La Bruxelloise Oberbaum fait le pont sensible entre rock et pop indé: «J’ai perdu 10 ans de ma vie à ne pas oser»

Oberbaum, aka Lucie Rezsöhazy , autrice de l’une des plus jolies sorties indé belges de l’année. © Maureen Vanden Berghe
FocusVif.be Rédaction en ligne

Avec I Should Be Softer, la Bruxelloise Oberbaum a livré l’un des plus jolis disques de pop indé belge de ces derniers mois. Il est prolongé aujourd’hui par la sortie d’un EP trois titres acoustique, Encore plus doux. Rencontre avec une chanteuse-autrice-compositrice « qui n’a plus de temps à perdre ».

Un vendredi, fin d’après-midi. Attablée à la terrasse d’un café forestois, Lucie Rezsöhazy aka Oberbaum commande un verre de blanc. C’est jour de fête : son second album est disponible. Et il est l’une des plus jolies sorties belges indés de ces derniers mois. Intitulé I Should Be Softer, il démarre avec des accords de piano soft rock seventies à la Carole King, en français dans le texte ; s’offre une petite promenade de synthé en allemand ; et continue en frayant dans des eaux indie pop/rock anglo-saxonnes. Un fameux programme, mais qui a la bonne idée de reposer sur des chansons aussi délicates qu’attachantes.

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I Should Be Softer arrive deux ans à peine après un premier essai, The Absence of Misery. « Ce premier album avait pris beaucoup de temps. Pour celui-ci, je voulais aller plus vite, et ne plus dépendre du timing et des agendas de tout le monde. » Quitte à multiplier les casquettes. « Oui, c’est moi qui dois tout faire. La communication, les clips, les contacts avec les plateformes, etc. » Au point de créer son propre label/collectif, Cleo Records. Le tout à côté d’un job à plein temps (comme chargée de coproductions documentaires à la RTBF). Pressée, Lucie Rezsöhazy ? La trentenaire avoue : « J’ai perdu 10 ans de ma vie, à ne pas oser. J’ai du temps à rattraper… »

Berlin calling

Pour I Should Be Softer, la musicienne a donc décidé d’aller à l’essentiel. Au passage, elle s’est également mise à la basse, « pour sortir de mes schémas ». Malgré tout, le piano conserve une place prépondérante. « Il reste mon instrument de prédilection ». Celui qu’elle a commencé à pratiquer dès l’âge de 4 ans. « J’ai appris à lire les notes avant de savoir à lire et écrire. » A ses 20 ans, elle hésite d’ailleurs à rentrer au conservatoire. « J’avais clairement le niveau. » Mais Lucie Rezsöhazy est tombée dans le rock, rêve de devenir Alanis Morissette. Première bifurcation : « Je suis partie un an en Angleterre pour travailler le chant ». Au retour, elle se lance dans les études supérieures – traduction anglais-allemand, puis part en Erasmus à Berlin. « Je suis complètement tombée amoureuse de la ville. » Seconde bifurcation.

Elle passera huit ans dans la capitale allemande. Elle y reprend d’abord un cursus, repoussant le moment pour « savoir quoi faire de ma vie, comme tous les étudiants à Berlin qui étudient jusque 30 ans » ; finit tout de même par se lancer dans la vie professionnelle ; fait la fête, sort, un peu, beaucoup, – en club électro comme en soirées rock (« celles du Karrera Klub, qui ne passait que de l’indie, des années 90 à aujourd’hui ») ;  tombe amoureuse, achète un appartement. « Je pensais faire ma vie là-bas. » Juste avant ses 30 ans, elle revient pourtant à Bruxelles, « à reculons ». « Cela a été assez traumatisant. Mais j’étais épuisée, fatiguée de la vie à Berlin. J’étais perdue… »

