À la télé cette semaine: Madame de…, À l’est d’Éden, La bibliothèque sous les bombes, Room 104…

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Séries, docus, films: notre sélection télé du 9 au 15 mars.

THE LAST KINGDOM (SAISON 3)

Série créée par Nick Murphy. Avec Alexander Dreymon, Tobias Santelmann, Emily Cox, Millie Brady. ***(*)

Dimanche 10/3 20.25 La Deux

À la télé cette semaine: Madame de..., À l'est d'Éden, La bibliothèque sous les bombes, Room 104...
© DR

« Sire, vous ne pouvez plus exécuter vos sujets comme bon vous semble. Nous sommes au IXe siècle. » Le roi de Mercie Æthelred vient de tuer gratuitement un gredin et son conseiller lui rappelle qu’au (Haut) Moyen Âge il faut abandonner les coutumes barbares de l’Antiquité. L’irruption de l’ironie dans un corpus visuel flattant le goût actuel pour le gore, le sexe et l’intrigue fait toujours de The Last Kingdom bien plus qu’une série historique narrant la pénible naissance du royaume anglo-saxon, dans son noyau du Wessex, menacé par les hordes de Vikings et les complots des princes territoriaux. Ce sont les invasions barbares revisitées par Dumas et Marlowe. Le héros mi-anglais mi-viking Uhtred, qui a porté le roi Alfred sur le trône, est aux prises avec des nouveaux ennemis, un drame familial, des mesquineries de lords anglais et de la sorcellerie, qui vont le plonger dans un conflit de loyauté alors que partout les alliances et les os crâniens se brisent. La troisième saison réussit de nouveau l’alliage difficile entre épopée bagarreuse et finesse d’esprit.

N.B.

LA SECONDE VIE DES ÉGLISES

Documentaire de Jean-Christophe Chatton. ***(*)

Dimanche 10/3 20.50 France 5

À la télé cette semaine: Madame de..., À l'est d'Éden, La bibliothèque sous les bombes, Room 104...
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Certaines sont devenues des bars, des restaurants, des centres culturels, des salles de concerts. D’autres, comme chez nous à Hal, ont débouché sur une nouvelle maison de jeunes. Se transformant même pour les vacances de Noël en paradis du skateboard… Des agences immobilières et des cabinets d’architectes se sont spécialisés dans le domaine. Les églises font de plus en plus souvent l’objet de réaffectation. En France, une quinzaine d’édifices religieux (sur 43.000 églises et chapelles) sont mis en vente chaque année. À l’origine de ce phénomène: le coût astronomique de l’entretien de ces bâtiments mais aussi leur fréquentation de plus en plus faible. Combien ça coûte? Quelles sont les contraintes pour l’acquéreur? Avec quelle rentabilité?

Comment se passe une désacralisation? Le documentaire de Jean-Christophe Chatton se penche sur la question et analyse des initiatives qui nécessitent un projet, un budget et la volonté de déplacer des montagnes mais peuvent redonner vie à des quartiers et des villages entiers. Alléluia.

J.B.

À L’EST D’ÉDEN

Drame d’Elia Kazan. Avec James Dean, Julie Harris, Raymond Massey. 1955. ****

Dimanche 10/3 20.50 Arte

Julie Harris et James Dean
Julie Harris et James Dean© Warner Bros

Les relations difficiles entre un fils et son père sont au coeur de ce film dur et déchirant qui révéla James Dean. Pourtant ce sont Montgomery Clift et Marlon Brando qui avaient été initialement approchés pour incarner Cal Trask. Mais ils déclinèrent l’offre et des essais furent faits avec beaucoup de jeunes comédiens, Paul Newman tenant la corde jusqu’à ce que le côté plus animal de l’audition de James Dean fasse pencher la balance en sa faveur. Le moins qu’on puisse écrire est que le comédien de 24 ans saisit la chance qui lui est donnée. Dean signe une interprétation d’une rare intensité, exprimant chaque élan et tourment d’un fils qui se sent incompris de son père, retrouve une mère dont on lui avait dit qu’elle était morte, et entreprenant de tout faire pour obtenir l’amour de son paternel. À l’est d’Éden, co-scénarisé par John Steinbeck, est un des sommets de l’oeuvre du cinéaste Elia Kazan, auquel Arte consacre un très intéressant documentaire ce même dimanche soir (lire ci-dessous).

