Comiques en chanson, de la Belle Époque à François Morel
Tout comme François Morel, dont l’album La Vie (titre provisoire) est paru vendredi dernier, de nombreux humoristes se sont lancés dans la chanson. Pour certains, ce ne fut qu’une parenthèse, pour beaucoup d’autres, l’une des nombreuses cordes qu’ils possédaient à leur arc comique.
Vendredi dernier est sorti La Vie (titre provisoire), le nouvel album de François Morel. Le temps de 18 chansons, il promène son humeur vagabonde sur les chemins de La Vie, se faufile dans des embouteillages de Trucs inutiles, croise La Vieille dame et le banc, et flâne Au cinéma. Comédien et humoriste depuis la fin des années 80, ce n’est qu’en 2006 qu’il se lance dans la chanson. Il est cependant loin d’être seul dans son cas.
Avec les exemples plus ou moins récents de François Morel, Elie Semoun ou Michel Leeb, on pourrait croire qu’il s’agit d’une manie chez les humoristes de se lancer dans la chanson, qu’elle soit comique ou sérieuse. Or, l’album de François Morel La Vie (titre provisoire) s’inscrit dans une longue tradition datant des chansonniers du XIXe siècle. Depuis la Belle Époque, humour et chansonnette sont profondément liés, aussi bien chez Bourvil que chez Coluche, chez Charles Trenet ou Robert Lamoureux.
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Un des plus illustres exemples est celui de Boris Vian. Après des débuts d’écrivain peu marqués par les succès, il se met à la chanson. Ce qui donne quelques petits bijoux d’humour noir et corrosif, non sans poésie. Outre le cultissime Déserteur, il réjouit – ou indigne – le public des cabarets des années 50 avec des morceaux d’anthologie, tels Le tango des joyeux bouchers, La java des bombes atomiques et La complainte du progrès.
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Mais son autre apport à la chanson, moins connu aujourd’hui, c’est l’introduction du rock dans le paysage musical francophone en 1956. Son ami Michel Legrand, revenu d’un voyage aux Etats-Unis, a pris avec lui des disques d’un genre nouveau appelé « rock and roll ». Boris Vian écrit ensuite les paroles de ce qui fut l’un des premiers rocks français, sous forme de parodie aux textes délibérément débiles et délirants. Il signe Vernon Sinclair, la chanson est interprétée par Henri Cording (Henri Salvador) et la musique composée par Mig Bike (Michel Legrand). Ainsi naissent ces musiques de choix que sont Rock and Roll Mops et Va t’faire cuire un oeuf, man.
Toujours dans les années cinquante, quelques chansons humoristiques voient le jour sous la plume loufoque de Francis Blanche. Animateur de radio le matin, acteur de cinéma l’après-midi et artiste de cabaret le soir, il charge avec brio quelques célèbres morceaux de musique classique avec des paroles invraisemblables et absurdes. Sa folie donne une nouvelle vie à La Truite de Schubert et la 5e symphonie de Beethoven (rebaptisée La pince à linge).
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Il collabore aussi avec son compère Pierre Dac pour créer des chansons hautement « engagées », comme le Parti d’en rire, sur l’air du Boléro de Ravel, et la Tyrolienne haineuse.
Dans les années soixante, l’un des spécialistes de la chanson humoristique est Jean Yanne. Burlesque, acerbe et sinoque, il décomplexe les physiques ingrats avec Camille, ceux qui pratiquent les amours interdites avec Mon cher Albert et les adeptes des maisons closes avec Rouvrez les maisons.
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Par ailleurs, si nombre d’entre nous se rappellent ses films des années septante, on oublie parfois qu’il en rédigea aussi les paroles des musiques, composées par le précieux talent qu’est Michel Magne. Il faut absolument (ré)écouter Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, du film du même nom, La marche des CRS (Moi y’en a vouloir des sous) et Il a chaud, bibi (Chobizenesse).
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Plus proche de nous, sévirent les Inconnus. Le groupe formé par Didier Bourdon, Bernard Campan et Pascal Légitimus marqua joyeusement les années nonante avec des sketchs, des films, et, donc, des chansons. Ils ont parodié à peu près tous les styles musicaux. Certaines de ces parodies sont même devenues des tubes: on pensera surtout à C’est toi que je t’aime et Rap Tout.
Bref, il faudrait une vie pour rapporter les innombrables merveilles du genre. Mais rien n’empêche, un de ces jours, de se repasser Erik Satie (Allons-y, chochotte), Fernandel (Félicie aussi, Aventures galantes, Si je puis m’exprimer ainsi), Bobby Lapointe (Ta Katie t’a quitté), Thierry Le Luron (L’emmerdant, c’est la rose) et d’autres.
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