Botala Mindele: carnage hilarant à Kinshasa!

Botala Mindele © EMILIE LAUWERS
Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif/L'Express

Huis clos kinois, la nouvelle pièce de l’auteur français Rémi De Vos, créée à Bruxelles, explose à la face du spectateur. Une guerre des couples cruelle et pathétique sur fond de néo-colonialisme en pleine débandade.

La tornade tropicale Rémi De Vos a frappé: avec ses dialogues cinglants habilement ciselés, son thème délicat traité sans tomber dans les clichés – les relations entre Blancs et Noirs dans le Congo d’aujourd’hui – et son rythme endiablé, Botala Mindele, la dernière pièce de l’auteur français à succès, créée à Bruxelles, a tous les atouts pour susciter l’adhésion des spectateurs.

Confirmation lors de la première, hier soir, au Théâtre de poche, où le public n’a pas boudé son plaisir. Conversations, insultes, silences…: le spectacle mis en scène par Frédéric Dussenne est rythmé comme une oeuvre musicale, avec barres de mesures et reprises. Les acteurs, convaincants, évitent soigneusement le « surjeu », inutile avec un texte d’une telle efficacité: Philippe Jeusette et Valérie Bauchau jouent un couple européen installé de longue date à Kinshasa, Benoît Van Dorslaer et Stéphane Bissot des expats arrivés depuis peu dans la capitale congolaise, Priscilla Adade et Jérémie Zagba des domestiques africains dont la sensualité fait tourner la tête à toute la maison, et Ansou Diedhiou, un ministre du gouvernement Kabila, « Godot » très attendu par les autres, mais qui tardera à faire son apparition.

« Eviter la caricature »

Botala Mindele
Botala Mindele© EMILIE LAUWERS

Ceux qui ont eu l’occasion de séjourner à Kin’, ville où la nuit tombe comme un rideau vers 18 heures, retrouveront, dans la pièce de Rémi De Vos, l’ambiance très particulière de ces longues soirées entre Européens, où l’on revoit toujours les mêmes visages, où l’on boit beaucoup et où l’on cancane à l’envi. Derrière la farce cauchemardesque de l’auteur, il y a le désarroi de l’Occidental (Botala Mindele pourrait se traduire par « Regarde l’homme blanc ») face à une Afrique qui n’a plus besoin de lui – les Chinois sont là – et lui rappelle, à l’occasion, le passif colonial.

« En visite à Kinshasa en 2011, j’y ai surtout fréquenté le milieu congolais, nous confie Rémi De Vos. Certains personnages de la pièce, dont la domestique Louise, m’ont été inspirés par ces rencontres. Le texte a connu au moins sept versions: pas simple d’écrire sur la débâcle de l’homme blanc pris à son propre piège au Congo. Il fallait éviter la caricature, le grotesque et le ridicule, tout en mettant en évidence le mépris de classe, les névroses, l’impuissance, les frustrations sexuelles. »

« Vous vous êtes tapé le gardien? »

Le pitch en quelques lignes? Ruben et Mathilde ont invité Daniel et Corine à dîner dans leur résidence kinoise. Ruben fait du business avec le gouvernement congolais. Daniel a son propre projet, dans le secteur du… caoutchouc! Il compte sur Ruben pour le mettre en contact avec le ministre compétent. Ruben se demande comment Daniel fait pour être toujours aussi exact à ses rendez-vous, dans une ville de Kinshasa encombrée et aux rues défoncées. Il est persuadé qu’il arrive à l’avance et se gare non loin de la maison en attendant de faire son entrée. Comédie des apparences, obsession du paraître, vacuité des vies bourgeoises d’expatriés, c’est tout cela que Rémi De Vos dépeint de façon percutante dans sa pièce. Extrait du feu d’artifice final. Corine, la femme de Daniel, à Mathilde, l’épouse de Ruben: « Vous vous êtes tapé le gardien? D’accord. Daniel baise la bonne, vous baisez le gardien, le gardien baise la bonne. C’est tout? Je suis la seule à ne pas penser à m’envoyer en l’air? »

Botala Mindele (coproduction avec le Rideau de Bruxelles) jusqu’au 14 octobre au Théâtre de poche, à Bruxelles, www.poche.be. Du 17 au 21 octobre à l’Atelier Jean Vilar, à Louvain-la-Neuve, www.atjv.be. Du 24 au 28 avril au théâtre de Liège, www.theatredeliège.be

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