Black Lives, en scène contre le racisme
Ce 10 novembre, au Botanique, Black Lives rassemblera une quinzaine de musiciens pour une soirée qui veut faire danser et mobiliser contre le racisme endémique
Il y a d’abord eu un CD, sorti au printemps dernier. Double album plantureux, Black Lives – From Generation To Generation rassemblent quelque 25 artistes, musiciens réputés, issus en grande majorité de ce que Paul Gilroy a appelé l’Atlantique noir – Afrique, Etats-Unis, Caraïbes, Europe. Derrière le projet, une volonté : dénoncer le racisme qui continue de gangréner la société. Et ce par le biais d’une musique qui prend un malin plaisir à brasser les genres : jazz, funk, soul, afro, rock, hip hop et même chant classique.
Ce joyeux melting-pot est aujourd’hui retranscrit pour la première fois en live. Ce jeudi 10 novembre, ils seront une quinzaine à se retrouver sur la scène du Botanique – du bassiste-chef d’orchestre Reggie Washington à la chanteuse sud-africaine Tutu Puoane, en passant par DJ Grazzhoppa, le saxophoniste Jacques Schwarz-Bart (Erykah Badu, D’Angelo), le batteur Gene Lake (Meshell Ndegeocello), le guitariste Jean-Paul Bourelly, etc. Un casting 4 étoiles pour un combat toujours aussi important.
A l’origine de l’initiative, on trouve le label/agence de booking/management Jammin’ Colors. C’est en 2005 que la Bruxellois Stefany Calembert a fondé la structure, après un grave accident de la route. « J’ai été hospitalisée pendant deux mois. Sur mon lit d’hôpital, j’ai eu le temps de réfléchir. La musique a toujours pris beaucoup de place dans ma vie, à ce moment-là, plus que jamais. Je me suis dit qu’il était peut-être temps de faire quelque chose de cette passion. » Peu de temps après, elle part pour New York où elle rencontre le musicien Reggie Washington. « Un mois plus tard, il venait à Bruxelles pour un concert avec Steve Coleman. Il n’est plus jamais reparti… » Le couple – elle à la « logistique », lui à la direction musicale – est aujourd’hui aux manœuvres d’un projet qui a pris une ampleur inédite, album collaboratif qui se retrouve désormais décliné sur scène – de Bruxelles à Paris en passant prochainement par Londres. Explications avec Stefany Calembert.
Comment est née l’idée de Black Lives ?
Cela faisait un moment que l’on y pensait. Mais c’est vrai que les événements autour de la mort de George Floyd en 2020 nous ont interpellés. C’était vraiment le moment de faire quelque chose. J’ai toujours eu des réserves sur l’organisation Black Lives Matter en tant que telle. Par contre, ce qui s’est passé dans la rue à ce moment-là, aux Etats-Unis, mais aussi un peu partout dans le monde, est très important. Cette mobilisation a été fondamentale pour questionner le racisme qui continue d’imprégner la société. On voulait contribuer à la discussion, mais en prenant le biais de la musique, qui permet d’exprimer des choses très complexes, tout en dégageant quelque chose de positif – même sur un sujet aussi difficile.
Comment s’est monté le projet ?
Avec Reggie, alors qu’on était encore en plein dans la pandémie, on a commencé à envoyer des mails à nos contacts. L’objectif était de créer des morceaux qui rassemblent des musiciens issus de continents différents, d’âges variés, et qui leur permettent d’exprimer leurs points de vue en toute liberté. Au final, c’est devenu un peu une grande famille. On connaît un peu tout le monde. Ce ne sont pas forcément toujours des noms très ronflants pour le grand public. Ils ne sont pas sur les réseaux sociaux à essayer de capter l’attention à tout prix. Mais ils sont passionnés par leur art et ils ont fait preuve d’une implication et d’une créativité assez dingue pour ce projet. Et puis ils ont ce côté très humain et partagent une même volonté de faire bouger les choses, sans basculer pour autant dans les extrêmes, dans une époque où ils sont un peu partout.
En tant que personne blanche, quelle est précisément votre expérience du racisme ?
J’ai pas mal voyagé, notamment en Guadeloupe ou au Sénégal. Et j’ai souvent été interpellée par la manière dont le Blanc est accueilli et s’impose. Il est le roi partout. C’est très dérangeant. Je me souviens également d’un séjour à New York. Avec Reggie, on se baladait dans les rues, et je réalisais que l’on était un des seuls couples « mixtes ». Et puis ici aussi, à Bruxelles, j’ai pu expérimenter le racisme, qu’il vise Reggie ou même nos filles. En général, la question du racisme reste très touchy. Même pour des gens très ouverts, cela reste parfois tabou, comme si cela n’existait pas. A l’inverse, j’entends certains qui disent à propos du projet Black Lives : pourquoi en tant que Blanche, tu te mêles de ça ? Mais précisément, parce qu’en tant que Blancs, on a des choses à faire, et il n’y a pas de raisons de laisser les autres se battre tout seul. Il faut bien qu’à un moment, on travaille ensemble. Cela n’empêche pas que même moi, je dois me remettre en question. Mais je pense quand même qu’on ne pourra faire bouger les choses qu’en se rassemblant.
Black Lives – From Generation To Generation, le 10/11, au Botanique, Bruxelles.
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