À la télé cette semaine: Jodorowsky’s Dune, Brazil, Zone Blanche…

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Notre sélection de films, séries, docus, émissions à voir en télévision ou en streaming du 9 au 15 février.

THE ASSASSINATION OF GIANNI VERSACE

Série créée par Ryan Murphy. Avec Édgar Ramírez, Darren Criss, Penélope Cruz, Ricky Martin. ***

Samedi 9/2, 20h20, Plug RTL.

À la télé cette semaine: Jodorowsky's Dune, Brazil, Zone Blanche...
© DR

Après la rocambolesque affaire O.J. Simpson l’an dernier, la série criminelle American Crime Story change de registre pour aborder non sans fascination le personnage d’Andrew Cunanan. Le tueur en série dont la folle course a culminé avec l’assassinat du styliste Gianni Versace, alors au faîte de la gloire, sur le seuil de sa maison de Miami Beach, en Floride, le 15 juillet 1997, est ici objet de compassion et de répulsion. C’est qu’il est une allégorie parfaite du mensonge, du narcissisme de la société du spectacle et de la consommation, ainsi que des ravages de l’homophobie. Dans un continuum temporel morcelé (le même que celui de la série This Is Us), fait d’allers et de retours incessants dans le passé, le récit évoque les destins parallèles traumatiques du tueur et de son ultime victime. Ayant choisi une esthétique de thriller érotique télévisé des années 90, Ryan Murphy ne parvient pas à s’affranchir de sa propre obsession pour le paraître et la dissimulation. Les scènes entre Gianni (Édgar Ramírez) et Donatella Versace (Penélope Cruz) sont assez pénibles tant l’actrice en fait des tonnes, mais Ricky Martin dans le rôle de l’amant du styliste est singulièrement touchant. Darren Criss est époustouflant en gigolo/escroc/tueur narcissique oppressé puis contaminé par les codes de la virilité toxique et un besoin tragique de reconnaissance. N.B.

LA FABRIQUE D’ARNOLD SCHWARZENEGGER

Documentaire de Jérôme Momcilovic et Camille Juza. ***(*)

Dimanche 10/2, 23h10, Arte.

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C’est l’histoire d’un enfant autrichien devenu gouverneur de Californie après avoir été le premier des bodybuilders et l’un des plus populaires acteurs. S’il était né sur le sol états-unien, il aurait même sans doute couru vers la Maison-Blanche. Arnold Schwarzenegger. Des tablettes de chocolat à faire pâlir d’envie Nestlé, Callebaut et Côte d’Or… Le documentaire de Jérôme Momcilovic et Camille Juza tire le portrait de ce Musclor Governator, fils de gendarme autoritaire, que ses parents destinaient à une carrière de menuisier et qui a fini par nourrir nos rêves autant que nos cauchemars… Ce « corps aberrant comme tombé de l’Olympe dans l’Amérique post Woodstock », ce jouet inédit et démesuré dont les réalisateurs ont fait un guerrier, un robot et même un homme enceint. De Pumping Iron qui fait entrer le culturisme dans la culture à Total Recall, de Terminator qui lui invente un mythe à Last Action Hero, mais aussi du politicien à l’homme d’affaires… Un docu classique mais bien gaulé qui multiplie les images d’archives. J.B.

LES NOCES ROUGES

Drame criminel de Claude Chabrol. Avec Michel Piccoli, Stéphane Audran, Claude Piéplu. 1973. ****(*)

Lundi 11/2, 20h55, Arte.

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Pierre et Lucienne s’aiment follement. Mais leur liaison passionnelle doit rester clandestine. Car l’un et l’autre sont mariés et vivent dans un petit bourg de la France profonde où les secrets sont difficiles à garder. Il se pourrait d’ailleurs que le mari de Lucienne, Paul, un grand bourgeois et notable (il est maire et député), vienne à nourrir des soupçons. Et que la vie de la femme de Pierre ne tienne plus qu’à un fil… Quelques plans suffisent à Claude Chabrol pour installer l’atmosphère à la fois banale et étouffante d’un thriller intime sulfureux, sur fond de froide satire des années Pompidou (président de la République de 1969 à 1974, période riche en grands films pour Chabrol avec notamment les formidables Le Boucher, Que la bête meure, La Rupture et Juste avant la nuit). Remarquablement interprété par Michel Piccoli, Stéphane Audran et Claude Piéplu, Les Noces rouges ouvrent sur Arte une programmation Chabrol abondante et bien faite. L.D.

