BSF J9: My Little Sweat Dictaphone

Plus tôt cette année, MLCD sortait The Smoke behind the Sound, le quatrième album du groupe. © Philippe Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Transpiration n’égale pas inspiration. Preuve yin et yang avec le déchaînement liégeois de MLCD et les revenants punks Eddie & The Hot Rods, un samedi soir de BSF.

« Si un musicien n’a pas mouillé sa chemise en descendant de scène, c’est qu’il ne s’est pas donné à fond ». La formule old school n’est pas de Bruce Springsteen mais de Michael Larivière, aka Redboy, figure de proue de My Little Cheap Dictaphone: à la sortie du concert du BSF, il est radieux et essoré de la chemise, forcément. Au quotidien, le liégeois cale plutôt son quasi-double mètre avec placidité: ses endomorphines réfléchissent. Là sur la scène du Mont des Arts du BSF, devant 3000 personnes, il rejoue toutes les scènes rock’n’roll que la bible ne nous a pas apprises. Génuflexion cérémonieuse devant l’ampli, courbe à 90° sur la guitare, assaut simulé de la batterie, yeux clos puis affamés puis clos à nouveau, irruption de gestes fébriles, bouche diplômée en master lippe Billy Idol, jambes de boxeur électrique, veston qui colle à la peau: Cockerill serait fier de ta coulée continue, Michael.

MLCD fait suite au projet solo de Michael Larivière, REDBOY.
MLCD fait suite au projet solo de Michael Larivière, REDBOY.© Philippe Cornet

Une douzaine de titres sont ainsi cravachés avec ses quatre comparses toujours chauds de la prestation de la veille au Pukkelpop: « Pour jouer à 13 heures, on est parti de Liège à 7 heures du matin, difficile de boire quelques verres avant le concert » explique Redboy sur une rasade de vodka. Là, le groupe disperse même des accords crus, arrachés à la Clash, le batteur mouline sans retenue, et tout le monde gave les notes. La sophistication lustrée des disques est victime d’un lavement d’estomac, résultat: on plane autrement. Changing My Heart, He’s Not There, My Holy Grail, Slow Me Down, Summer In The Dark préparent le sprint final vers Fire, morceau tellement bon qu’il humilie les radios qui ne le passent pas. Entretemps, Michael est descendu à deux reprises vers le public, offrir -provisoirement- sa guitare à qui voulait bien la gratter. Cela pourrait virer démagogie, c’est juste plaisir et partage.

Barrie Masters.
Barrie Masters.© Philippe Cornet

Au Magic Mirrors, soirée punk avec The Bollock Brothers -qui se produisent en même temps que MLCD- suivis d’Eddie & The Hot Rods. Ces derniers ont eu l’immense honneur d’être le tour premier groupe anglais labellisé p…k à se produire en Belgique: c’était le 21 octobre 1976 au Théâtre 140 du vieux Jo. Toute une génération a vénéré ce moment d’épiphanie, qui techniquement était moins No Future que simple mix de rhythm’n’blues speedé et de pub rock hystérique. Six mois et deux autres faramineux passages belges plus tard, dès le printemps 1977, Eddie et ses copains étaient laminés et ringardisés par la veine Sex Pistols/Clash. Depuis lors, le combo a suivi une carrière de série C. On ne s’attendait pas à un miracle de conservation -37 ans plus tard…- et on a eu raison. Des musiciens originaux, il ne reste plus que le chanteur Barrie Masters: il gesticule, sympathise avec le public composé lui aussi de revenants, déhanche le torse mais fait vite penser à ces animaux en cage, aspirés par leur pedigree passé. L’allure svelte de Barrie se combine à un visage parcheminé, soit, mais surtout son énergie démente de 1976-77, ce truc galvanisant qui m’avait fait balancer une poubelle dans la rue après le concert du 140 (…), cette insolente purée britannique, s’est atomisée en route. Tout cela vire vite au binaire scolaire sans génie, au groove soudard d’arrière-salle et on n’attend pas Gloria -la reprise de Them- pour décider que les souvenirs, parfois, sont plus au chaud au cimetière.

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