L.D.

UN AMÉRICAIN NOMMÉ KAZAN

Documentaire de Claire Duguet. ****

Dimanche 10/3 22.40 Arte

Elia Kazan
Elia Kazan© Cat’s

Star d’Hollywood et roi de Broadway, rebelle dans l’âme qui voulait changer l’Amérique, le metteur en scène Elia Kazan a révolutionné le jeu des acteurs, créé l’Actors Studio et découvert Marlon Brando. Mais qui était-il vraiment et comment est-il devenu un paria de l’usine à films américaine? C’est tout le sujet de ce documentaire réalisé par Claire Duguet. Croisée auprès d’Agnès Varda et de Titouan Lamazou, la réalisatrice française tire le portrait de Kazan dans toutes ses contradictions. L’homme qui voulait être libre et protégé. Dans le système et en dehors. Qui était étranger et américain, loyal et infidèle, célébré et paria… Elle raconte son arrivée à Ellis Island en 1913. La rage, la rancoeur qu’il dissimule sous des arts affables, l’art dramatique qu’il étudie à Yale et le Group Theater, cette troupe idéaliste dont il fait partie qui veut détruire le star system et bouleverser le monde…

Jouer est d’abord un exutoire à sa colère mais Kazan se montre particulièrement habile quand il s’agit de faire surgir chez les comédiens les émotions les plus enfouies pour nourrir leurs rôles. Extraits de films, documents d’archives, témoignages sonores et interviews (Bertrand Tavernier et James Gray, entre autres)… Le portrait d’un cinéaste innovant qui a donné naissance à toute une génération d’acteurs: Steve McQueen, James Dean, Dustin Hoffman, Robert De Niro… Documenté et passionnant.

J.B.

DARAYA, LA BIBLIOTHÈQUE SOUS LES BOMBES

Documentaire de Delphine Minoui. ****

Dimanche 10/3 22.35 France 5

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« Pourquoi sauver des livres quand on ne peut pas sauver des vies? » La question taraude Shadi, Ahmad, Jihad et leurs amis. Ce groupe de jeunes opposants au régime de Bachar el-Assad, qui ont filmé le siège sanglant et destructeur de leur ville Daraya, à quelques encablures du palais présidentiel, se sont mis en tête de créer une bibliothèque. Composé de livres trouvés dans les décombres, les ruines et les appartements abandonnés, tapi au fond d’un sous-sol, ce lieu d’échange clandestin géré par les jeunes insoumis est devenu, entre 2012 et 2016, une université de tous les possibles, une maison du peuple: débats, ateliers de réparation, phone café où l’on parle via Skype à d’autres opposants en exil, fêtes de mariage… tout cela se passe au milieu des précis de sociologie, de théologie, des best-sellers de développement personnel, de poésies, des romans et de livres d’Histoire, tous recueils de liberté. Bravant les bombes, la faim et la mort, cette communauté gérée par des têtes brûlées de 20 ans n’est plus qu’un souvenir raconté en voix off, qui nous fait revivre cette épopée bien plus que romantique, alternant archives personnelles et reportage au présent. Un récit d’amitié et de dignité collective où des humains, au coeur de la guerre, cherchent à se relier, à la manière des pages qui se dévorent, se déchirent, mais recommencent toujours, tout en haut. Un regard vivifiant et nécessaire sur un chapitre sanglant et délirant de notre Histoire commune.

N.B.

