Dour J2: Kate power

Kate Tempest © Olivier Donnet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Kate Tempest, Group Doueh/Cheveu, Loyle Carner. Du rap anglais au psychédélisme punk franco sahraoui… Le tiercé dans l’ordre.

« La vérité, c’est que le public a encore plus mauvais goût que l’industrie, » déclarait récemment avec sa grande gueule de pilier de comptoir Jason Williamson de Sleaford Mods à Télérama. C’est un peu ce qu’on s’est dit aussi jeudi à Dour entouré de pas bien grand monde devant le concert de Cheveu et de Group Doueh. Rencontre explosive entre un groupe de mariage sahraoui et une bande de sales rockeurs parisiens, le projet sponsorisé par Born Bad Records reste encore à l’heure qu’il est notre album préféré de l’année. Brutes nordiques versus pirates berbères… Ceux qui ont eu la curiosité de s’engouffrer dans la Caverne en fin d’après-midi ne l’ont pas regretté. Doueh, le patron, joue de la guitare derrière la tête. Son fils est aux claviers. Sa femme chante en compagnie d’un jeune ami de la famille. « Oui chérie, tu me manques. Vas-y monte derrière moi. Oui chérie, tu me manques, c’est une moto deux places… » Les paroles et la voix étranges, en français, de David Lemoine répondent aux textes en vieil arabe. « Ah comme il est malin ce blanc bec… » Le tournoyant Bord de mer, l’incantatoire Hamadi et le franchement punk Tout Droit… Il n’y a que quelques pelés et à peine plus de tondus mais tout le monde a des fourmis dans les jambes et un sourire aux coins des lèvres.

Faut dire que l’après-midi, la programmation est chargée et le choix cornélien. C’est bien simple. Tout le meilleur de la journée a été ramassé sur trois petites heures. A la Jupiler Boombox déjà avec les rappeurs anglais Loyle Carner et Kate Tempest (qui coiffera Cheveu sur le poteau pour la plus haute marche du podium). Fauteuil, photo de famille, lampe de chevet… Le premier, mister good vibes tout en coolitude assumée, a débarqué avec son salon et défend avec une énergie très positive son premier album Yesterday’s Gone. La deuxième, avec qui il sortait un 45 Tours il y a trois ans déjà, nous retourne tout simplement la tête. Qui sème le vent récolte la Tempest… Kate, qui a grandi « dans un quartier pourri de Londres mais dans une belle maison où il y avait toujours à manger », est la fille d’un ouvrier devenu avocat criminaliste en suivant des cours du soir. Impossible à suivre comme ça. Mais il y a ici le goût de la poésie (la trentenaire en a sorti des recueils, a déjà écrit un roman et des pièces de théâtre) et l’art de la parole. Quelle force, quelle flow. Encore plus puissant, épatant, vibrant en mode spoken word.

Lemon Twigs
Lemon Twigs© Olivier Donnet

Pendant que le vieux Lee Fields fait son James Brown à La Petite Maison dans la prairie (ça vaut quand même pas Charles Bradley et paix à son âme Sharon Jones), les Bristoliens d’Idles balancent un post punk moins viscéral qu’on l’imaginait en regardant le mec péter de la vaisselle dans un musée à longueur de clip. Oui, il y a un côté Girl Band comme on nous le glisse dans l’oreillette. Mais sans la rage et la tension. Déception.

Repensé, le site concentre désormais quasiment tous les groupes à guitares et les projets indés sur le triangle Labo-Caverne-Petite Maison dans la prairie et c’est pas spécialement ici que se presse la grande foule. Les deux jeunes et grandiloquents frangins de Lemon Twigs s’en sortent pourtant avec les honneurs. Venus de Long Island, échappés de Broadway, les frères D’Addario emmènent dans une faille spatio temporelle. Direction les années 60, au mieux 70. Il y a du Beatles, du Zombies, du Bowie aussi. Pied jeté au-dessus de l’oreille, coupe de cheveux Ziggy Stardust. Protégés du Foxygen Jonathan Rado, Michael et Brian qui ont créé leur premier groupe quand ils avaient 6 et 8 ans s’échangent le micro, la guitare et la batterie. Réveillent le fantôme de Keith Moon. Le son de festival ne permet pas nécessairement de saisir toutes les subtilités de leur pop accidentée mais le coeur y est.

A part ça? Pas vraiment excité par grand-chose en soirée, on s’est laissé porter par la nuit. Du côté de Blanck Mass (1/2 Fuck Buttons), de Larry Heard, apparemment un des pontes de la house made in Chicago ou encore de l’électronicien de Leicester Rival Consoles. Dour the right thing…

Toutes les photos du deuxième jour par Olivier Donnet.

Le fil de la journée

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