Jeu collectif

De retour à la case départ, Lucie Rezsöhazy reprend des forces, trouve un boulot, et se replonge dans la musique – qu’elle ne pratiquait plus qu’en dilettante. « Je savais que je n’aurais ni le temps ni l’énergie de retrouver le niveau pour le classique. De toutes façons, ce n’était pas ce que je voulais non plus. J’avais envie de composer. J’étais complexée, par exemple, de ne pas savoir juste jouer et improviser. » Le pianiste jazz Dorian Dumont, par encore dans Echt !, lui file quelques tuyaux. Elle regagne également confiance en jouant avec des groupes comme Fabiola, Condore ou les Juliens. « Cela m’a beaucoup libérée. Je me retrouvais avec des musiciens qui avaient fait le solfège, d’autres pas. Au final, on s’en fout ! Parce que l’on kiffe ce que l’on fait, et qu’il y a une vraie joie à se retrouver et jouer ensemble. »     

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En 2023, arrive finalement un premier album solo The Absence of Misery. « C’est bête, mais de jouer avec toutes ces personnes brillantes, de recevoir leurs encouragements, c’est un peu comme s’ils m’avaient donné la permission de me lancer ».  Le disque est signé Oberbaum, du nom du pont berlinois traversant la Spree, reliant les parties Ouest et Est de la ville, anciennement coupée en deux. Puisque, au fond, la musique de Lucie Rezsöhazy est aussi une histoire de ponts – entre les genres (rock, pop, folk, chanson, électro) et les langues (anglais surtout, mais aussi le français et l’allemand).

Le rêve américain

En septembre dernier, Lucie Rezsöhazy enchaînait avec un second album, I Should Be Softer. « Au départ, je devais retravailler avec Aurélien Auchain, qui avait produit le premier. Mais il n’était pas dispo, et je ne voulais pas traîner, j’avais le feu au cul ! » La musicienne décide alors d’envoyer ses démos de l’autre côté de l’Atlantique, à l’Américaine Katie Von Schleicher (connue pour ses travaux avec Frankie Cosmos, Cassandra Jenkins, Sam Evian). « Je suivais cette scène de la Côte Est, et j’avais vu passer sur Instagram un post de Katie expliquant qu’elle était dispo. J’avais gardé ça dans un coin de ma tête, mais j’avais peur de me prendre un vent. Finalement, j’ai envoyé mon mail en essayant d’expliquer que j’étais fan de son travail, sans passer non plus pour la groupie. Elle m’a directement répondu !  »  

Quelque temps plus tard, Lucie Rezsöhazy débarque donc à New York, avec ses démos et son sac de couchage. « C’était quand même osé de la part de Katie, de m’accueillir comme ça, sans vraiment me connaître. J’ai dormi tout le séjour dans son canap. Alors que j’aurais pu être une personne horrible » (rires). Deux jours de répèt dans le salon – avec Wayne Whittaker à la basse, Zoë Brecher à la batterie -, cinq au studio Figure 8 (oui, comme le titre du dernier album d’Elliott Smith) à Brooklyn, puis deux supplémentaires chez Katie pour rajouter des voix, synthés, perçus, guitares : en deux semaines, l’album est bouclé. « Je n’avais jamais expérimenté une telle efficacité ! ».

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Le rêve (américain) pour un disque qui… qui parle de quoi au fond ? « Hormis un titre (Hier), ce n’est pas un album qui parle d’amour, mais plutôt d’amitié. Un peu de féminisme aussi, en filigranes – le titre Lass uns gehen, sur l’injonction aux femmes d’avoir des enfants par exemple. Et puis surtout, d’émancipation. » De ? « De ma peur du jugement, par exemple. »

Si le titre du disque annonce donc que Je Devrais Être Plus Douce, c’est avant tout envers soi-même, pour oser  embrasser davantage ses envies, sans devoir multiplier pour cela les compromis. C’est aussi pour cela qu’I Should Be Softer sort en indépendant, sur le propre label d’Oberbaum. Qui chante par exemple sur le single Solitude : « La solitude est sans pareil/On ne raconte pas assez que c’est une chance »… « Oui, je fais tout toute seule. Cela n’est pas forcément une situation idéale. Cela demande énormément de temps. Mais au moins, je suis hyper fière du résultat. Je suis alignée. »

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