Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Berlin calling – à l’occasion des 20 ans de la chute du Mur, une compil dresse la bande-son de cette époque où l’Europe était coupée en deux. En allemand dans le texte. Passionnant.

Distribué par Harmonia Mundi.

C’était le 9 novembre 1989. Le Mur de Berlin s’écroulait, et bientôt avec lui l’empire soviétique tout entier. Un moment d’Histoire rare, où tout bascule en une poignée d’heures. Depuis quelques jours maintenant, les célébrations et autres émissions spéciales se sont multipliées pour marquer les 20 ans de l’événement. Parmi elles, dans la marge, la double compilation Berlin 61/89: Wall of Sound vaut largement le détour.

En 30 titres, elle fait office de bande- son de cette époque, où l’Europe et l’Allemagne, en particulier, étaient coupées en deux. Le projet a été conçu par Caroline Cartier, productrice de l’émission « Cartier Libre » sur France Inter, et Pascal Bussy, spécialiste de la musique allemande, biographe de Can et Kraftwerk. Leur pari: plus qu’une simple anthologie du rock allemand, ils ont voulu proposer un vrai voyage esthétique dans le temps, à la recherche d’un Berlin très précis. En l’occurrence, la ville non seulement fracturée, mais aussi traversée par un souffle artistique grisant. Une scène underground dont les parfums licencieux attireront les rock stars en mal de noirceur décadente (de Bowie à Lou Reed). Pour rendre au mieux cette ambiance, Caroline Cartier n’a pas hésité à lier les morceaux entre eux à l’aide de bruitages et d’extraits sonores d’époque. Mais c’est surtout la cohérence de la sélection opérée qui s’avère fascinante.

Rock choucroute

Tous les morceaux regroupés ici ont ainsi été produits entre 61 et 89. Soit avant la chute même du Mur – dont l’effondrement aurait dû être alors illustré par la techno, qui a accompagné la réunion des jeunes Berlinois de l’Est et de l’Ouest. Au menu, on retrouve donc, en vrac: Nina Hagen, Can, Liaisons Fatales, Nico, The Young Gods (Suisses certes, mais interprétant en allemand 2 standards de Kurt Weill), Einstürzende Neubauten,… Soit une musique souvent aventureuse, voire carrément expérimentale. Car avant de briser le Rideau de fer, les artistes allemands ont fait tomber bien d’autres murs. Notamment en amenant le rock sur des terrains inédits, le combinant avec les premières expériences électroniques. Cela donnera par exemple le krautrock – terme un peu fourre-tout pour désigner cette version teutonne seventies du rock psychédélique, dont l’influence ne s’est peut-être jamais autant fait sentir qu’aujourd’hui. Sur les 30 morceaux proposés, le genre se taille d’ailleurs la part du lion: de Can à Neu!, en passant par Harmonia, Faust, ou les plus méconnus Jane, Agitation Free… L’autre versant est davantage centré sur les excursions punk ( Malaria) du début des années 80, ou les futures compressions électroniques new wave ( Dupont I de Liaisons Fatales).

Certes, la sélection compte deux, trois absents de marque, comme Kraftwerk, DAF ou encore Tangerine Dream (seulement présent via un morceau de son fondateur Edgar Froese). Un problème de droits, déplorent les concepteurs de la compilation. Cela n’empêche cependant pas ce Wall of Sound de dresser un portrait musical des plus pertinents et conséquents.

Laurent Hoebrechts

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