À qui profite l’exil? Le business des frontières fermées ****
Business et exil ne sont pas des mots que l’on associerait de prime abord… et pourtant. La journaliste finlandaise Taina Tervonen va démontrer qu’ils peuvent être intimement liés. En situant son propos dans trois parties du monde, elle prouve qu’à chaque étape de la migration, quelqu’un se fout du pognon plein les poches. Le premier qui vient à l’esprit est le passeur; il ne rate pas une occasion de racketter les candidats à la traversée d’une mer ou d’une frontière. Moins évident: l’industrie militaire. Pourtant, le budget faramineux que lui alloue l’Europe lui permet de tester en “live” sur les migrants, via la structure de sinistre réputation Frontex, des systèmes de défense qu’elle revend ensuite à différents pays. L’autrice démontre par ailleurs que le contrôle strict des frontières est totalement illusoire et démonte la croyance qui veut que toute la migration du monde se tourne vers l’Occident alors que la migration internationale ne représente que 3% de la population mondiale. Seulement un tiers de ces personnes se dirigent vers un pays dit “développé”, les autres préfèrant migrer vers un pays voisin. Alors que l’on sait que les migrants sont un facteur de développement et de croissance économique, Tervonen explique aussi le mécanisme qui pousse un individu à quitter son pays d’origine et raconte ceux qui, parvenus en Europe, se font exploiter par des gens peu scrupuleux. Le dessin mi-allégorique, mi-réaliste se prête parfaitement à ce reportage à l’américaine mettant en scène la journaliste en Italie, au Niger, au Sénégal et dans les institutions européennes, À qui profite l’exil? dénonce un mécanisme qui ne profite finalement qu’aux Européens qui, après avoir sucé les ressources des pays pauvres, empêchent leurs habitants d’accéder à une part du gâteau.
De Taina Tervonen et Jeff Pourquié, éditions Delcourt, 176 pages.
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