Quinze ans plus tard, Mel Gibson s’est replongé dans Braveheart à la faveur de la sortie du film en Blu-ray. Souvenirs, souvenirs…

A l’instar du bon vin, Mel Gibson bonifierait-il avec les années? Rencontré à Paris lors de la sortie en salles de Braveheart, l’acteur/réalisateur australien se la jouait volontiers mufle – à peine plus dégrossi que la figure légendaire qu’il incarnait à l’écran, ce William Wallace qui, dans une scène passée à la postérité, dévoilait à ses ennemis anglais la partie la plus charnue de son anatomie. Quinze ans plus tard, alors qu’on le retrouve à New York où il accompagne, flanqué du chef-opérateur John Toll, l’édition en Blu-ray de son film, Gibson allie à l’élégance non ostentatoire (chapeau sur veste de cuir trois-quarts) une exquise courtoisie, se montrant prévenant et disponible, jusqu’à d’ailleurs laisser courir la rencontre bien au-delà du temps initialement imparti. On a, il est vrai, connu rendez-vous engagé sous moins bons auspices. Quelques heures plus tôt, la redécouverte de Braveheart n’a pas manqué d’impressionner l’assistance – plus que beaucoup d’autres, le film a supporté avec bonheur les outrages du temps (pour autant, bien sûr, que l’on ne prête pas trop attention à une coupe de cheveux sortie en droite ligne de la Bundesliga des années 80). « C’est bon de regarder en arrière, commence Gibson. Quinze ans, c’est long, et c’est intéressant. Ce film fait partie de moi, et j’en suis fier. » On le comprend d’autant mieux que Braveheart apparaît, avec le recul, comme le point d’orgue de sa carrière de réalisateur; une réussite incontestable, à la violence crue, sans doute, mais sans commune mesure avec celle des controversés The Passion of the Christ et Apocalypto, autres pages d’histoire mises en scène par Mel Gibson. « Ce qui m’attire dans ces sujets? Je veux montrer quelque chose de vraiment différent, et projeter le spectateur dans un autre monde à une autre époque, en faisant en sorte qu’il y croie autant que possible. Bien sûr, vous n’y croirez jamais totalement, mais si je peux vous amener dans un monde différent pour vous faire l’habiter et vous y perdre, et vous raconter une histoire, c’est formidable. »

Les fantômes des landes écossaises

Au sujet de Braveheart, et de son impact particulier, John Toll parle de la force prégnante de l’environnement lors du tournage « on pouvait sentir une présence, au jour le jour ». A quoi Gibson renchérit: « Parfois, on avait le sentiment que les fantômes des membres de clans en kilts émergeaient des landes pour nous indiquer où placer la caméra. Il suffit d’aller visiter les champs de bataille sur place pour comprendre, cela vous brise le c£ur; tout cela était étrange… » D’où, sans doute, la résonance du film, qui ira bien au-delà du succès critique et commercial pour s’ériger en étendard de la cause écossaise. « C’est là que j’ai pris conscience de l’impact que pouvait avoir une £uvre d’art, se souvient le réalisateur. Le film a éveillé quelque chose. Dans toute culture, d’où que l’on vienne, il y a cette recherche de l’identité. Si elle est exposée au monde, et que l’on y est sensible, cela laisse une marque profonde. (…) C’est une histoire qui n’en finit pas de se répéter; des hommes comme lui, il y en a dans chaque culture. C’est un thème universel, et la matière des grandes histoires dont on faisait déjà son miel à l’âge du feu, dans les grottes… »

D’où, sans doute, cette capacité du film à traverser le temps. Du reste, que pourrait donner Braveheart tourné en 2009? « Je ne sais pas si quiconque en aurait jamais l’intention. Cela coûterait une fortune, et tant de choses ont dû se mettre en place. Cela me semblerait vraiment compliqué…  » « C’était réel, il ne s’agissait pas d’un monde virtuel, opine John Toll. Nous avons fait ce film avec des gens, dans des environnements réels que nous avions recréés et où nous vivions au quotidien. Aujourd’hui, ce ne serait tout simplement pas le même film… »

On n’en est pas là, bien sûr. L’actualité de Mel Gibson, c’est d’ailleurs aussi son retour prochain sur les écrans comme acteur, avec tout d’abord Edge of Darkness de Martin Campbell, et ensuite The Beaver de Jodie Foster – un petit événement, si l’on considère que sa dernière apparition remonte à une demi-douzaine d’années. « Un laps de temps suffisant s’était écoulé, j’avais envie de m’y remettre. Non que cela m’ait manqué. Les choses sont d’ailleurs différentes, cela n’a plus le même sens pour moi, ce qui ne m’empêchera pas de faire mon boulot le mieux possible. Disons que c’est la ménopause masculine… » (rire) Quand on vous le disait changé…

Texte Jean-François Pluijgers, à New York.

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