France: l’album censuré de « Blake et Mortimer » revient là où il est né
« Le Piège diabolique », album de Blake et Mortimer censuré en France à sa sortie, revient 60 ans après sur les lieux de sa naissance pour une exposition au château de La Roche-Guyon, entre Paris et Normandie.
Ce village en bord de Seine a donné l’inspiration décisive à l’auteur belge de bande dessinée Edgar P. Jacobs pour cette aventure de science-fiction.
« La première image de La Roche-Guyon dans l’album nous montre que le lieu n’a pas changé. Il est fait de nombreuses strates d’histoire, exactement ce que recherchait Jacobs », explique l’un des deux commissaires d’exposition, le spécialiste belge de BD, Thierry Bellefroid.
Le château bâti à flanc de roche, entre un coteau et la Seine, est lui-même un assemblage éclectique entre les restes d’un château fort, dont le donjon perché au sommet, et des agrandissements successifs jusqu’au XVIIIe siècle.
Or dans l’album, Mortimer voyage dans le temps, depuis la préhistoire jusqu’à un futur lointain, le sixième millénaire.
Voir toute l’exposition demande une bonne forme physique: le visiteur est attiré vers ce donjon et ses 267 marches par des images de BD qui se fondent dans le décor et en souterrain jusqu’aux boves (cavités dans la roche servant de caves ou d’habitations) par une conclusion surprenante.
Dans les sous-sols du QG du maréchal allemand Erwin Rommel, on trouve une reproduction grandeur nature de la machine à remonter le temps imaginée pour cet album, le « Chronoscaphe »… et les échanges avec les autorités françaises au temps du général de Gaulle.
Qui se souvient que la France frappa « Le Piège diabolique » d’une interdiction d’importation depuis la Belgique? Les censeurs trouvaient l’œuvre trop sombre, démoralisante pour la jeunesse.
Parmi les éléments qui les heurtent probablement: La Roche-Guyon, devenue capitale administrative de la France, est en l’an 5060 la cible d’une attaque foudroyante. L’interdiction sera levée en 1967.
« Dans sa lettre, la commission de censure parle de la hideur des images. Ce mot, Jacobs ne l’a pas oublié », souligne Thierry Bellefroid.
L’auteur belge est un dessinateur méticuleux, qui s’appuie sur une documentation abondante et soigne ses effets de lumière et de mouvement.
Les nombreux documents préparatoires, « bleus », calques, planches à l’encre de Chine, laissent voir toutes les étapes du travail que réclament ces 64 pages.
D’après Thierry Bellefroid, « Edgar P. Jacobs a beau être un grand coloriste, raison pour laquelle Hergé vient le chercher au départ, il tient à ce que ses planches noir et blanc soient déjà les plus expressives possible ». Et il écrit, en plus, beaucoup de texte.
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