du catcheur vieillissant que campait Mickey Rourke et celle de la jeune ballerine qu’interprète avec brio Natalie Portman.

Black Swan a pour cadre le New York City Ballet, à la veille d’une nouvelle saison sous la direction artistique du chorégraphe Thomas Leroy (Vincent Cassel). Au programme de la rentrée, une production du Lac des Cygnes dont le rôle principal semble promis à Nina (Portman), jeune danseuse étoile se consumant pour son art et dévorée par l’ambition, au point d’en oublier de vivre. A peine croit-elle toucher au but qu’elle voit toutefois une rivale se dresser sur son chemin en la personne de la sensuelle Lily (Mila Kunis), tout juste débarquée de San Francisco.

L’une est l’incarnation idéale du Cygne blanc, l’autre ferait un Cygne noir parfait; 2 facettes-miroirs que se doit de combiner le rôle en une personnalité ambivalente et complexe, évoluant entre ombre et lumière. Son désir de réussir aiguillonné tant par leur rivalité que par un metteur en scène manipulateur, Nina se lance alors à corps perdu dans une quête de perfection qui la conduit en terrain mouvant…

Contrastes aiguisés

C’est en terre largement inconnue que s’avance pour sa part Darren Aronofsky, le monde du ballet n’ayant été que rarement visité par le cinéma, auquel il a cependant inspiré un authentique chef-d’oeuvre, The Red Shoes de Powell et Pressburger, mais aussi l’un ou l’autre ratage -jusqu’au grand Robert Altman qui s’y était cassé les dents avec The Company. Le cinéaste new-yorkais signe, quant à lui, un film en forme d’hybride stimulant, ne sacrifiant pas la singularité de son cinéma à une entreprise associant dimensions physique et psychologique en un fascinant pas de deux, la souffrance consentie comme prix de la réussite menant au bord de l’abîme.

La figure du double en toile de fond, et déclinée en une série de contrastes aiguisés idéalement relayés par une mise en scène à l’artificialité claironnante, Black Swan s’érige bientôt en modèle d’oeuvre schizophrène. Jusqu’à, d’ailleurs, se dérober à toute tentative de classification, le propos glissant, au gré d’une intrigue vénéneuse, du thriller psychologique vers un ailleurs fantastique et angoissant traversé de pulsions morbides, écho de l’oeuvre d’un Polanski, d’un De Palma voire même d’un Cronenberg. Un horizon affolant où Natalie Portman, extraordinaire, s’égare tout en déployant l’étendue de son talent, immense. C’est là, sans doute, la plus manifeste des qualités d’un film qui n’en est certes point avare -on pourrait encore citer la partition de Clint Mansell, revisitant avec bonheur celle de Tchaïkovski, parmi d’autres. Soit une réussite exceptionnelle, et un conte de fées cruel qui friserait, pour ainsi dire… la perfection, si le trouble ne se délitait quelque peu par la faute d’un crescendo final hystérique à l’excès.

Black Swan, de Darren Aronofsky. Avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel. 1h43. Sortie: 02/03. ****

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Jean-François Pluijgers

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