Critique

[à la télé ce soir] Code Haneke

© marion stalens
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Un docu particulièrement limpide et éclairant nourri par des journalistes et des historiens du cinéma, le réalisateur Ruben Ostlund, la comédienne Isabelle Huppert et des entretiens d’archives de Michael Haneke.

« L’art travaille à déstabiliser et non à sécuriser. La sécurisation vient des politiciens qui disent: c’est pas grave, sois tranquille, je m’en charge pour toi. L’artiste dit: « Personne ne s’en charge à ta place, tu as le devoir d’agir ». » Ainsi parle Michael Haneke. Haneke. Un regard au scalpel. Des scènes fortes qui bousculent et qui s’impriment. Des films qui divisent. Trop exigeants pour faire l’unanimité. Haneke. L’observateur infaillible qui gratte là où ça fait mal. Le réalisateur qui ausculte ce que le joug de la société cherche à cadenasser, qui fouille dans nos tréfonds, nos contradictions et nos compromissions.

Regard implacable invitant à l’introspection, à la mise en doute de nos certitudes. Questionnement sur les illusions des images et le pouvoir du cinéma. Tandis que Benny’s Video dit comment les images interfèrent avec notre rapport à la réalité et nous rendent spectateurs de nos vies, Funny Games nous confronte à notre fascination de spectateur pour la violence sous forme de divertissement. Radicalité du regard, radicalité dans la manière de mener son récit, dans ses partis pris formels… Le documentaire de Marie-Eve de Grave tire le portrait d’un cinéaste doublement palmé (Le Ruban blanc, Amour). Un homme de texte attaché à la langue, né en 1942 à Munich, de parents comédiens. Un Autrichien qui se rêvait chef d’orchestre, qui s’est forgé avec le théâtre avant de devenir réalisateur de films pour la télévision et de secouer la Croisette. Code Haneke décrypte sa pensée et retrace sa carrière. Depuis Le Septième Continent, en 1989, sa première apparition à Cannes, récit annoncé du suicide d’une famille enlisée dans la société de consommation, jusqu’à Happy End, son dernier film à ce jour, portrait grinçant de bourgeois à Calais. à travers son constat, écrit comme une partition sans musique, de la violence exercée par la société sur les individus (71 fragments d’une chronologie du hasard), son portrait d’une sadomasochiste en quête d’absolu (La Pianiste) ou encore son thriller psychologique autour de ce tabou que reste en France la guerre d’Algérie (Caché)…

Plein d’humanité et sans concession, jamais Haneke ne condamne les gens: il laisse toujours au spectateur le soin de se positionner. Lui, le cinéaste en quête de vrai, qui explique sa recherche de l’obscénité. Un docu particulièrement limpide et éclairant nourri par des journalistes et des historiens du cinéma, le réalisateur Ruben Ostlund (Snow Therapy), la comédienne Isabelle Huppert et des entretiens d’archives d’Haneke.

Documentaire de Marie-Eve de Grave. ****

Dimanche 20/03, 22h55, Arte.

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