25 ans après l’Unplugged de Nirvana, que reste-t-il des sessions acoustiques chères à MTV?
Alors que l’Unplugged de Nirvana fête son quart de siècle, les lives minimalistes à succès d’aujourd’hui se font dans des cubes colorés et des bureaux mal rangés. Sessions d’assaut…
Le 1er novembre, l’Unplugged de Nirvana fêtait son 25e anniversaire. Vingt-cinq ans depuis non pas l’enregistrement ou sa diffusion télé mais bien la sortie de cet album devenu mythique considéré par le Rolling Stone comme l’un des dix meilleurs lives de tous les temps. Il y a quelques semaines, le gilet que portait Kurt Cobain devant les caméras de MTV le jour de la captation, le 18 novembre 1993, ce gilet taché, abîmé d’un trou de cigarette et jamais lavé était vendu aux enchères pour la somme de 334.000 dollars. Témoin textile d’un moment rare et preuve de l’importance qu’il a prise dans la conscience collective.
À l’époque, Nirvana vient de sortir In Utero. Cobain est imprévisible, incontrôlable, autodestructeur. Les ventes d’albums et de tickets de concerts sont moins élevées qu’espéré et le groupe de Seattle accepte d’enregistrer un set acoustique pour l’émission MTV Unplugged.
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L’ambiance est chaotique. La relation avec la chaîne musicale, compliquée. Ses responsables auraient préféré Pearl Jam ou Tori Amos aux Meat Puppets que Nirvana a invités. Et le choix de chansons qui exclut les titres phares du groupe grunge les gêne aux entournures.
Tout le monde s’attend à un désastre. Cobain est si nerveux qu’il ne fait installer que des gens qu’il connaît aux premiers rangs. Il ne veut pas de Courtney Love et de leur fille dans le studio. Pendant la répétition générale, le chanteur, qui souffre de problèmes intestinaux et est en manque d’héroïne, vomit de la bile et du sang. Le matin de l’enregistrement, il est encore en train de remplir un questionnaire sur ses habitudes alimentaires. Étant donné son état, quelqu’un suggère à la production de « l’aider ». Selon la légende, à défaut d’héro, quelques valiums feront l’affaire.
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Le décor digne de funérailles tout en fleurs et en bougies voulu par Cobain, les paroles tristement prémonitoires (« I swear that I don’t have a gun« , « Don’t expect me to die« ), les difficultés de Dave Grohl et de son jeu surpuissant à s’adapter au contexte (Kurt a même pensé se passer de lui pour le concert)… Un tas d’anecdotes hallucinantes accompagnent l’événement. Cinquante-trois minutes, quatorze morceaux, six reprises. Jesus Doesn’t Want Me For a Sunbeam des Vaselines avec son accordéon triste, The Man Who Sold the World de David Bowie, Where Did You Sleep Last Night de Leadbelly et trois morceaux des Puppets… Nirvana ne veut pas jouer à la manière de ces groupes qui font comme s’ils étaient au Madison Square Garden. Inspirée par The Winding Sheet, le premier album, intimiste, de Mark Lanegan, la session enregistrée dans les studios de Sony Music à New York est diffusée en décembre. Elle passera en boucle sur la chaîne à la mort, le 5 avril, de Cobain et finira dans les bacs des disquaires, le 1er novembre 1994 donc, pour atteindre la tête des charts en Amérique du Nord, en Australie et dans divers pays européens.
