Johnny Hallyday, vacances définitives

Johnny Hallyday dans le documentaire de François Reichenbach, J'ai tout donné (1973). © ISOPIX/France Opera Film / Les Films de la Pleiade
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Jean-Philippe Smet, l’idole des jeunes, est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, à l’âge de 74 ans, succombant à un cancer du poumon. Philippe Cornet lui tire le portrait.

« Quand Johnny rentre dans la pièce, la température change. » Yves Bigot fréquente l’idole des jeunes déjà murie, au cours des années 1990 sur le label Mercury dont il est alors le patron. Le même dit aussi de son poulain provisoire: « il peut être le type le plus émouvant et formidable au monde comme le mec le plus odieux sur Terre. Le tout dans la même heure, si pas dans la même minute. » Marathonien de la photo de France, Claude Gassian raconte lui, comment un Johnny mal levé -cotoyé professionnellement depuis quatre décennies- pète un câble parce qu’il est flashé à la sortie de sa maison, lors d’une session image pourtant officielle. Pas mal pour le franco-belge de patronyme anglophone qui, depuis son premier 45 Tours en 1960, n’a cessé de médiatiser sa carrière, ses amours, ses emmerdes, vendant sans vergogne sa vie privée au mag le plus offrant, protagoniste autodestructif d’une biographie de toute manière dopée aux excès. Et quelque part, fière de l’être.

Difficile de parler d’Hallyday sans évoquer l’autre superstar, elle planétaire, le Elvis Presley qui lui sert de modèle tutélaire. Pas seulement pour le même genre de saillies caractérielles, de sympathies droitistes ou de propension à claquer du fric en ancien pauvre jamais rassassié. Mais aussi -et le mot est pesé plusieurs fois- pour le génie manifeste dans l’interprétation musicale. Que ce soit en transpirant plus que Brel sur un Ne me quitte pas d’anthologie lacrimale ou en vagabond céleste dans l’hallucinant Poème sur la 7e, inspiré de Beethoven un jour de grand vent. Pourtant mal parti dans le yéyé, simplification bon marché du rock anglo-saxon, Hallyday va vite comprendre la nécessité d’accorder sa voix à ses propres douleurs. Les névroses exhibées en public scénographient d’ailleurs les légions de fans fidèles pendant plus d’un demi-siècle: des images de fin sixties, visibles sur le Net, montrent des spectateurs libres de littéralement se jeter sur le chanteur en concert, pâture d’une absurde invitation. Dans un semblable délire de mâle alpha suprême, un Johnny quinqua traversera la foule du Parc des Princes en 1993, trois soirs consécutifs, entouré d’une escouade de gros bras peinant à retenir la vedette de la marée humaine qui le touche, le caresse, l’aspire.

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À l’heure froide des bilans, Johnny incarne donc l’ultime contradiction. Celle d’un parcours balisé par plusieurs décennies de paillettes Drucker-Guy Lux, de virées américaines en Harley ou de fantasmes Las Vegas: le glamour Presley version Gitanes, Saint-Trop’, Paris-Match et blondeur décolorée. Mais tout ce temps, le chanteur jamais abandonné, déploie un sens de la survie transcendant drogues, dépressions, divorces, tentatives de suicide, bitures, faillites, opérations et accidents de tout ordre, surfant sur les chansons trop faciles comme sur les éclairs d’inspiration. Les albums sensibles des années 1980 signés Goldman et Berger, voire les classiques monomaniaques (Que je t’aime). Ou l’apparition minérale -pourtant pas sa boisson préférée- dans le cinéma de Godard via Détective en 1985. Le tout propulsé par un charisme pyramidal aux yeux lasers, celui du fameux sourire de crocodile repu mis au service d’un invraisemblable tape à l’oeil scénique -cascades, cuirs, gros cubes, hélicos, bagarres- juste raccord à une vie de même tendance boulimique. Celle qui a scellé un pacte définitif avec ceux qui ont aimé et aimeront encore et toujours le seul et unique Johnny.

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