Le festivalier belge en quête d’aventures

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le festivalier belge ne se contente plus de la drache nationale, il s’en va sur les routes d’europe et d’ailleurs, en quête d’exotisme, de chaleur et de vibrations nouvelles….

Manon à Iboga, Espagne

Manon, 23 ans, évoque davantage une héroïne d’Emily Brontë (Les Hauts de Hurlevent) que la festivalière tout-terrain standard. Pourtant cette étudiante en troisième année de traduction anglais-espagnol trace volontiers la route: « Je suis déjà partie en stop dans l’est de la France et là, une amie m’a proposé de la rejoindre au festival d’Iboga, dans le sud de l’Espagne près de Valence« . Manon ne se formalise pas trop du programme -du balkanique et du ska- mais s’est trouvée sous le charme à l’idée de rejoindre un coin d’Europe où elle a déjà passé cinq mois en Erasmus. « J‘étais à l’Université à Murcia, l’une des villes les plus chaudes d’Espagne: on passe les nuits dehors, sur des terrasses, la vie y est sans trop de structures ni contraintes. Je partageais un appart avec deux Espagnols et une Egyptienne. » Les parfums de dolce vita hispanique croisent aussi une autre réalité, plus économique: le mojito à 1 euro et le ticket du festival (camping compris) à 48 euros… « Contrairement aux autres années, je ne ferai pas de grand voyage et donc, ce festival est pour moi l’occasion de me retrouver dans un contexte totalement différent, avant ma seconde sess de la mi-août. Je ne dis pas que je voudrais passer ma vie au camping mais j’aime bien l’idée de cette sorte de vacances où je peux aussi pratiquer l’espagnol que j’étudie depuis trois ans. » Sur l’Espagne et son « sens de l’hospitalité », Manon la discrète serait presqu’intarissable, tout en ayant conscience que ce trip qu’elle va accomplir en auto-stop avec une amie de Bruxelles, « c’est aussi vouloir rester dans cette phase de jeunesse, vouloir arrêter le temps, tant que je peux encore me le permettre« .

Léo et Pierre à Lesbos, Grèce

Deux mecs à Lesbos -île grecque qui a vu naître la fameuse poétesse lesbienne Sappho-, tous deux belges et DJ (sous l’appellation The Roots Corner (1)): Pierre et Léo, respectivement 24 et 25 ans, se connaissent depuis une dizaine d’années. Le premier travaille dans une boulangerie chic, le second s’essaie au secteur artistique: tous deux trimballent leur amour (inconsidéré) du reggae-dub roots et vont se faire le Beach Street Festival pour la deuxième fois. Léo, qui passe ses vacances dans ce coin de Grèce depuis onze étés, vante l’initiative de l’organisateur « Constantinos, à la fois graffeur et dans l’événementiel, un jeune mec de 26-27 ans super en vue sur l’île, toujours entre Berlin et Marseille, avec un petit business de cantina, bar de plage, à Lesbos. » L’année dernière, le mix graffiti et bass music du Beach s’installe en bord de mer, investissant un hôtel en cours de construction que les visiteurs peuvent intégralement graffiter, en toute légalité. Plus de 3 000 personnes visitent alors la BO plage faite de deep house, électro, techno, hip hop. Léo: « On avait trimballé 20 kilos de vinyles -d’où 45 euros de supplément sur Ryanair- mais cette année, on voyagera plus léger en vue d’un set de quatre heures, toujours dans une forme de bénévolat. » Pierre, excité de jouer sur un gros sound-system, celui des Grecs de Dubwise Hi-Fi, aime cette zone de rencontres « où tout, que ce soit la bouffe ou la façon de danser, semble plus exotique, même si je ne parlerais pas vraiment d’aventure« . Léo rajoute: « On n’a pas l’impression de danser sur la crise, parce que ce genre de festival est super rassembleur. » Les deux copains partageront une tente sur le terrain des parents de Léo, et ne paieront pas le prix d’entrée modeste, soit 18 euros pour trois jours.

Martine et Thierry à Burning Man, Etats-Unis

« Lorsqu’on va une fois à Burning Man, on a forcément envie d’y retourner et d’y revivre cette sorte d’utopie où chacun peut exprimer sa propre fantasmagorie dans un environnement au niveau de tolérance incomparable. » Martine et Thierry, la cinquantaine débutante, ne sont pas encore tout à fait redescendus du trip américain de l’été dernier. Dès son arrivée à San Francisco, ce couple français -résidant depuis longtemps au sud de Bruxelles- sent l' »effervescence », même si Burning Man est à plusieurs heures de route, au coeur du désert du Nevada. « Il nous a fallu 18 heures de voiture pour aller de San Francisco -là où Burning Man a fait ses quatre premières éditions- à l’intérieur du festival, installé autour d’une immense plage en argile dans le nord-ouest du Nevada. Mais la fête commence dès les gigantesques bouchons à l’entrée du périmètre. » Outre un prix de billet plutôt cossu -entre 300 et 500 dollars-, les 70 000 heureux élus qui décrochent le sésame doivent tout amener sur place. Thierry et Martine, en compagnie d’un couple d’amis, transportent donc leur propre logement (une yourte), des vélos pour parcourir les dizaines d’hectares, et bien sûr de quoi (sur)vivre une semaine dans un climat désertique, bouillant le jour, frais la nuit, perpétuellement chassé par vent et sable. « On ne va pas là pour se reposer, précise Martine, encore marquée par les basses des dizaines de sonos qui font vibrer le désert 24 heures sur 24, alors que chaque « communauté » organise son autarcie: « On faisait partie d’un groupe d’une trentaine de personnes qui tous les jours, entre onze et treize, offraient du thé et des focaccias cuits dans un four à bois. Rien ne se paie en argent à Burning Man et tout y semble customisé: les habitations comme les tenues ou les vélos qui sont parfois de vrais chars de carnaval. » Mais ce folklore qui finit -à l’unisson du titre- par l’incendie d’un homme géant, veille aussi « au développement du corps, notamment par le chamanisme, à la créativité sous une multitude de formes, et au sens absolu de la fête comme celui de la musique ». Expérience addictive disions-nous: Martine et Thierry sont d’ores et déjà sur la liste d’attente pour l’édition de cette année…

(1) EN CONCERT LE 27 JUIN À L’ATELIER 210 À BRUXELLES DANS LE CADRE DE LA BELGIAN DUB COMMUNITY NIGHT PART. 3, WWW.ATELIER 210.BE

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