Critique

À la télé ce jeudi soir: Chronique d’une mort oubliée

Chronique d'une mort oubliée © Greg Pédat
Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Bouleversant. Révoltant. Entre ces deux adjectifs, notre coeur balance tant le documentaire de Pierre Morath prend aux tripes.

L’histoire est celle de Michel Christen, un homme à la dérive qui passera, dans son appartement de Genève, « les cinq dernières années de sa vie et les deux premières de sa mort. » Cassé par l’alcool et par le cancer, il s’éteint dans l’indifférence. Pendant deux ans et demi, son cadavre croupira dans ses murs sans que personne ne s’en aperçoive. Ni l’administration, ni la régie de son immeuble, ni ses voisins, ni sa famille. Personne. Drame de la solitude et de la déshumanisation urbaine en Occident, le film nous parle d’une réalité qui, si elle n’est pas toujours si extrême, gît plus souvent qu’on ne l’imagine dans les caves peu reluisantes de nos villes. Morath s’insinue également dans l’esprit de ceux qui côtoyaient Michel, notamment son ex-épouse et sa fille, éloignées à jamais d’un homme perdu par l’alcool suite à une longue incapacité de travail. « J’ai dit un jour à quelqu’un qui ne comprenait pas comment on ne s’en était pas rendu compte plus vite: attendez, il n’y a pas assez de monde pour s’occuper de ces gens-là, est-ce que vous êtes prêts à payer plus d’impôts pour engager plus de gens pour s’occuper de personnes que vous n’osez pas regarder dans les yeux, qui dérangent et pour qui vous changez de trottoir quand vous les voyez. Ce ressenti, c’est peut-être ignoble ce que je vais dire, je l’avais comme tout le monde, sauf que c’était d’autant plus douloureux que c’était mon père », raconte la fille du défunt, ponctuant cette enquête dramatique. Pierre Morath détricote en effet les moteurs de cette mort oubliée, passant en revue l’inertie sociologique du voisinage comme la sclérose de l’administration. Pudique mais ferme, ce documentaire nous donne à voir une partie de nous-mêmes qu’on se serait peut-être bien passés d’explorer. Ce qui le rend d’autant plus utile. Pour ne pas dire indispensable.

  • DOCUMENTAIRE DE PIERRE MORATH.
  • Ce jeudi 31 octobre à 22h50 sur Arte.

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