ZONE BLANCHE (SAISON 2)

Série créée par Mathieu Missoffe. Avec Suliane Brahim, Hubert Delattre, Laurent Capelluto. ***(*)

Lundi 11/2, 21h00, France 2.

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Le major Laurène Weiss sort progressivement de sa convalescence (trois balles en fin de première saison) mais, deux mois après le début de son enquête au pays de l’étrange, les plaies les plus difficiles à cicatriser ne sont pas physiques. Elle trime avec sa fille Cora (marquée par la mort de son amie), le revanchard procureur Siriani (fascinant Laurent Capelluto), une sociopathie latente, les mystères non encore élucidés de « L’Homme des Bois » et de nouveaux meurtres sanglants dont les circonstances évoquent un rituel druidique. Le taux d’homicide de la petite bourgade de Villefranche et de sa forêt profonde ne faiblit pas au cours de cette saison marquée par des flash-back remontant à l’époque romaine, terreau fertile pour d’autres funestes réactions en chaîne: une série de plaies celtiques et prophétiques accablent les habitants et les animaux et semblent tourner autour des carrières locales Steiner. La multiplication des intrigues et des noeuds temporels leste un peu une série qui parvient tout de même à se détacher du tout-venant par sa maîtrise de l’étrangeté, ses compositions d’image dignes d’un roman graphique et son casting relevé. Quand la lente et parfois laborieuse reconstitution du puzzle animiste sort de la brume, elle laisse entrevoir de grands moments de mise en scène et délivre un message cinglant aux humains. N.B.

CET ÉTÉ-LÀ

Documentaire de Göran Olsson. ***(*)

Lundi 11/2, 00h00, Arte.

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Il y a quelques semaines, on vous parlait dans ces mêmes colonnes de Grey Gardens, documentaire ahurissant sur la tante et la cousine de Jacqueline Kennedy Onassis. Deux femmes fantasques vivant dans une propriété devenue insalubre au milieu des chats et des ratons laveurs. Trois ans avant que les frères Maysles (Gimme Shelter) le réalisent, Lee Radziwill (la soeur cadette de Jackie) et son ami le photographe Peter Beard avaient déjà entrepris le tournage d’un docu sur les deux excentriques. Mais ce film initié en juin 1972 n’avait jamais été finalisé malgré de longues heures de tournage. Leurs auteurs renonçant à les monter. « Je n’ai jamais trouvé les Beale à plaindre, ni tristes ni rien de ce genre, dit Beard. Juste particulièrement douées pour ressentir ce que ça faisait de s’accrocher au passé. Il ne leur restait plus que les échos des chansons et des rêves d’une histoire familiale disparue depuis longtemps. » Le docu de Göran Olsson compile les quatre bobines jamais utilisées et donne à Cet été-là des allures de prequel. À la recherche du temps perdu… J.B.

USA: LA LOI DES ARMES

Documentaire de Romain Besnainou. ***(*)

Mardi 12/2, 20h50, France 5.

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Le 14 février 2018, l’assassinat aveugle de 17 personnes au lycée de Parkland en Floride a tout du massacre de trop. Les yeux du monde se braquent avec insistance sur la N.R.A., dont l’ambition ultime est de ne laisser quiconque entraver le droit absolu de posséder une arme. Cette organisation, militante et déterminée, représente l’une des plus influentes forces politiques des États-Unis. Une caste aux ressources illimitées, qui pour transformer le mensonge en marketing fonde sa doctrine sur le poussiéreux deuxième amendement (pas sûr que les Pères fondateurs, en 1787, imaginaient leur mousquet progressivement devenir une arme de destruction massive). Pourtant, depuis le drame, des rescapés consacrent une partie de leur vie à un combat dont on a à peine conscience ici. Émergent quelques frondeurs, envers et contre tout, résolus à changer le cours de l’Histoire. Ce documentaire clé démystifie cette intouchable allégeance des (futurs) élus au lobby des armes et met en lumière les indomptables qui se dressent face à cette corruption légale compromettant tout le système électoral américain. Édifiant. M.U.

