Serge Coosemans

(BREAKING) Vincent Flibustier et Marcel Sel sont des döppelgangers gorgés de Garmonbozia

Serge Coosemans Chroniqueur

Un très long week-end passé la journée sous le soleil et la nuit devant la troisième saison de Twin Peaks. Une polémique en toc entre Vincent Flibustier de Nordpresse et Marcel Sel d’un Blog de Sel suite à une blague débile sur l’attentat de Manchester. Il n’en fallait pas plus, quasi-insolation et cubi de rouge aidant, pour que tout se mélange dans la tête de Serge Coosemans. Blogosphère belge, Nicky Minaj et crème de désespoir, voici le Crash Test S02E32.

Twin Peaks, la série de David Lynch, prend le postulat d’une dimension parallèle du nom de Black Lodge (le Monde Noir dans la VF), un plan d’existence qui partage certaines caractéristiques avec le purgatoire chrétien, le subconscient freudien et les mises en scènes minimalistes de l’artiste contemporain Bob Wilson. C’est dans la Black Lodge que vivent notamment le Géant, le Nain, quelques personnages plus mystérieux encore ainsi que deux entités malfaisantes, Bob et Mike. Pour y accéder, il faut traverser un « portal » semblable à celui de Glastonbury Grove, tout au fond des bois de Twin Peaks. On sait qu’il en existe d’autres, que le Monde Noir a même été partiellement exploré et cartographié par l’armée américaine et Philip Jeffries, un agent du FBI interprété par David Bowie. Mais pour entrer et ressortir de cet univers parallèle, il faut un coeur pur. Or, personne n’a chez David Lynch un coeur pur, pas même l’agent spécial Dale Cooper, pourtant l’un des héros les plus positifs de l’histoire de la télévision. C’était il y a 27 ans la conclusion glaçante de la deuxième saison de Twin Peaks. Le « vrai » Cooper restait prisonnier de la Black Lodge et en ressortait un « döppelganger » malfaisant, un mauvais jumeau possédé par Bob. C’était bien joué et je considère toujours cette fin comme l’une des meilleures qui existe. Même si ce n’est plus une fin.

Il y a 27 ans, âgé d’à peine 20 ans, alors que je découvrais ma part d’ombre et que je prenais encore Ma vie de Carl Gustav Jung très au sérieux, je ne voyais pas très bien où David Lynch voulait en venir avec cet univers déstabilisant qui me faisait drôlement peur. Aujourd’hui, la quarantaine cynique aussi entamée que moi au gros rouge au moment de me lancer dans le premier épisode de cette nouvelle saison de Twin Peaks, il m’a par contre semblé évident que si la Black Lodge doit aujourd’hui être comparée à quelque-chose de réel, ce n’est pas du tout au subconscient et à ses terreurs enfouies mais bien à la blogosphère belge et aux étranges idiots qui l’animent. Oui, l’Internet de chez nous, c’est Twin Peaks! Avec ses gogols qui parlent à l’envers et ses obsédés du bon café et de la tartelette aux fruits rouges. Avec ses chevelus grimaçants à vestes de jeans sans manche et ses mecs de droite à costumes trop larges. Sommes-nous sinon vraiment sûrs que ceux que nous prenons pour Vincent Flibustier et Marcel Sel ne sont en fait pas des döppelgangers maléfiques possédés par Bob (ou Raoul Reyers pour le coup)? Peut-être que le « vrai » Marcel Sel est pour les 25 années à venir prisonnier derrière les longs rideaux rouges du Théâtre des Galeries à souffler des blagues gériatriques à André Lamy? Peut-être que dans cette dimension parallèle, le « vrai » Vincent Flibustier, une belle cravate Mickey sur la chemise bleue bien repassée, vend jusqu’en 2042 des téléphones portables à la Maxitec du Carrefour des Grands Prés? Le coeur impur, est-il d’ailleurs possible de lire du Marcel Sel et de visiter Nordpresse sans en ressortir l’âme très amochée?

