La Belgique n’a pas de montagnes, mais cela ne l’empêche pas d’atteindre régulièrement les sommets des hit-parades: de Plastic Bertrand à Technotronic en passant par Wallace Collection… Un grand carrousel aux tubes qui aura fait des heureux, mais aussi pas mal de victimes collatérales. Quarante-cinq petits tours et puis s’en vont? Deuxième épisode de notre série d’été sur les 50 ans du rock dans notre pays.

Il s’agit peut-être bien du plus grand tube de l’histoire du rock belge. Il tient sur un seul accord et des paroles débiles et géniales à la fois.  » Allez hop! La nana. Quel panard! Quelle vibration! De s’envoyer sur le paillasson. Limée, ruinée, vidée, comblée. You are the King of the divan. Qu’elle me dit en passant. » Le tout ponctué du fameux: « Hou! Hou! Hou! Hou! » Imparable. L’histoire d’un coup d’un soir – c’est bien le sujet, non? -pour le hit d’une vie. Et un mystère quasi aussi grand. Car comment Roger Jouret, alias Plastic Bertrand, a-t-il pu imposer au monde ce personnage de « rigolo synthétique moulé dans son futal de clown comme un boudin antillais dans son boyau d’ornithorynque », dixit, à l’époque, Pierre Desproges ?

Rappel des faits. On est en 1977. A Londres, les Sex Pistols éructent Anarchy in the UK et insultent la couronne. No Future est le dernier slogan à la mode. Ambiance. Seulement voilà, pendant que les uns se font passer pour des tordus, Plastic Bertrand, lui, joue au tordant. Cheveux blonds en pétard, il apparaît en blouson rose « zippé », et saute dans tous les sens. Sur les studios télés, il se jette volontiers sur les premiers rangs du public, sagement assis par terre.

Peu avant, il a pourtant sorti un premier 33 tours, avec Hubble Bubble, groupe adepte d’une ligne bien plus orthodoxe. Il y tient la batterie, se rajeunissant au passage de 4 ans (il dit être né en février 58, quand l’état civil indique l’année 54). Au même moment, Lou Deprijck, producteur roublard et rusé, travaille sur un titre punk à vocation commerciale. L’homme a déjà connu les hauteurs des hit-parades avec Two Man Sound (en fait un trio, avec Yvan Lacomblez et Sylvain Vanholme, ex-Wallace Collection). Pour incarner sa nouvelle fantaisie, il approche Roger Jouret. La suite est connue. Y compris le différend qui en fera les deux meilleurs ennemis du monde. A qui appartient la voix nasillarde de ça plane pour moi? La justice a déjà confirmé par deux fois la paternité de Plastic Bertrand. En fait, même Lou Deprijck le concède aujourd’hui volontiers: sans Plastic, il n’aurait pas vendu la moitié de ce qu’il a pu écouler comme exemplaires.

Et il y a en a eu un paquet. Des 20 millions de disques officiellement vendus sous le nom de Plastic Bertrand, le premier titre compte pour beaucoup. Entre-temps, ça plane pour moi est devenu culte, repris par des groupes comme Sonic Youth, Red Hot Chili Peppers, ou les The President of the United States… Un label punk japonais a même décidé récemment de rééditer le premier album des Hubble Bubble.

ROCK & BULLES

Début des années 80, un drôle de trio vient frapper à la porte du studio Morgan, celui où a enregistré Plastic et qui est squatté la plupart du temps par Lou Deprijck. Les deux gars et la fille qui les accompagne se présentent au producteur: Hagen Dierks (en fait Jacques Duval), Jay Alanski (de son vrai nom Patrick Arondel), et une fille nommée Wanda. « Mais on l’appelle Lio. » Finalement, c’est Marc Moulin qui produira Banana Split, premier hit qui se vendra à plus de deux millions d’exemplaires! Après Plastic Bertrand, voici donc que déboule un autre personnage, celui de Lolita électro-pop (Lio tire son nom de scène du personnage de Barbarella, la bd de Jean-Claude Forest). Mais il y a plus encore au rayon pop à phylactères. Les Gangsters d’Amour par exemple. Main de fer et borsalino de velours, Jeff Bodart a la flamme. Il y a dans le combo carolo du second degré, de la dérision, mais surtout une implication qui force petit à petit les portes des hit-parades. Dans la même… case, Zinno est le duo formé par Frédéric Jannin et Jean-Pierre Hautier. L’un est dessinateur (pas encore Snul), l’autre est déjà à l’antenne (sur Radio Cité). Avec Marc Moulin (décidément) et Dan Lascksman (tous les deux ex-Telex), ils s’amusent en studio avec le personnage de James Bond, et bidouillent What’s Your Name? C’est le jackpot!

