Animal Collective, à la recherche du temps perdu
Animal Collective revient en grande forme avec un album, Time Skiffs, qui rappelle l’excitation de ses débuts. Entretien.
Panda Bear, Noah Lennox pour les intimes, est chez lui. Dans son studio, son lieu de travail, son antre lisboète. Cela va bientôt faire 20 ans que le lutin d’Animal Collective vit au Portugal. Beaucoup de groupes n’auraient pas survécu à l’éloignement malgré les miracles de la technologies. Mais le gang new-yorkais n’a jamais été tout à fait comme les autres. Géographie distendue, géométrie variable… « Animal Collective, c’est un peu comme une équipe de basket, résume Lennox. La dynamique change en fonction de qui se retrouve sur le parquet. Elle dépend des personnalités qui sont amenées à travailler ensemble. Ça rend le truc plus sympa, plus surprenant et toujours frais. »
Formé par des amis d’enfance dans le Maryland au début des années 2000, Animal Collective est sans doute ce qui est arrivé de plus cool à Baltimore avec The Wire (allez, peut-être aussi l’homme dauphin Michael Phelps) depuis le début de ce siècle. Explorations et expérimentations… Lennox, David Portner (Avey Tare), Josh Dibb (Deakin) et Brian Weitz (Geologist) ont chamboulé en mode feu de camp et d’artifice, voyage subaquatique et expéditions intergalactiques les règles de la pop music.
Si l’audiovisuel Tangerine Reef, sorti en 2018 à l’occasion de l’année internationale des récifs coralliens, est le premier et pour l’instant seul album d’Animal Collective auquel Panda Bear n’a pas participé, Time Skiffs est le premier depuis 2012 auxquels ils ont tous contribué… « C’était génial de pouvoir tous se retrouver. Puis aussi que Josh écrive des chansons et chante. Je ne vais pas dire que Dave et moi, on se fatiguait de nos voix, mais c’est super de pouvoir bénéficier de son énergie. Quand on avait 16 ans, on n’avait pas vraiment de format en tête. On voyait le projet de manière flottante. Ce serait toujours nous. Mais pourquoi pas avec un tas d’autres gens. C’était une espèce d’univers dans lequel on pourrait créer. On ne voulait pas de restriction. On pensait même utiliser un nom différent pour chaque aventure. Vers 2005-2006, on s’est un peu écarté de cette idée pour devenir un groupe presque traditionnel. Je suis content qu’on varie à nouveau les plaisirs. Il y a différents projets, des albums solo. Deux d’entre nous ont même bossé sur une bande originale. » Geologist et Deakin ont composé la B.O. de Crestone. Le documentaire suit une communauté de rappeurs qui vivent une existence post-sociétale et solitaire en plein désert du Colorado. Ils cultivent de l’herbe et composent de la musique pour Internet. Avec une question en filigrane: à quoi ressemblerait la musique s’il n’y avait plus personne pour la partager?
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La genèse de Time Skiffs est un peu vague et nébuleuse. En tou cas, l’accouchement a pris du temps. L’insémination remonte à 2018 et une performance à La Nouvelle-Orléans. « J’étais en train de plancher sur Buoys (son album solo sorti en 2019, NDLR) et les trois autres ont donné un concert au Music Box Village. Un espace de concerts entouré par des structures et bâtiments qui servent d’instruments de musique. Ils ont été construits de manière à ce que tu puisses interagir avec eux. Dave, Josh et Brian ont donné cette performance et ils ont composé un set pour l’occasion. Beaucoup de ces morceaux sont devenus Time Skiffs. On les a bossés, développés. Ils ont guidé l’esthétique. »
Hommage à Scott Walker
L’album précédent du groupe, Painting With (2016), qu’il compare à un puzzle ou un Rubik’s Cube, lui semblait hyper complexe. « Là où notre nouvel album est plus simple, plus facile à digérer à la première écoute. Notre musique peut être comprise en surface. Je ne sais pas si ça veut dire que c’est mieux ou moins bien. C’est plus immédiat. » Immédiat mais riche et fourmillant d’idées. Les paroles, comme d’habitude, partent un peu dans tous les sens. « Je n’ai même pas l’impression de pouvoir épingler ne serait-ce que quelques thèmes. » On y trouve en tout cas un hommage à Scott Walker. « Il venait de mourir quand j’ai écrit ces paroles. Il a une de mes voix préférées de tous les temps. Sa musique est quelque chose d’important dans ma vie et je me suis dit que ce serait cool de lui consacrer une chanson. Quand je pense à lui, je vois un musicien qui a rencontré un succès massif à ses débuts. Un mec qui s’est dit: ce n’est pas vraiment ce que je désire, ce n’est pas vraiment moi. Et donc qui a entrepris cet extraordinaire voyage créatif avec la musique. Il est très inspirant. Je ne pense pas que ce soit un problème de rencontrer le grand public. Mais je trouve ça super cool d’y avoir tourné le dos pour répondre à ses envies. »
Lennox parle d’ I Don’t Need a Crowd, chanson au titre prémonitoire qu’il a sortie un an avant le confinement avec Paul Maroon. « On ne s’est réellement rencontrés qu’en ligne mais j’étais déjà un grand fan de Jonathan Fire Eater et j’ai assisté au tout premier concert des Walkmen. » Il évoque son amour du sport, du basket surtout et du foot. Puis aussi le nouvel âge d’or du jeu vidéo, son obsession pour Genshin Impact et sa musique. Pink Siifu, Dean Blunt, la scène locale portugaise et son amie Maria Reis.
« La musique est la seule chose que j’ai trouvée dans ma vie pour oublier tout ce qui se passe autour. Ça permet à mon esprit de respirer face à ce qui est si dur et sombre dehors. En bossant sur ce disque, je me suis mis à la batterie deux heures par jour. En me focalisant sur la technique comme je ne l’avais jamais vraiment fait auparavant. C’était comme une méditation, à l’image des jeux vidéo. Jouer à la console et de la batterie occupent la même partie de mon cerveau, celle qui sinon se tracasse de choses et d’autres. Ça me donne l’impression de flotter. »
Time Skiffs, distribué par Domino/V2. ****
Le 12/11 au Grand Mix à Tourcoing.
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