À la télé cette semaine: The Big Lebowski, David avant Bowie, Mon oncle, The Walking Dead…

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Films, séries, documentaires: notre sélection pour la semaine du 5 au 11 octobre.

THE BIG LEBOWSKI

Comédie de Joel et Ethan Coen. Avec Jeff Bridges, John Goodman, Julianne Moore. 1998. *****

Samedi 5/10, 21h25, La Deux.

Merveilleuse comédie décalée, admirable et savoureux pastiche de film noir, que ce chef-d’oeuvre signé par les frères Coen! Jeff Bridges y incarne idéalement Jeffrey Lebowski, alias le Dude, un mec sans emploi et pas pressé d’en trouver un, grand amateur de bowling et assumant tranquillement son excentricité. Un soir, en rentrant chez lui, deux voyous lui tombent dessus et le passent à tabac, avant de réaliser qu’il y a erreur sur la personne. Les deux crapules urinent aussi sur le tapis chéri du Dude. Et ça, fallait pas! Il est très colère, le Dude! Et il s’en va voir le « bon » Jeffrey Lebowski, celui que les malfrats devaient en fait viser. C’est un millionnaire, qui pourra bien, croit-il, rembourser son tapis… Ainsi commence un film culte par excellence, très librement inspiré du Grand sommeil de Hawks (film) et Chandler (roman), plein de méandres jouissifs, de personnages allumés et de références à la culture populaire. Un régal de comédie noire, à voir et à revoir sans jamais s’en lasser. L.D.

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DEGAS À L’OPÉRA

Documentaire de Blandine Armand et Vincent Trisolini. ***(*)

Dimanche 6/10, 17h35, Arte.

« On m’appelle le peintre des danseuses. On ne comprend pas que la danseuse a été pour moi un prétexte à peindre de jolies étoffes et à rendre le mouvement. » Alors qu’une exposition du même nom a ouvert le 24 septembre au Musée d’Orsay (elle se prolonge jusqu’au 19 janvier), Degas à l’Opéra raconte l’histoire d’une obsession. Une obsession qui fut le laboratoire de toutes ses expérimentations, qu’il a représentée pendant 50 ans et qui est devenue le coeur de sa création… Coeur battant de la société, l’opéra accueille à l’époque aristocrates, bourgeois, industriels et politiques qui s’y retrouvent pour faire et défaire les affaires et les carrières. Degas s’y rend régulièrement avec son père, un banquier sensible aux arts. Et il y découvre un monde en miniature, un lieu de brassage social et culturel où les danseuses, des filles qui essaient de fuir la misère, sont souvent la proie d’hommes qui viennent y faire leur marché (la majorité sexuelle étant alors fixée à treize ans). Des dessins s’animent, se superposent à des photos… Un docu qui donne furieusement envie de s’acheter un ticket de Thalys… J.B.

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THE WALKING DEAD (SAISON 10)

Série créée par Frank Darabont et Robert Kirkman. Avec Norman Reedus, Danai Gurira, Melissa McBride. **(*)

Lundi 7/10, 21h00, Be 1.

Pourquoi regarder encore The Walking Dead? Le goût pour le (mauvais) running gag plus que pour la chose bien faite? La longévité de la série est portée par celle du comics dont elle s’inspire sans la suivre (le tome 32 sort en français ce mois-ci). Parue à bout de souffle depuis sa sixième saison, elle continue pourtant de fasciner et fidéliser un public massif, galvanisé par la promesse de scènes gores (cette saison devrait lui en fournir à satiété) ou hypnotisé par le sous-texte critique et lucide sur le rapport que les humains entretiennent avec l’autre, la mort, la peur, la haine, le capital. Saut dans le temps, quelques années après la disparition de Rick Grimes: sa fille a grandi et les survivants, menés par un Daryl qui se sent mieux dans les bottes du leader, devront encore faire face à la menace des Chuchoteurs, ces drôles de personnages masqués par la peau des morts. Les intrigues et relations amoureuses sont particulièrement développées et réserveront quelques surprises à celles et ceux qui y voient encore de l’enjeu. Pour les autres, une tisane et dodo. N.B.

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THE VICTIM

Série créée par Rob Williams. Avec Kelly Macdonald, John Hannah, James Harkness. ****

Lundi 7/10, 21h05, France 2.

