Baxter Dury: « Je ne sais pas chanter, alors je tente d’impressionner autrement »

Baxter Dury © Margaux Ract
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le dandy cool Baxter Dury est de retour avec une chanteuse française, un nouveau label et It’s a Pleasure, un quatrième album sous spleen. Plaisir partagé.

La première fois qu’on l’a rencontré, il y a pratiquement dix ans, Baxter Dury avait l’air d’un fêtard invétéré. Lessivé par la bringue, un peu paumé dans les brumes éthyliques et viscéralement no limit. Aujourd’hui âgé de 42 balais, le garçon est toujours aussi sympa et bavard mais semble s’être assagi. « Tu trouves que mon costard a la classe?, s’enquiert-il alors qu’il débarque dans les bureaux de Pias, sa nouvelle maison de disques. Regarde l’étiquette. Il vient de Corée. Je l’ai payé cinq livres. »

Le troisième album du fils Dury a plutôt bien marché mais le natif de Wingrave ne s’est pas pour autant mis à mener la vie de château. Sur la table, son téléphone s’agite. « Excuse-moi. Je vais l’éteindre. Je me suis séparé de mon manager il y a quinze jours. Je gère tout moi-même. C’est rock’n’roll. Happy Soup a mieux fonctionné dans certains pays que dans d’autres. Mais tu n’as aucun contrôle là-dessus. C’est d’ailleurs encore une bataille pour moi. Je souffre d’un syndrome de mécontentement moderne. J’ai assez de fric. Je mène une belle vie. Mais je suis un éternel insatisfait. »

Déçu notamment que le « bloody NME » n’ait jamais été bien tendre avec lui. « Les radios et les magazines ne sont pas qu’une affaire de son et de musique. Ils se basent également sur des critères démographiques. Ça a toujours été le cas mais les portes d’accès sont de plus en plus étroites. Les indés aussi ont resserré leurs critères. Ils ont tendance à se focaliser sur des petits jeunes qui font un certain type de musique. Même si j’avais encore 22 ans, je me sentirais trop vieux. C’est le deuxième symptôme de la maladie… Je me cherche des excuses. De toute façon, quand tu as quatre disques derrière toi, ces choses t’affectent moins. Tu te dis que quelques mauvaises critiques ne peuvent pas t’empêcher de faire de la musique. Ça a quelque chose de rassurant. »

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Comme le fait d’être apprécié par certains de ses héros. Pedro Almodovar en tête. « On a joué pour lui à Madrid. Ils sont vraiment dingues. Tu avais cet énorme type avec lui qui avait la carrure d’un agent de sécurité et qui prenait des photos avec ses énormes paluches et un tout petit appareil. Almodovar est arrivé sans dégager beaucoup d’émotion mais de manière cool. Il s’est mis à parler d’architecture belge… C’est un artiste très complet. Un génie. Je regardais déjà ses films dans les années 80. Ma mère m’a montré de l’art et essai dès mon plus jeune âge. Cette éducation m’a permis fort tôt d’apprécier ces histoires et d’être touché par ces émotions. »

Disco triste

Avec son sens inné de la formule, Baxter avait qualifié Happy Soup de psychédélisme de bord de mer. Il parle pour It’s A Pleasure de musique squelettique berlinoise, un peu post-Kraftwerk. De disco triste combinée à un livre audio traitant de problèmes avec les femmes. « Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire. Ni ce que ma musique signifie d’ailleurs. Il y a un côté théâtral à tout ça. Je ne sais pas chanter. Alors je tente d’impressionner d’une autre manière. A mes débuts, j’avais la voix d’un jeune dauphin sous hélium. Mais le handicap a parfois ses avantages. Je parle plus que je chante. Ça me fait, je suppose, sonner différemment de tout le monde. Excepté de mon père. » Ce Ian regretté qui jouait et répétait avec ses potes alors que sa femme, à l’étage, était en train d’accoucher du petit Baxter. « C’est une bonne anecdote pour un film mais je ne suis pas certain de sa véracité. Tout ce dont je suis sûr, c’est d’être né à la maison. »

L’Anglais sait raconter des histoires. La plupart de celles qui figurent sur son disque sont vraies. Ou du moins ont un fond autobiographique. Police est ainsi inspiré par des problèmes de voisinage. Pour se venger de celle qui le réveillait avec ses pas d’éléphants et ses chaussures à talons, Baxter a un beau soir installé une batterie sous son pieu et s’est mis à jouer à quatre heures du matin. Elle a appelé la police et son homme, plutôt du genre costaud, est descendu pour lui casser la gueule.

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« Quand tu parles de gens que tu connais dans tes chansons, ils sont plutôt flattés généralement. Qui sont les Ferrero Rocher Prostitutes? N’y voyez rien de misogyne. Ce ne sont pas vraiment des putes hein. Je ne sais pas si tu te souviens et si vous avez eu les mêmes en Belgique mais il y a eu plusieurs campagnes de pub qui présentaient ces friandises au chocolat comme celles choisies par les ambassadeurs pour leurs soirées. Alors que les Ferrero Rocher, c’est quand même pas fameux. Bref, ce sont des gens qui se croient de la haute mais qui n’en sont pas. »

Si Baxter a enregistré une partie du spleenesque It’s A Pleasure à Bruxelles aux studios ICP avec ses potes de BabyShambles, il s’est aussi adjoint les services d’une nouvelle chanteuse. « Madelaine (Hart, ndlr) a accouché. Elle n’était plus très disponible. Et j’ai fait appel à Fabienne Débarre de We Were Evergreen. Elle ne comprend presque rien de ce que je raconte mais elle est très talentueuse et extrêmement enthousiaste. J’entretiens des relations assez privilégiées avec la francophonie. » Et pas seulement avec Serge Gainsbourg. Son nom de famille et des recherches généalogiques lient ses origines à un patelin, Dury, près d’Amiens… Puis Christophe Honoré a utilisé sa chanson Leak at the Disco dans son film Métamorphoses… « Je rêve de composer de la musique pour une fiction. Comme Mogwai l’a fait pour la série Les Revenants que j’ai beaucoup appréciée. J’aimerais aussi enregistrer un album dance et j’y réfléchis avec Etienne de Crécy. J’ai participé à un morceau de son prochain album, Super Discount 3. Nous sommes devenus très bons amis. » Sacré Dury.

  • IT’S A PLEASURE, DISTRIBUÉ PAR PIAS.
  • LE 13 NOVEMBRE AU BOTANIQUE, BRUXELLES.

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