BRAZIL

Film de science-fiction de Terry Gilliam. Avec Jonathan Pryce, Robert De Niro, Kim Greist. 1985. *****

Mercredi 13/2, 21h05, La Trois.

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Chef-d’oeuvre de Terry Gilliam et film culte absolu, Brazil propose une expérience unique. Son génial réalisateur nous emmène dans un univers rétro-futuriste et kafkaïen où un fonctionnaire va se retrouver désigné comme ennemi de l’État, suite à des circonstances que nous ne révélerons pas ici. Jonathan Pryce incarne ce bureaucrate au monde intérieur peuplé de rêves romantiques, et qui va se faire héros face à la machine totalitaire d’une société pas tellement éloignée au fond de certaines dérives constatées (tout) près de nous. L’imagerie est extraordinaire, comme toujours chez l’ex-membre des Monty Python. Et Robert De Niro crée un mémorable personnage de… plombier! On se régale en découvrant ou en revisitant ce Brazil visionnaire, employant l’arme de l’humour déjanté avec bonheur, et célébrant avec enthousiasme un imaginaire menacé par la pensée unique. L.D.

PAUL AUSTER: LE JEU DU HASARD

Documentaire de Sabine Lidl. ***(*)

Mercredi 13/2, 22h35, Arte.

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« À plusieurs égards, Paul est le Charles Dickens des XXe et XXIe siècles, dit de lui Wim Wenders. Dickens avait Londres et Paul a Big Apple. » Paul c’est bien évidemment Paul Auster. L’auteur de la Trilogie new-yorkaise, le scénariste de Smoke et de Brooklyn Boogie. Né le 3 février 1947 à Newark dans le New Jersey, Auster est le symbole d’une certaine idée qu’on se fait de New York et vit dans le même appartement de Brooklyn depuis 40 ans. Dans le documentaire de Sabine Lidl, Auster raconte son dernier roman 4 3 2 1 (2017) et en lit des extraits tout en revenant sur sa vie, son enfance, ses années d’université et ses méthodes d’écriture… Pour 4 3 2 1, l’auteur a décliné quatre scénarios possibles pour son personnage. « Je pense que l’inattendu se produit avec une certaine régularité, dit-il. J’essaie d’intégrer l’idée que des choses peuvent arriver auxquelles on ne s’attendait pas. Parce que la vie est en grande partie faite de moments comme ça. » Un portrait sobre complété par ses amis, son épouse et François Busnel. J.B.

SAUVETAGE EN MER DE TIMOR

Série créée par Glendyn Ivin. Avec Ewen Leslie, Leeanna Walsman, Hazem Shammas. ***

Jeudi 14/2, 20h55, Arte.

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Dans un mélange audacieux de drame intimiste, de suspense, de critique politique et sociale, cette série australienne entame un débat à découvert sur les tragédies migratoires et les renoncements des puissances. En leur coeur, des réfugiés qui fuient la misère et la mort. Au pourtour, notre monde occidental qui fuit ses responsabilités, morales et juridiques. Le récit part d’un cas singulier aux multiples ramifications: en pleine croisière dans la mer de Timor, un groupe d’Australiens rencontre un bateau de réfugiés. La tentative de remorquage vire au drame. Alors que les plaisanciers tentent de noyer le poisson des mauvais souvenirs, ils rencontrent quelques années plus tard une famille de survivants. La situation va évoluer en un crescendo tendu au cours duquel la vérité sur ce qu’il est réellement passé en mer va progressivement se révéler. L’Australie n’a pas brillé par sa gestion humaniste du sort des réfugiés ces dernières années. Aussi, faire le bilan de nos contradictions, démonter la mécanique implacable de nos impuissances et de nos lâchetés est le mérite de cette mini-fiction qui pèche toutefois par son format classique, ses ficelles narratives prévisibles et des personnages dessinés au gros trait. Son intrigue parvient pourtant à nous tenir en haleine et à laisser filtrer de purs moments d’émotion. N.B.