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De la TV au CD…
Si l’Unplugged de Nirvana a relancé les ventes d’In Utero, il a aussi donné un petit coup de jeune à l’émission. Créé par les producteurs Jim Burns (mort en 2017 après avoir été renversé par un taxi) et Robert Small, qui prétendent en avoir eu l’idée après avoir assisté à un rappel de Bruce Springsteen seul à la guitare acoustique devant une foule conquise, MTV Unplugged débarque sur les écrans en 1989. Le programme télévisuel dans lequel des musiciens interprètent des versions dénudées de leurs -généralement- plus célèbres chansons marque l’Histoire du câble et de l’industrie musicale du début des années 90. La première, diffusée le 26 novembre, n’en est pas moins rocambolesque. Glenn Tilbrook et Chris Difford de Squeeze ne sont pas prêts. Ils ne savent même pas où ils mettent les pieds. « Ils sont arrivés aux répétitions avec des guitares électriques, expliquait Alex Coletti, qui a produit le show jusqu’en 2001. Je leur ai dit: très marrant, les gars. Où sont les acoustiques? C’est Unplugged. Ils se sont regardés: « OK, passe vite un coup de fil. » »
Personne ou presque ne s’en souvient mais pour leurs treize premiers épisodes, les MTV Unplugged avaient un présentateur. Le singer songwriter Jules Shear, qui a écrit pour Cyndi Lauper et les Bangles. Des grands noms? En 1990, Sinead O’Connor, Elton John, Aerosmith et les Black Crowes sont mis à l’honneur. L’année suivante, ce sera le tour de The Cure, REM, Elvis Costello… Business, business. Le premier à avoir sorti une version discographique de son Unplugged s’appelle Paul McCartney. À l’époque, l’ancien Beatle, homme d’affaires averti, craint que la session soit distribuée illégalement. « Je me suis dit que comme elle allait passer à la télé partout dans le monde, il y avait de grandes chances qu’un petit futé la mette sur bandes et en fasse un bootleg. Donc, on a décidé de le faire nous-mêmes. On a écouté les bandes dans la voiture en rentrant. Et quand on est arrivé à la maison, on avait déjà décidé qu’on avait un disque. L’un des plus rapides que j’ai jamais faits. »
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Eric Clapton, lui, est réticent. Mais s’il ne trouve pas sa performance assez bonne pour la sortir officiellement en CD, son Unplugged finira par recevoir le Grammy du meilleur album. En ces années de gloire pour la musique à la télévision, les Unplugged pèsent. Une dernière anecdote « débranchée » pour la route? On est au Royal Festival Hall, à Londres, en 1996. Officiellement, Liam Gallagher a mal à la gorge et c’est Noel qui chante à sa place. Il avouera plus tard que son frangin est arrivé la tête à l’envers une heure avant le concert, qu’il a essayé de chanter mais en était incapable. Liam assiste à la prestation et raille à l’une ou l’autre occasion Oasis depuis le balcon. Son aîné lui demande pas très poliment de la boucler. Manchester style…
En couleur
Des stations de radio aux chaînes de télé en passant par les salles de concerts, les labels, les webzines et les magas en tous genres, les sessions acoustiques pullulent aujourd’hui aux quatre coins de la planète. Mais avec l’évolution de la musique, la prise de pouvoir du rap, du r’n’b et d’une pop de plus en plus électronique, l’idée de la session minimaliste a changé. Une pièce, un artiste, une chanson, une couleur… La plateforme berlinoise Colors incarne plutôt bien la mutation. Inaugurée par le chanteur australien Emilio Mercuri, seul avec sa guitare acoustique en février 2016, Colors a étendu son spectre au hip-hop, à la (néo) soul… Un état d’esprit résumé par un slogan « All colours, no genres« . Derrière le concept se cache un magazine online destiné à la promotion de jeunes promesses internationales. Mais le chercheur de talent est rapidement devenu un attrape-stars. Un passage obligé des poids lourds et des célébrités du marché. Eddy de Pretto, Roméo Elvis, Mykki Blanco, Lomepal, Angèle… Tous sont passés se faire filmer dans son petit cube monochrome (la teinte est apparemment ajoutée en postproduction). Chantant devant un micro, souvent un casque sur les oreilles, la plupart du temps sur une bande orchestrale en mode karaoké léché.
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MTV, dans les années 90, avait déjà fait de l’oeil au hip-hop. En 1991, la Music TeleVision avait ainsi organisé Yo Unplugged Rap, un événement réunissant LL Cool J, MC Lyte, De La Soul et A Tribe Called Quest. Tous accompagnés par le back-up band Pop’s Cool Love. À l’époque, LL Cool J n’avait jamais travaillé avec un vrai groupe. « C’est comme si tu buvais du lait pendant dix ans et que tu devais tout à coup boire du punch aux fruits, commentait Q-Tip au sujet de l’expérience. Ce n’est pas que c’est mauvais mais tu dois t’y habituer. »
3.790.000 abonnés à sa chaîne YouTube, 731.000 followers sur Instagram… Simple, dépouillée, moderne, soniquement et visuellement propre, la vidéo Colors génère entre quelques centaines de mille et 35 millions de vues pour les artistes les plus célèbres. On peut trouver ça monolithique, sans intérêt, reflet d’un monde aseptisé, profondément ennuyeux à force d’être clean, elle est devenue un indicateur de popularité (comme YouTube, Spotify et quelques autres) et un outil promotionnel incontournable, bien moins cher qu’un clip.