MADAME DE…

Drame de Max Ophüls. Avec Danielle Darrieux, Vittorio De Sica, Charles Boyer. 1953. ****(*)

Lundi 11/3 20.55 Arte

À la télé cette semaine: Madame de..., À l'est d'Éden, La bibliothèque sous les bombes, Room 104...
© Gaumont

Très belle soirée Danielle Darrieux sur Arte avec à 22.30 un excellent documentaire consacré à l’actrice française sous le joli titre Il est poli d’être gai, et en ouverture ce qui reste un de ses tout meilleurs films. Max Ophüls, réalisateur génial, avait déjà dirigé Darrieux dans La Ronde (1950) et Le Plaisir (1952) quand il lui fit l’offrande d’un rôle créé pour elle, celui de Louise, comtesse de (le patronyme ne sera jamais dévoilé…). Adaptation d’un roman de… Louise de Vilmorin, Madame de raconte l’histoire d’une aristocrate coquette et frivole qui dépense sans compter et se voit contrainte, pour rembourser ses dettes, de vendre des bijoux très précieux en cachette de son mari… et en prétendant les avoir perdus. Nous n’en dirons pas plus sur l’intrigue d’un film qui commence sur le mode de la comédie légère pour évoluer vers la tragédie. La mise en scène est d’une élégance à couper le souffle, Darrieux est simplement parfaite. Du très grand art!

L.D.

DANIELLE DARRIEUX – IL EST POLI D’ÊTRE GAI

Documentaire de Pierre-Henri Gibert. ***(*)

Lundi 11/3 22.30 Arte

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© DR

Elle est partie dans son sommeil, le 17 octobre 2017, à l’âge de 100 ans. La fin paisible d’une existence incroyable qu’elle a consacrée au cinéma. Elle qui détestait le star system et restait toujours très opaque sur sa vie intime. Huit décennies de carrière, une filmographie interminable et ahurissante. Danielle Darrieux, la féminité subversive, la légèreté et le secret… Diffusé entre le drame romantique et aristocratique de Max Ophüls Madame de… (lire ci-dessus) et la comédie Battement de coeur d’Henri Decoin, Il est poli d’être gai retrace le parcours d’une enfant née en 1917 dans le monde pas très rigolo de la bourgeoisie. D’une jeune fille au tempérament de feu, antidote à la morosité de l’époque qui a joué dans son premier film à quatorze ans. Elle allait se montrer trop rebelle pour Hollywood et participer à une tournée de propagande du Reich pour faire libérer un amoureux. Entre Ludivine Sagnier et une historienne du cinéma, Deneuve parle de sa fausse légèreté et un philosophe évoque son profond désir d’être. Portrait d’une légende.

J.B.

OTAGES

Documentaire de Michel Peyrard. ****

Mardi 12/3 20.30 Be 1

À la télé cette semaine: Madame de..., À l'est d'Éden, La bibliothèque sous les bombes, Room 104...
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« Le plus insupportable n’est pas leur haine. C’est leur mépris », dit l’un. « Ils rentraient dans ma cellule et ils me disaient: tu préfères la corde ou une balle?, détaille un autre. Ils me suspendaient menotté et branchaient l’électricité sur ma tête. CIA, Guantanamo, Guantanamo… » Ils sont français, américains, colombiens, autrichiens, italiens. S’appellent Theo Padnos, Clara Rojas, Pierre Borghi, Maria Sandra Mariani, Oscar Tulio Lizcano, Wolfgang et Andrea Ebner. Et étaient à l’époque des politiciens, des journalistes, de simples touristes ou travaillaient dans l’humanitaire… Tous ont vécu la même expérience atroce, traumatisante de la captivité. Ils ont été enlevés, pris en otages et plus ou moins longtemps séquestrés (des mois voire des années). Que ce soit par Al-Qaïda ou les FARC. Le grand reporter français Michel Peyrard, qui a étudié la réalisation à l’INSAS et a couvert de nombreux conflits (ex-Yougoslavie, guerre du Golfe, Rwanda, Afghanistan…) pour Paris Match ou encore Envoyé Spécial, est parti à leur rencontre. Ils racontent les traitements inhumains, comment les geôliers détruisent leurs victimes. « Les grands jours, on sort du trou (au sens littéral du terme, NDLR) et on tourne des vidéos. Des preuves de vie. » Ils détaillent aussi comment ils ont survécu, ont été libérés ou se sont évadés. « En tant que citoyen, c’est être rendu coupable de tout ce qu’a pu faire ton gouvernement », résume l’un des intervenants. Un film coup de poing et le témoignage dévastateur de gens qui ont vécu l’horreur.

J.B.

