Fluence, l’appli qui monétise l’influence musicale
L’application propose aux artistes de payer pour que des « influenceurs » du milieu culturel partagent leur travail. Un concept douteux.
Exception faite des vieux briscards conservateurs à transistors allergiques au MP3, à Soundcloud, Bandcamp, YouTube, Spotify et au reste de l’armada musicale 2.0, c’est une chose plutôt acquise que de dire que notre façon de découvrir des artistes a diamétralement changée en dix ans. Et c’est toujours sans trop se mouiller qu’on peut assumer qu’il en est de même pour les groupes qui veulent se faire connaître. Aujourd’hui, le cycle de promotion standard pour une jeune formation est plus ou moins le même pour tous, à de rares exceptions près: un morceau publié sur les réseaux musicaux et sociaux, une vidéo qui l’accompagne quand on en a les moyens (financiers et créatifs), quelques potes qui likent, retweetent, et l’espoir que le titre atterrisse par la magie d’Internet dans les oreilles des grands manitous de l’industrie; producteurs, labels et journalistes culturels. Ce qui a à peu près 0,01% de chance d’arriver, étant donné la saturation démente du Web musical.
Conscients de la situation, des développeurs rivalisent d’inventivité pour faire entendre la voix de ces opprimés de la musique (et se remplir par la même occasion les poches grâce à leur idée de génie). Ainsi après l’appli Next, le Tinder des célibataires désespérés adapté aux découvertes musicales (« Tiens, il a une bonne gueule ce chanteur de folk « , slide à droite. « Beurk, elle a la même couleur de cheveux que Florence Wech« , slide à gauche, next!), c’est Fluence qui est apparu dans notre radar. Et tous les voyants se sont allumés face au concept certes innovant, mais dérangeant de la plateforme en ligne.
Le marché de l’attention
Fluence a pour but de mettre en relation des artistes et des « influenceurs », afin que les premiers obtiennent un retour sur leur travail et une meilleure visibilité et les seconds… de l’argent. La concept est simple: lorsque l’artiste en question poste le lien d’un morceau sur le site, on lui propose une série de profils (qui vont du blogueur au claviériste heureux possesseur d’un Emmy Award) auquel il a le choix de proposer sa contribution. Mais l’attention étant désormais un bien rare, sur Fluence, elle est payante. Elle se monnaye à la minute et son prix varie selon le type d’expert et forcément, de son influence dans le domaine. En échange de quelques dollars, le groupe est certain que son présumé tube ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd, mais d’une personne influente, qui le critiquera (rarement de façon complètement négative) et est susceptible de le partager avec son réseau.
Il ne faut pas être du métier pour deviner qu’accepter de l’argent pour éventuellement écrire un sujet sur un morceau ou groupe n’est pas exactement ce qu’on appellerait quelque chose d’éthique. Et face à la croyance populaire que « tout le monde peut devenir célèbre », certains semblent penser qu’il suffit désormais de jeter quelques deniers dans le gobelet en carton du Web pour avoir la carrière d’un Mick Jagger ou d’un Bob Dylan, ainsi que leur public. À partir du moment où l’industrie de la musique tend à se rapprocher de celle de l’amour en ligne, on en vient tout de même à se dire que quelque chose ne tourne pas rond dans notre petit coin de toile, celui qu’on pensait jusqu’ici d’Éden.
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