Le bureau des légendes
Pas toujours unplugged, certes, mais régulièrement en mode acoustique, les Tiny Desk Concerts ont déjà nettement plus de sens et de charme. Comme leur nom l’indique, ces sessions de 15-20 minutes sont tournées dans un minuscule bureau garni de bibelots en tous genres (visez celui de votre collègue le plus bordélique). Le desk en question est celui de Bob Boilen, musicien et journaliste à la National Public Radio (NPR), dans ses quartiers généraux de Washington. Le concept est né par hasard en 2008 dans un bar d’Austin pendant le festival South By Southwest. Boilen y assiste avec son collègue Stephen Thompson à un showcase de Laura Gibson, mais l’endroit est tellement bruyant que les deux hommes n’arrivent pas à se faire un avis. Thompson l’apostrophe, lui glisse en guise de boutade que les locaux de NPR seraient mieux adaptés. Et trois semaines plus tard, la fille de l’Oregon enregistre le premier Tiny Desk Concert. Une vidéo médiocre, maladroitement filmée dans un bureau blafard devant des étagères à moitié vides. Le nom de l’émission fait référence au groupe (Tiny Desk Unit) créé par Boilen à la fin des années 70 et le bureau ne serait pas aussi minuscule qu’il en a l’air (les « grands reporters » de Vice ont enquêté depuis)… En attendant, la petite équipe a désormais fait jouer un millier d’artistes allant de Kurt Vile au Wu-Tang Clan, de Tom Jones à Dr. Dog en passant par les Black Keys, Vic Chesnutt, Tyler, The Creator, Sheryl Crow, Idles ou Tamino… En 2016, Tiny Desk a même déménagé à la Maison-Blanche. Common et ses musiciens interprètent deux extraits de son album Black America Again dans la bibliothèque présidentielle. NPR va plus loin: elle organise le Tiny Desk Contest, un concours destiné aux artistes non signés et à leurs compositions originales. Le gagnant sélectionné par la rédaction remporte un passage dans l’émission.
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MTV et ses Unplugged n’ont pas encore tout à fait dit leur dernier mot. Comme une revanche, Liam Gallagher a enregistré une session cette année à Hull. Et en Inde, où l’émission a été lancée en 2011, elle continue de proposer de nouveaux contenus. Mais la chaîne a perdu de sa force de frappe et la concurrence se fait de plus en plus rude. Le live continuant d’engloutir la toile. Dont acte.
Under the Covers
C’est bien connu: on n’est nulle part aussi bien que dans son lit. À part peut-être dans celui d’un autre. Depuis sept ans, la chaîne YouTube In Bed With * Books & Music filme au pieu, parfois sous les draps, des artistes souvent en développement reprenant Fugazi, Neutral Milk Hotel, Aretha Franklin ou encore le Velvet Underground. Wallis Bird, L.A. Salami, Adam Green et Peaches entre autres sont passés par là.
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Jam In The Van
L’idée est originale et en parfaite adéquation avec les préoccupations environnementales de notre temps. Jam In The Van ne se promène pas juste aux États-Unis pour enregistrer des groupes dans un bus de tournée, elle a équipé le toit de ce dernier avec des panneaux photovoltaïques. Lancé en 2011, Jam In The Van a filmé plus de 1.000 groupes à travers le pays. Des concerts entièrement générés par l’énergie solaire.
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Far Out
Ils ont fait jouer Lala Lala et Cloud Nothings entre des murs d’escalade, les Viagra Boys dans une salle de billard… Piste de roller, piscine vide, liquor store, garage automobile, magasin de ski, salle d’arcade ou de muscu… Les Far Out Sessions emmènent les groupes loin de leur zone de confort. Des groupes pour le coup complètement amplifiés. C’est à Chicago, sur audiotree.tv, que ça se passe.
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