Une éducation orientale
C’est peu dire que le confinement a marqué les esprits. La dernière fois que Charles Berberian s’était vu confiné, c’était à Beyrouth pendant la guerre civile. Avant de s’y retrouver, la famille de Charles a traversé tout le Levant: Chypre, Jérusalem, Alexandrie, Amman, Bagdad et enfin Beyrouth. Charles y a d’abord vécu seul avec son grand frère, Alain, chez sa grand-mère, avant que tout le monde s’y rejoigne au début des années 70. Il quitte le Liban en 1975 pour y revenir régulièrement à partir de 2005. Chaque retour est le prétexte pour déambuler à pied dans la ville et passer dans les quartiers où il a grandi. L’auteur retrace ici cette période de manière non chronologique: on suit le cours de sa pensée, à l’image d’un carnet de croquis ou d’un journal intime dessiné. Charles se souvient qu’il passait les périodes difficiles de la guerre civile dans une petite pièce loin des fenêtres, à noircir des feuilles de papier. Son amour du dessin vient de là. Mais également des bandes dessinées que lui et son grand frère lisaient à l’époque. Ils imaginaient tous les deux devenir dessinateurs. Charles a réalisé son rêve; Alain aussi, d’une autre manière, en devenant réalisateur entre autres de La Cité de la peur. Il est décédé depuis et Une éducation orientale est également un hommage à ce grand frère, “garçon le plus cool du Moyen-Orient”. Le dessin de Charles est plus affirmé que celui de son ancien comparse, Philippe Dupuy, avec lequel on ne peut s’empêcher de le comparer, mais la même volonté d’expérimentation graphique anime les deux auteurs. Ils partagent également une certaine sensibilité dans la manière de raconter les choses. Tout passe par le détail: accent et tournures de phrase de la grand-mère, moues blasées des ados, omniprésence de la cigarette… Et par-dessus tout, Berberian évite le pathos, sans effacer l’émotion.
De Charles Berberian, éditions Casterman, 160 pages.
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