Au soir d’Halloween, un chauffeur de bus de 28 ans, Craig Myers, est agressé à son domicile. Son adresse et sa photo avaient été postées peu avant sur les réseaux sociaux, révélant sa vraie identité: Eddie Turner, condamné treize ans auparavant pour assassinat d’enfant et gratifié d’un droit à l’anonymat après avoir purgé sa peine. Les soupçons se dirigent vers la mère de la jeune victime d’alors, Anna Dean (Kelly Macdonald, Boardwalk Empire) ce que confirme l’enquête du détective Grover (John Hannah). Se déroulant en quatre nuits consécutives, l’investigation du policier lève le voile sur une affaire confuse: erreur judiciaire, dysfonctionnements dans l’application des peines, loi du talion, vengeance 2.0, tout est pris dans un maelström émotionnel admirablement joué de bout en bout par les trois acteurs principaux. La réalisation de Niall MacCormick réussit à rendre la confusion palpable, tout en maintenant, dans une gestion non linéaire de la chronologie, les liens entre les différentes époques de l’affaire. Le montage est porté par la volonté de donner leur place aux perceptions antagonistes, et l’histoire s’en retrouve secouée par des courants contraires, des réalités alternatives sur lesquelles la justice devra trancher. Quand l’émotion rend l’image fébrile et chaotique, la gestion aussi rationnelle que possible du système judiciaire lui fait prendre de la hauteur, jouant intelligemment avec les symétries. Le récit, lui, livre une réflexion pertinente et cruciale, quoique perturbante, sur le statut de victime. N.B.

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ELLIOTT ERWITT: SILENCE SOUNDS GOOD

Documentaire d’Adriana Lopez Sanfeliu. ***(*)

Lundi 7/10, 23h55, Arte.

« Je suis un photographe professionnel dont le passe-temps favori est la photographie. » À 91 ans, Elliott Erwitt continue encore et toujours d’immortaliser et de laisser parler son oeil aiguisé. Reporter accompli, photographe publicitaire à succès et ancien président de la célèbre agence Magnum, l’Américain né à Paris a pris en photo un paquet de stars de cinéma, de papes et de présidents des États-Unis. Beaucoup de chiens aussi. « Ils n’opposent aucune résistance. Et ils ne réclament pas de tirage », plaisante le vieil homme, peu bavard mais plein d’humour. Devenue presque par hasard son assistante, Adriana Lopez Sanfeliu a parcouru le monde avec Erwitt pendant deux ans et a fini par en faire le sujet de son premier documentaire. Le portrait d’un homme qui met beaucoup de sérieux à ne pas l’être et pour qui le succès se résume à la liberté. Celle de faire ce que l’on veut à tout instant. Rencontre avec un artiste à la fois simple et passionnant qui utilisait un petit klaxon pour faire sourire les gens. J.B.

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MON ONCLE

Comédie de Jacques Tati. Avec Jacques Tati, Jean-Pierre Zola, Adrienne Servantie. 1958. *****

Mardi 8/10, 21h10, La Trois.

Avec l’également merveilleux Les Vacances de monsieur Hulot, Mon oncle marque un des sommets de l’oeuvre unique et magnifique de Jacques Tati. Oscar du meilleur film étranger après avoir reçu le Prix spécial du Jury au Festival de Cannes, c’est une satire à la fois drôle et tendre du mode de vie moderne, épinglé à travers le regard d’un jeune garçon, fils unique d’un couple bourgeois installé dans une villa aseptisée des beaux quartiers et amateur de gadgets électriques dernier cri, censés faciliter la vie. L’oncle du gamin, joué par Tati, habite pour sa part un petit appartement au coeur d’un quartier populaire de Paris que menace la transformation de la ville. Les gags de situation, hilarants, se multiplient pour le plus grand bonheur du spectateur invité à rire d’une obsession d’un progrès technologique aussi coûteux que déshumanisant. Toujours d’actualité, cette bienveillante satire, à l’heure d’un tout numérique prometteur de catastrophes qu’on feint de ne pas voir venir! L.D.

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MYTHO

Série créée par Anne Berest et Fabrice Gobert. Avec Marina Hands, Mathieu Demy, Jérémy Gillet. ***(*)

Jeudi 10/10, 20h55, Arte.

Une banlieue pavillonnaire, quelque part en France. Les gyrophares d’une voiture de gendarmerie et d’une ambulance éclairent les passants et la façade d’une maison dont on sort un cadavre et une femme, sur une civière. Lorsqu’Elvira passera devant la demeure de ses voisins, dont les secrets sont mis sous scellés, elle sera absorbée par ceux de son propre quotidien: celui d’une femme aplatie par le multitasking, son boulot ingrat et ses trois enfants dont elle est la boniche. Le quatrième enfant est son mari, Patrick, père et amant démissionnaire. Il faudra un gros mensonge à Elvira pour tenter d’attirer son attention et reprendre un peu de cette visibilité dissoute dans la charge mentale. Qu’est-ce qu’un mensonge? Dans un monde régi par celui-ci, quelle fonction pour la mystification et le travestissement du réel? Au-delà d’une réflexion sur le couple et la famille, les questions sont au centre de cette fiction récompensée au dernier Festival Séries Mania, traversée par une Marina Hands qui prend admirablement consistance, et à l’architecture plus complexe que son faux rythme indolent suggère. Sam, le fils trans, Carole, la fille un peu butch, et Virginie, la cadette à la sensibilité fluide et à fleur de peau, sont eux sur un chemin propre, alternatif, dans cette réalité suffocante et éthérée. Quand les adultes semblent passer complètement à côté de leur vie, chacun à sa manière prend des appels d’air salutaires, dans l’euphorie, la douleur, la colère ou la sincérité d’un sentiment indicible. N.B.