PESHMERGA

Documentaire de Bernard-Henri Lévy. ***(*)

Mardi 12/3 22.40 Arte

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2015, extrême-sud du Kurdistan. S’affrontent sur une ligne de front de mille kilomètres, les djihadistes de Daech et les combattants kurdes, ces Peshmerga qui sont à peu près les seuls à systématiquement les combattre face-à-face. De juillet à décembre, littéralement au coeur du chaos, Bernard-Henri Lévy et son équipe ont entrepris de remonter cette frontière invisible et d’en restituer le journal de bord. Ce road-movie de guerre, engagé et animé par une irrépressible soif de filmer le quotidien de ces intrigants combattants, refusant le martyr, égalitaires et déterminés, immortalise ce funeste et inéluctable combat des ombres. Ce documentaire, qui s’ouvre sur une hallucinante scène qui motivera définitivement les intentions de l’équipe de tournage, comblera, abstraction faite du ton emphatique et solennel au possible d’un BHL en roue libre, deux impérieuses nécessités. La restitution d’un conflit, tangible et désastreux au-delà des mots, et la reconnaissance d’une communauté, de son histoire et de ses aspirations. C’est déjà ça…

M.U.

ROOM 104 (SAISON 2)

Série créée par Mark et Jay Duplass. Avec Mahershala Ali, Michael Shannon, Mary Wiseman. ****

Jeudi 14/3 20.30 Be 1

À la télé cette semaine: Madame de..., À l'est d'Éden, La bibliothèque sous les bombes, Room 104...
© DR

« Le motel offre à la société un morceau éclaté de miroir où elle peut se regarder en face, sous une forme plus fruste que celle qu’elle aspire habituellement à produire et où, justement, par une exigence trop grande de représentativité, elle se défigure. » Qui sait si les frères Duplass ont lu le livre que le philosophe Bruce Bégout a consacré au motel (Lieu Commun, Allia, 2003)? La deuxième saison de cette installation en huis clos dans une chambre qui traverse les âges et les situations grotesques, poétiques ou horrifiantes, y installe toujours, quoiqu’il en soit, le petit théâtre des maux contemporains. Une autrice en panne d’inspiration se confronte à la jeune ado qu’elle était et à son trauma, un technocrate russe organise un blind date foireux, deux arnaqueurs devisent à mort sur les aléas de leur métier… Une galerie impressionnante d’acteurs sont invités à incarner ces hôtes de passage ou en phase terminale: Mahershala Ali, Michael Shannon, Mary Wiseman, Katie Aselton. La répétition ennuiera ou ravira, inspirera des sentiments de gênes, des palpitations ou une curiosité pas si malsaine pour une nature humaine auscultée à la manière des rats dans leurs labyrinthes. « Quelle qu’elle soit, l’expérience d’une nuit passée dans un motel oscille sans cesse entre la sécurité et l’insécurité », écrit encore Bégout. Il n’a pas tort.

N.B.

HAPPY VALLEY (SAISON 2)

Série créée par Sally Wainwright. Avec Sarah Lancashire, Siobhan Finneran, Charlie Murphy, James Norton, George Costigan. ****

Jeudi 14/3 21.00 France 3

À la télé cette semaine: Madame de..., À l'est d'Éden, La bibliothèque sous les bombes, Room 104...
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Physique de Nadine Morano mais coeur de Nadia Daam, la sergent Catherine Cawood (Sarah Lancashire) est encore auréolée de ses actes héroïques de la saison passée quand elle se retrouve aux prises avec une autre enquête délicate sur les bras. Vendetta, trafics d’êtres humains, adultères et crimes en série au programme. Et tout commence par une scène hilarante, racontée en flash-back, où Catherine explique comment elle a embarqué des kidnappeurs de moutons défoncés à l’acide avant de devoir achever une malheureuse bête à coup de pierre, dans le jardin d’une petite vieille. Et celle-ci de lui demander si elle prend du sucre et un nuage de lait avec le thé qu’elle l’invite à prendre, une fois sa tâche accomplie. Décidément, rien n’est facile pour une femme entre deux âges, jonglant avec plusieurs casquettes (familiales, professionnelles…) a fortiori dans cette campagne anglaise post industrielle et sinistrée, théâtre de cette satire sociale et policière irrésistible, drôle et acide.

N.B.

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