Scènes: au Théâtre National, une saison sous le signe de la diversité

C’est dans la Grande Salle du Théâtre National que Pierre Thys a donné rendez-vous au public ce mardi 31 mai, pour la présentation de la saison 2022/23. 

Le Théâtre National Wallonie-Bruxelles affiche salle comble, à l’occasion de cette soirée réunissant public, artistes et équipe du théâtre. Aux côtés de Valérie Martino, et Sylvia Botella, conseillères à la programmation, Pierre Thys ne fera pas planer le suspens très longtemps en dévoilant aux spectateurs son envie de faire de la corporéité le fil conducteur de sa programmation. Le nouveau directeur du National met en exergue cette volonté de proposer au public «une programmation plus ouverte et plus accessible», en mettant en avant la dimension collective de ce projet.

Cette saison, le Théâtre National a décidé de consacrer la majorité de son répertoire à celles et ceux dont la parole est invisibilisée, ceux qui mènent un combat politique, ceux qui, en assumant leur sexualité, risquent leur vie, et aux peuples opprimés. Dans des thématiques contemporaines, le Théâtre National vise à faire de la scène un lieu de rencontre, de pouvoir, de revendications et d’émancipation. Les femmes seront particulièrement à l’honneur, signant 61% des projets de la saison. La promesse de changement est respectée et la tendance s’inverse enfin. Fusion, de Joëlle Sambi et Hendrickx Ntela, parle des quartiers et rend hommage aux victimes de violences policières dans un spectacle joignant danse et slam. Dans Rage, à travers la question « Pour se réconcilier, faut-il affronter ? », Emilienne Flagothier dénonce les violences quotidiennes subies par les femmes dans un spectacle où elles incarneront ces hommes agresseurs. Angelica Liddell et son spectacle crée au Festival d’Avignon 202, Liebestod, (« Mort d’amour ») transformera la scène en une véritable arène. Dans le rôle d’un torero, l’artiste espagnole offrira comme à son habitude un spectacle organique, mélancolique, subversif, mais non sans beauté.

Liebestod ® Christophe Raynaud de Lage

Les Halles de Schaerbeek et le Théâtre National s’unissent pour coprésenter Boudoir. Au sein de cette nouvelle création à visée performative de l’artiste sud-africain Steven Cohen, l’espace théâtral est exploité comme lieu de rupture où s’entrechoquent discriminations et oppression subies à cause de sa sexualité. Hakim Bouacha et son projet hybride Genesis, alternant entre danse et théâtre, parleront d’amour, d’un amour homosexuel encore impossible dans certains pays. Emblème de la scène contemporaine, Pippo Delbono, présentera La Gioia, un hommage à son ami décédé Bobo, présent dans tous ses spectacles depuis plus de 20 ans. Dans cette ode à la joie, le metteur en scène italien proposera au public une scénographie printanière, où fleurs, couleurs, chants et danses prendront possession du plateau.

La Gioia ® Luca Del Pia

53 supporteurs du RC Lens s’approprieront la scène dans Stadium de Mohamed El Khatib. Dans une ambiance de stade de football avec tribune, supporteurs, mascotte, banderoles, Stadium est une rencontre entre deux publics opposés, croisant leurs univers respectifs. Dans cette lignée du théâtre documentaire, pour la première fois en Belgique, Tatiana Frolova présentera la pièce Le Bonheur dans laquelle elle conte les déboires politiques de son pays, la Russie. Armée de sa caméra, la metteuse en scène récolte les témoignages de ses compatriotes, ceux pour qui elle a décidé de faire vivre ce spectacle. La pièce à succès Après le silence de Christiane Jatahy, récompensée du Lion d’or du théâtre de la Biennale de Venise 2022, dénonce l’esclavage contemporain présent au Brésil, son pays d’origine. Dans la pièce finale de sa Trilogie des horreurs, trois femmes témoigneront sur leurs conditions de vie. Cette satire politique prend vie sous la forme d’un documentaire, entre théâtre et cinéma.

Stadium ® Yohanne Lamoulère

Le Théâtre National proposera aussi des classiques modernisés avec La Mouette de Tchekov, dans une performance de Cyril Teste qui exploite la scène comme lieu de travail, à la frontière entre théâtre et cinéma. Les Enfants terribles de Jean Cocteau, réinventé par Phia Ménard, se présente comme un spectacle lyrique où chanteurs et pianistes font revivre l’opéra de Philip Glass.

Au programme on trouve aussi Si j’étais moi, mis en scène par Mathias Simons qui s’est inspiré de la pièce Maître Puntila et son valet Matti de Bertolt Brecht pour créer le protagoniste Sven Punti. Côté danse. Création 2023, de la célèbre chorégraphe flamande Anne Teresa De Keersmaeker. Dans cette nouvelle pièce rythmée par la musique pop, l’artiste invite les spectateurs à danser. Les danseurs du Ballet de Marseille se produiront dans Room with a view de Rone & (La)Horde. Dans ce spectacle virevoltant, accompagné d’un fond de musique électronique, s’exprimeront luttes et revendications.

« Hybride, rieuse et grave » : c’est ainsi que le Théâtre National décrit cette nouvelle saison. Entre féminisme, questions de société et politique, des thématiques très actuelles défileront tout au long de la saison à travers des corps devenus symboles d’une lutte. La programmation de cette nouvelle saison se veut « ambitieuse et chargée », cette pluridisciplinarité voulue par le Théâtre National, entre théâtre, danse, cinéma et cirque, met à disposition d’un public diversifié un large panel de propositions.

Su-Ran Khetta

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content