JODOROWSKY’S DUNE

Documentaire de Frank Pavich. ****(*)

Vendredi 15/2, 22h30, Arte.

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« Je voulais faire un film qui procure aux gens qui prenaient du LSD à cette époque les mêmes hallucinations que donnait la drogue mais sans que ce soit des hallucinations. Je ne voulais pas que les gens prennent du LSD, je voulais fabriquer moi-même la drogue. »

Ainsi parle Alejandro Jodorowsky de ce qui aurait dû être son plus grand film, Dune. L’adaptation d’un roman phare, signé Frank Herbert, de la science-fiction. Quatre ans de préproduction… Avant que la fille du producteur Dino De Laurentiis ne lui retire le pain de la bouche pour le confier à David Lynch (Jodorowsky avoue avoir retrouvé le sourire en regardant le film tellement il l’a trouvé mauvais et Lynch, n’ayant pas eu le final cut, l’a lui-même renié), le réalisateur franco-chilien avait remué ciel et terre pour mener le projet à bien. L’ambition du cinéaste était énorme. Jodorowsky voulait créer un prophète, un dieu artistique et cinématographique. Faire quelque chose de sacré qui ouvrirait des perspectives nouvelles et l’esprit. Tel un gourou, il appelait d’ailleurs ses collaborateurs des « guerriers spirituels ».

Le documentaire de Frank Pavich brosse brièvement le portrait du cinéaste avant de raconter la genèse du chef-d’oeuvre avorté. Pour son Dune, space opéra dans lequel une épice élève les niveaux de conscience, ouvre le temps et l’espace à ceux qui l’ingèrent, Jodorowsky n’avait pas lésiné sur les moyens. Il avait embauché Moebius (après être tombé sur un Blueberry), qu’il a utilisé comme une caméra pour un storyboard ultra évolué. Il a persuadé la crème du rock (il voulait un groupe pour chaque planète) de se joindre à l’aventure. Et il a même soumis son fils Brontis à un régime draconien pour l’y préparer. Karaté, acrobaties… Le gamin avait dû apprendre à se battre à mains nues, avec un couteau, une épée. Six heures par jour, sept jours sur sept, pendant deux ans… « À l’époque, si j’avais dû me couper un bras pour tourner ce film, je l’aurais fait (…) J’étais même prêt à mourir, » avoue le réalisateur.

Dans ce documentaire passionnant, Jodorowsky, âgé de 84 ans et doté d’une vitalité hallucinante, s’étale. Longuement interviewé, il explique comment il a convaincu Orson Welles, a enrôlé Pink Floyd, Mick Jagger et approché Salvador Dalí. Tandis que des images du storyboard se mettent en mouvement, son fils, le producteur du film Michel Seydoux, le plasticien H. R. Giger, le dessinateur Chris Foss ou encore l’admirateur Nicolas Winding Refn (Drive) partagent leurs souvenirs et leurs impressions sur ce film jamais réalisé qui a marqué de son empreinte l’Histoire de la science-fiction. Le programme à n’absolument pas rater ce mois-ci à la télé.

Julien Broquet

CAM

De Daniel Goldhaber. Avec Madeline Brewer, Patch Darragh, Melora Walters. 1h34. ***

Disponible sur Netflix.

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Difficile de ne pas penser à un épisode relativement standard de la série Black Mirror face à cette production Blumhouse (Paranormal Activity, The Purge, Get Out) distribuée par Netflix, où le quotidien d’une cam-girl sexy obsédée du ranking bascule en plein cauchemar éveillé quand un double d’elle-même apparaît en ligne. Construit sur le schéma un peu grand-guignolesque d’une montée de tension paranoïaque, le film épingle avec beaucoup de savoir-faire, mais sur un mode très sentencieux, les dérives d’une pratique concurrentielle d’où sourd la menace d’une dissolution pure et simple de l’identité, culminant dans une pirouette finale au fond assez téléphonée. N.C.

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