J’y crois d’autant plus que ce week-end, sur l’Internet belge, Evil Marcel s’est de façon complètement Black Lodge attaqué à Dark Flibustier au sujet d’une énième blague pourrie que ce dernier venait de publier sur Nordpresse, à savoir que l’attentat de Manchester était dû à l’explosion de la « grosse » Nicky Minaj. Bref, du fatshaming. Nawak. Con. Pas drôle. Anecdotique. Ce que Flibustier a en fait publiquement admis, avant de tout aussi publiquement s’étonner de perdre beaucoup de lecteurs à la suite de cette publication. Ce qui a donné à Sel l’idée de lui écrire une lettre ouverte l’accusant de manquer de respect envers les victimes de l’attentat: « (…) Se marrer tout de suite après que des enfants ont été massacrés par un terroriste (n’est) pas possible. (…) Quand je suis face à une adolescente qui se demande si elle va encore oser aller à un concert et me dit que ce monde est horrible, je n’ai pas envie d’être confronté à un étron soi-disant humoristique de ce calibre », écrit sur son blog celui qui me doit sans doute à vie l’étiquette de Chuck Norris de l’indignation permanente, hahaha.

Funny, isn’t it?

Pour Evil Sel, on ne peut donc pas rire de tout, directement, sans recul. On doit aussi faire gaffe à ne blesser personne quand on balance au public des trucs voulus rigolos. Ce n’est pas mon avis. Si la blague est bonne, tout est permis. Pareil si la blague est mauvaise mais amenée de façon à ce qu’elle soit drôle quand même. Tout. Est. Permis. Par contre, si la blague est de nature à ce que des ambassades brûlent et que des homosexuels se fassent tabasser par leurs voisins, on devrait sans doute un peu réfléchir avant de la dégoupiller. Ce que n’a jamais fait Charlie, le mètre étalon moderne de la liberté d’expression, soit dit en passant. Je digresse, je donne mon avis et j’entends fort bien qu’il est très discutable. J’aimerais d’ailleurs beaucoup pouvoir en débattre mais c’est actuellement impossible, parce que ce débat sur l’humour est justement complètement hijacké par trop de coeurs noirs, trop de döppelgangers malfaisants. Il a été piégé par trop de crispations, trop de manigances politiques, trop de postures douteuses et trop d’alibis au manque flagrant de talent comique. Funny, isn’t it? Nous sommes en 2017 et il est impossible de parler d’humour touchy sans que cela parte totalement en baston.

Des attentats terroristes, des enfants morts, des tueries dans des salles de concerts, il y en a sinon eu d’autres et il y en aura encore d’autres. Ce n’est pas que l’on s’y habitue. C’est que pour un coeur pur, il n’y a tout simplement plus rien à en dire. Je ne critique pas ici l’émotion spontanée des gens. Les prières, les fleurs, les rassemblements, les statuts honnêtes, les slogans, les dessins, les chansons de rue. Ni même les blagues de quidams anonymes, y compris les mauvaises. Mon fiel va plutôt aux « producteurs de contenus », ce que sont Vincent Flibustier et Marcel Sel. Des figures publiques ou semi publiques prisonnières de leurs images, qui produisent ce qu’ils pensent que l’on attend d’eux alors que l’on n’attend rien d’eux, surtout un week-end d’Ascension avec 30 degrés dehors. Des gens qui ne la ferment jamais, pour qui toute sortie publique relève du cirque. Après un attentat, forcément, Vincent Flibustier se doit de jouer au kéké provocateur sans tabou. Soit. Après un attentat, forcément, Marcel Sel sera toujours là pour étaler à la grosse louche sa pseudo-humanité et sa compassion surjouée. Soit. D’autres en appelleront à la paix dans le monde, d’autres encore à l’ouverture de camps de concentration pour musulmans. Soit. Voilà le brouhaha produit par la Black Lodge. Voilà ce qui obscurcit les coeurs. Ce long week-end, il s’est passé bien des choses marrantes, bien des choses inspirantes, bien des choses scandaleuses sur lesquelles écrire quand on n’arrive pas à s’empêcher d’ouvrir son claque-merde. Pourtant, Vincent Flibustier tout comme Marcel Sel ont choisi de rebondir sur Manchester. Ce n’est pas un hasard, m’a dit une bûche avant de finir dans le barbecue. C’est que dans Twin Peaks, les habitants et les döppelgangers de la Black Lodge se nourrissent tous exclusivement de Garmonbozia, une crème de maïs gorgée à la « souffrance et au désespoir » des gens. Coïncidence? JE NE CROIS PAS.

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