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LEGENDS: JIMI HENDRIX

Documentaire de Barnaby Thompson et Tom McGuiness. ***(*)

Vendredi 11/10, 21h05, La Trois.

Chienne de vie. Jimi Hendrix a 23 ans et malgré un incroyable talent, sa carrière ne prend pas la tournure qu’il espère quand, le 5 juillet 1966, Chas Chandler des Animals le découvre au Café Wha, dans le Greenwich Village. Chandler dont le groupe est au bord de l’implosion veut se reconvertir dans la production et le management. Il l’embarque au Royaume-Uni, lui fait enregistrer son premier 45 Tours. La suite, dans les grandes lignes, on la connaît. Un groupe mythique (le Jimi Hendrix Experience), trois albums studios et une carrière éclair pour celui que beaucoup considèrent encore aujourd’hui comme le plus grand guitariste de tous les temps. Des images d’archives assez folles, les Beatles et les Stones à ses concerts notamment. Des interviews d’Eric Clapton dont il a changé la vie, de B.B. King, de Noel Redding, Mitch Mitchell et Jimi himself… Legends puise dans un lointain passé le terreau de son récit. Le Chitlin’ Circuit (avec Little Richard, Ike et Tina Turner). Le jeune mec noir en position de pouvoir. Le racisme aussi. La drogue. Le succès. Riche et fouillé. J.B.

David Robert Jones dit David Bowie en 1965.
David Robert Jones dit David Bowie en 1965.© REDFERNS/ GETTY IMAGES 2019

DAVID AVANT BOWIE

Documentaire de Francis Whately. ***(*)

Vendredi 11/10, 23h10, Arte.

Comment un enfant chétif et bagarreur issu d’une famille modeste (père RP dans une association caritative et mère ouvreuse dans un cinéma) est-il devenu l’une des plus grandes stars du rock? Comment un gamin passé par la chorale de son école et la flûte à bec en est-il arrivé à révolutionner la pop? C’est, comme son nom l’indique, ce que raconte David avant Bowie. L’ascension d’un jeune prodige. L’histoire d’une lente et impressionnante métamorphose.

« Une passion anime la plupart des gens qui sont un peu curieux d’eux-mêmes. Celle de s’échapper, de fuir pour découvrir qui ils sont et se trouver des racines, explique le principal intéressé dans ce passionnant documentaire. On est tous désespérés, épuisés par la platitude de l’endroit où on a grandi. »

Échecs minants, flops retentissants, renvois de maisons de disques et expériences artistiques avortées. Si le jeune mod lançait et rejoignait déjà des groupes à 19 ans, le chemin vers le succès fut si pas long, à tout le moins douloureux et chaotique pour ce mioche né de parents peu expansifs, sans doute profondément marqués par la Seconde Guerre mondiale. Après avoir raconté le Bowie des années 70, Ziggy Stardust et son virage berlinois (David Bowie en cinq actes), puis s’être penché sur la fin de son existence (David Bowie: les cinq dernières années), le réalisateur et producteur britannique Francis Whately s’intéresse à ses débuts. Une époque durant laquelle David Robert Jones n’était pas perdu mais ne s’était pas encore trouvé… Musiciens, manager, ancienne petite amie, cousine et potes d’enfance décrivent un mec mystérieux et profond qui divulguait peu ses sentiments. Un type qui s’est cru trop avant-gardiste pour réussir mais tutoyait dès l’âge de 22 ans la tête des charts anglais avec une chanson (Space Oddity) inspirée par le 2001: l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, racontant en direct la mort d’un astronaute. À côté du producteur Tony Visconti, Bowie lui-même se souvient. Sans briller dans sa forme malgré de chouettes documents d’archive, le docu a le don de déterrer les racines, de tirer minutieusement les fils. Il parle de son amour pour le Velvet Underground, évoque l’influence d’Anthony Newley, retrace son expérience de mime aux côtés du chorégraphe, acteur et spécialiste de la discipline Lindsay Kemp. Et se termine avec le suicide de Ziggy. De quoi palper le sentiment d’isolement qui a poursuivi l’artiste dès l’enfance. Apercevoir le chanteur folk avant la rock star. Décoder la création de ce monde alternatif auquel il tenait tant. « Bowie était jeune. Il cherchait à se faire un nom et c’était un petit frimeur (il se qualifiait lui-même de prétentieux). Mais on se marrait bien avec lui. On piquait souvent de sacrés fou rires », glisse un de ses proches. L’envers du décor.

Julien Broquet

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