Il faut dire que les années 80 ont été une décennie particulièrement accueillante pour les one hit wonder. Finis les seventies et ses longs albums concepts. Le disco et le punk ont ramené le 45 tours à l’honneur. Les charts ressemblent alors un peu à une nuit dégagée du mois d’août: remplie d’étoiles, dont pas mal filantes. 2 Belgen, par exemple. Avec Lena (plus de 150 000 exemplaires), ils ont pondu un classique devenu un incontournable des soirées eighties. Ils sont produits par le label Antler, qui a déniché une autre trouvaille. Un drôle de coco. Patrick Marina Nebel cache derrière sa grande carcasse un être hypersensible. Lors de ses concerts avec Nacht Und Nebel, il apparaît en haut-de-forme et rouge à lèvre, imposant une ambiance cabaret décadente. Le remix de son Beats of Love cartonnera en Belgique et en France. Ready To Dance confirmera plus tard. Mais Patrick Nebel a du mal à suivre. Il se réfugie dans un sanatorium en Suisse. Il en revient regonflé, mais rapidement la déprime refait surface. Le cycle infernal s’accélère: alcool, défonce… Le 15 mars 1986, le c£ur de Patrick Nebel arrête les frais.

JUNGLE FEVER

La moisson des années 80 aura donc été à tout le moins honnête. Surtout qu’on n’a même pas évoqué The Way To Your Heart des Soulsister – en 88, ils arrivent à se faire une place jusque dans le Billboard américain -, ou surtout le Pump Up The Jam, de Technotronic. En 89, il fera littéralement le tour du monde. Les eighties furent donc une décennie faste. Pour autant, d’autres avaient déjà enfoncé les portes de l’international bien avant. On évoque plus loin les Pebbles ou Wallace Collection. En 67, Jess & James se la jouent eux complètement funk, quasi disco avant l’heure, avec Move. Et ça marche. Dans la même veine, qui connaît encore les Chakacha’s? Leur morceau Jungle Fever s’est pourtant vendu à des millions d’exemplaires, atteignant le top 3 US. Depuis, il a été maintes fois samplé par les rappeurs (Public Enemy, 2 Live Crew…). Difficile également de ne pas mentionner le Kili Watch des Cousin, le pêché originel. Le parfait tube crétin, qui d’une certaine manière montrera la voie: pour avoir du succès, surtout ne pas être sérieux.

PLASTIIIIC!

L’humour, le second degré, l’autodérision, voilà bien une qualité maison, non? Sinon, comment comprendre encore ce grand carnaval électronique qu’a été le mouvement new-beat à la fin des années 80? En tête de gondole, les Confetti’s illustraient le délire à merveille. Produit par Serge Ramaekers et Dominique Sas, un titre comme The Sound Of C a voyagé dans toute l’Europe.

Au départ, le nom du groupe est celui d’un club à Brasschaat (Anvers), dans lequel travaille l’interminable Peter Renkens (2 m). Avec ses quatre danseuses – Marleen, Tania, Hilde et Daniella -, ils deviendront la figure pop de la new-beat. A lui, le personnage de policier automate; à elles, les acrobaties capillaires. Dès 91 cependant, les Confetti’s disparaitront de la circulation. Peter Renkens ne s’en est apparemment jamais tout à fait remis, devant passer par la case institution psychiatrique. A vrai dire, la new-beat n’était de toutes façons pas destinée à durer. Assez longtemps tout de même pour que Plastic Bertrand, encore et toujours, vienne y mettre son grain de sel. Il vendra ainsi 50 000 exemplaires de Slave To The Beat. On ne se refait décidément pas… l

la semaine prochaine: les internationaux

texte laurent hoebrechts

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