[Critique théâtre] Ovide au camping
Pascal Crochet livre au Théâtre des Martyrs une version contemporaine des Métamorphoses d’Ovide. De jour et de nuit, les récits mythologiques prennent vie dans un campement forestier. Avec des hauts et des bas.
Niobé changée en rocher, la tisseuse Arachnée qui renaît en araignée, Penthée transformé en sanglier, Jupiter en taureau blanc pour enlever la belle Europe… Ils sont nombreux les récits compilés par Ovide au premier siècle pour ses Métamorphose. Quinze livres en hexamètres, une matière foisonnante capable de stimuler l’imagination. Pour son adaptation théâtrale, Pascal prend le parti de ne pas incarner ces mythes -à quelques exceptions près, comme cet Actéon changé en cerf par Diane, qui revêt des bois montés en trophée de chasse- mais de les faire raconter.
Les histoires sortent ici d’un livre épais, tombé des cintres, atterrissant avec fracas sur une table, puis plongé dans un aquarium à l’avant-scène par son premier lecteur (Pourquoi un tel geste? Le mystère reste entier). Il revient à une petite communauté de campeurs vivant au milieu des bois de les dire, dans un montage de textes où ont été intégrés des extraits d’auteurs contemporains comme le philosophe Emanuele Coccia et l’anthropologue japonais Kinji Imanishi. De l’ancien enchâssé dans du nouveau, le passé conjugué au présent des problèmes écologiques contemporains: c’est a priori une idée séduisante. Là où ça coince -et l’on sait que porter la littérature sur les planches est toujours un exercice casse-gueule-, c’est que non seulement certains textes semblent difficilement captivants en étant dits au théâtre plutôt que lus dans un bouquin mais en plus, les acteurs qui en forment l’auditoire surjouent leurs réactions pour animer l’ensemble. Il faut mimer l’étonnement, le doute, l’émerveillement, la stupéfaction. Hélène Theunissen va jusqu’à fondre en larmes en écoutant le récit de Philémon et Baucis, vieillards redoutant d’être séparés par la mort et que Jupiter transforme en arbres aux feuillages entremêlés pour les remercier de leur générosité.
À tout cela, Pascal Crochet entend apporter des touches d’humour, à travers des ruptures de tons. Un « Thierry? Ça va? » interrompt Thierry Lefevre contant avec une emphase dramatique les malheurs d’Orphée. Sylvie Perederejew, à bout de patience, quitte la table où l’on discourt sur le vivant. Alors, finalement, est-ce qu’on adhère à ces textes ou est-ce qu’on s’en moque? Cette position d’entre-deux est inconfortable. Et quand les campeurs s’enthousiasment pour leur environnement en embrassant les arbres et en se roulant dans la terre, on n’arrive pas vraiment à y croire.
Reste que ces Métamorphoses offrent de beaux moments plastiques, grâce à la scénographie évocatrice de la Finlandaise Satu Peltoniemi, bien exploitée. La scène finale, où la jeune Camille Rasera (donnant beaucoup de sa personne tout au long du spectacle) se fond progressivement dans le décor, restera longtemps imprimée sur nos rétines.
Métamorphoses, jusqu’au 10 février au Théâtre de la place des Martyrs à Bruxelles, www.theatre-martyrs.be
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