Une série belge prometteuse et joliment étrange est en train de se créer, indépendamment de toute structure de diffusion. Pour le moment…

Laurent Capelluto ( Un conte de Noël, OSS 117: Rio ne répond plus…) lance un « Salut tout le monde! » à la cantonade en s’éclipsant du plateau après sa toute dernière scène. Voilà, c’est fini. Pas très lacrymal comme adieu. « Mais c’est normal, on va se revoir, il y aura une suite! », assure Karim Brusseleers, producteur principal à travers la SPRL Pilgrim et créateur du projet de série 39, passage des anges. Un projet dont le pilote est en cours de montage, après une pause forcée de 2 ans en plein milieu du tournage: les caisses de la production étaient vides et il manquait quelque 35 000 euros pour boucler l’épisode témoin. Finalement, les sociétés Oxyprod ( Y’a pas pire conducteur…) et Zoom Production (surtout active dans la pub) ont aligné le cash nécessaire. En tout, ce sont 80 000 euros qui auront été nécessaires à la fabrication du premier épisode de 39, passage des anges. Une paille . « Une fiction de cette trempe vaut au moins 250 000 euros – Septième Ciel Belgique , sur la RTBF, coûtait ainsi 300 000 euros par épisode. Ici, on a réussi à s’en sortir pour trois fois moins, notamment parce que toute l’équipe – de copains – a accepté d’être bénévole ou presque », commente le producteur. Et parce que les studios ont bien voulu leur faire des prix d’amis. Comme le BFC, qui accueillait fin 2009 l’un des derniers jours de tournage.

C’est tout l’étage d’un immeuble fictif qui a été recréé ici, dans ce hangar enchâssé entre 2 cheminées d’usines, dans un zoning d’Evere. Des appartements d’un autre temps, articulés autour d’un couloir lugubre, au fond duquel on trouve le fameux numéro 39. « Un appartement qu’on ne peut pas visiter, et qui a la porte toujours fermée », précise Karim Brusseleers. 39, passage des anges, c’est une histoire de barges en cohabitation forcée, mais aussi un récit au confluent du suspense, du film noir et du fantastique.  » Un combat angélique s’y mène – avec pour toile de fond l’extermination de notre société », raconte-t-il, sibyllin. Benoît Verhaert, homme de cinéma ( Thomas est amoureux) et de théâtre (sur les planches et à la mise en scène), est Nathan, le personnage principal de cet épisode écrit et réalisé par Sébastien Fernandez. Trench coat élimé et regard dur, il incarne un écrivain en panne d’inspiration, venu s’aérer l’esprit dans ce drôle d’immeuble. « Un type fatigué, revenu de tout, qui a besoin de changer de cadre. Cet immeuble lui plaît parce qu’il est peuplé de gens étranges qui vont l’inspirer. C’est un personnage en creux, entre Tintin et Columbo, à travers lequel les spectateurs vont rentrer dans l’histoire. »

Un luxe: le temps

Benoît Verhaert garde un goût amer de son unique expérience passée de télévision, « le tournage d’un téléfilm français qui m’a laissé un très mauvais souvenir. Ici, ce qui me plaît, c’est la vraie qualité cinématographique du projet. On y prend le temps de faire les choses, alors qu’en télévision, en général, la rapidité d’exécution plombe le côté artistique… On n’a pas le luxe de se tromper, de réessayer. Cette série n’a pas d’énormes moyens, mais elle dispose d’un vrai capital: le temps. »

Le comédien s’est engagé pour ce pilote… « Et après, on verra bien. J’imagine qu’ils feront en fonction de nos disponibilités ». Un vrai casse-tête, de faire concorder les agendas de toute cette équipe, dont les membres sont de plus en plus sollicités (on prédit ainsi à Laurent Capelluto une ascension à la Poelvoorde). Un solide défi, également, d’être raccord après 2 ans d’interruption: les cheveux ont poussé, les silhouettes ont changé… Les moyens aussi, plus étriqués, ont demandé une autre technique filmique: c’est désormais un appareil photo HD qui donne le ton de ces images claires-obscures, aux confins de l’onirisme, qui osent des atmosphères jamais vues à la télé « ou en tout cas qui ne seraient pas acceptables pour un prime time en France », souligne Karim Brusseleers. La suite de l’histoire? L’épisode, une fois toiletté, sera montré et « teasé » au printemps notamment via le portail www.lavraietélévision.com (association d’auteurs et de réalisateurs). Objectif: trouver une chaîne, un support, une plateforme (…) prêts à financer la production des épisodes à venir, dont une poignée a déjà été écrite. « Un service public comme la RTBF aurait tout à gagner à prendre 39, passage des anges sous son aile. Or, pour le moment, c’est malheureux, on ne sent pas une grande curiosité. »

Texte Myriam Leroy

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