Une photo voilée de la Boulette, suivie d’un album aux limites de la parano où elle apparaît là aussi sans un cheveu à l’air libre: Diam’s a-t-elle viré sa cuti révoltée pour rentrer dans les ordres du conservatisme?

Diam’s, la fille au flow libérateur, qui en remontre aux mecs sur le verbe tonique et le port viril de jogging, cette fille garçonne, est désormais, dans le privé, une femme voilée, qu’on voit sortir de la mosquée, couverte de la tête aux pieds. Cette photo à la dérobée, publiée dans Paris Match le 8 octobre, la montre drapée dans le look favori (?) de Mahomet, plus proche de Djeddah que de Beyrouth. Cela la fout mal pour une grande gueule ayant passé trois disques et moult tournées à dézinguer tous les stigmates conservateurs de la société française et métissée. Notamment, en militant avec Amnesty contre la violence faite aux femmes: et le foulard islamique, quand il se mue en outil idéologique, est bel et bien l’une de ces violences. La première chose qui frappe dans son nouvel album S.O.S. et qui fait lien avec ce qui ressemble désormais à un look obligé, ce sont les photos. Quatre images et autant de visages recouverts, sans la moindre ombre de chevelure . En pochette, Diam’s se regarde dans un miroir, photographiée en jogging, capuchon relevé sur une casquette. Dans le livret et sur le disque même, elle est en foulard noué classique, façon bohémienne, ce qui, paradoxalement, la rend plus féminine. Plus désirable? Le dernier couvre-chef apparaît sous forme de gilet à capuchon blanc écarlate. Dans les autres clichés promos, elle pose comme en scène désormais, prude parfois sous un doublé casquette et keffieh noué sur la tête… Cela a le mérite de faire fonctionner l’industrie du chapeau, mais cela rassemble aussi à une sacrée métaphore de la prison intérieure qui semble être désormais l’habitation close de Diam’s.

Un certain malaise

L’album S.O.S. est un monument de flow en colère où l’on note un accent de plus en plus banlieusard – racaille, dirait Sarkozy – et un autre élément de malaise: les textes. Beaucoup chroniquent sa chute et sa rédemption (?) mais l’ensemble surprend par son sentiment de dégoût vis-à-vis de l’autre, de sa famille qui la pousse à continuer pour le pognon ( Mélanie), de son sentiment d’ adolescente sans père ( I Am Somebody), causant un immense océan de frustration face à cette société qui  » n’est qu’une enclume » ( Enfants du désert). Plus pervers, Lili, qui raconte l’histoire de cette fille de 16 ans: elle veut  » épater la France (…) vit en marge, victime de leurs regards (…) je suis une cible mais mon c£ur est invincible (…) je suis juste pudique (…) jugée pour mes formes. » Cette ennemie n’est pas une terroriste du Djihad ou une maniaque voulant contaminer les eaux de Paris par le virus de la grippe A, non c’est juste  » une femme convertie et qui porte le voile ». C’est juste la nouvelle Diam’s. En transformant la femme voilée en martyre, Diam’s utilise cette vieille ficelle qui consiste à accuser les autres par processus d’assimilation (Le Pen = les medias = la France), alors que c’est simplement la religion, dans cet aspect conservateur-là, qui limite la liberté de parole, d’habillement, d’esprit. Tout ce qu’une artiste est supposée incarner. Diam’s 2009, drôle de malaise.

Diam’s, S.O.S. , distribué par EMI.

En concert à l’ Ancienne Belgique, le 17/12.

DE PHILIPPE CORNET

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