24 heures au Sziget festival
Lundi sonnait officiellement la fin du Sziget festival à Budapest (Hongrie), l’un des festivals majeurs en terme de rock’n’roll d’Europe et certainement le plus grand à l’échelle de l’Europe centrale. L’occasion de revenir sur la journée du 7 août, où notre stagiaire était bénévole.
Comme tous les ans depuis maintenant 20 ans, le Sziget a décidé de frapper fort au niveau de sa programmation pour grimper des échelons sur l’échelle des festivals les plus courus d’Europe, voir du monde. L’île d’Obuda au nord de Budapest ( »Sziget » en hongrois signifiant île) a accueilli cette année entre autres les Britanniques de Blur, les indétrônables Nick Cave and the Bad Seeds, Franz Ferdinand, David Guetta, Mika, Emir Kusturica and the No Smoking Orchestra ou encore les Espagnols déjantés de Ska-P.
Le 7 août, Nick Cave était la star. C’est lui qui a réuni la foule la plus compacte devant la scène principale à 21h30, un exploit dans cet endroit où les tentations musicales sont partout. Mais le crooner n’a pas pour autant mis le public hongrois dans sa poche. Les festivaliers échaudés qui espéraient pouvoir danser comme des fous ont effectivement dû être déçus… Il faut dire que les concerts précédents avaient tout fait pour installer cette ambiance: dans la salle de l’A38 (célèbre salle de concert de Budapest déménageant au Sziget une fois l’an), les Américains de Flogging Molly ont littéralement électrisé le lieu grâce à leurs chansons sautillantes d’inspiration irlandaise, transformant le chapiteau en véritable sauna. Du côté de la World Music Party main stage, ce sont les Espagnols de La Pegatina et les Bosniaques punks de Dubioza Kolektiv qui ont donné aux spectateurs l’occasion de se secouer allègrement dans tous les sens possibles avec des shows plein de cotillons pour l’un et de pyrotechnie pour l’autre. En dehors de ces trois scènes principales, une dizaine d’autres scènes d’envergure plus modeste proposaient également des groupes, comme la Yeni Raki Roma Tent, qui accueille des groupes d’inspiration tsigane, comme ce soir-là les Français de Latcho Drom. Ou encore la Hungarian main stage, faisant se produire les groupes locaux comme Alvin és a Mokusok.
Avec une fréquentation annuelle moyenne de 350.000 participants, un chiffre augmentant constamment, le Sziget semble n’avoir d’autre choix que toujours plus s’agrandir et se diversifier. Le festival mise en effet tout sur la venue de toujours plus d’étrangers, en particulier d’Europe de l’Ouest et des Etats-Unis. Le prix du billet (50 euros la journée, 300 euros le pass semaine) constitue en effet un bras d’honneur plus ou moins franc fait à la population locale, dont le salaire moyen plafonne à 400 euros par mois. Entendre un groupe parler hongrois sur le site est un petit miracle en soi, face à l’anglais, l’allemand et le français, les trois langues que parlent 85% des festivaliers. À cela s’ajoute le coût de la vie sur l’île, clairement inaccessible au Hongrois moyen, avec sa bière la moins chère à 700 forints (2,50 euros) et sa part de pizza à 600 (2 euros). Des prix qui paraissent dérisoires en Europe de l’Ouest mais qui sont jugés à raison excessifs par les festivaliers hongrois. Ceux-ci économisent souvent depuis des mois pour passer quelques jours au Sziget, comme Balazs, qui est venu exprès de Pécs, dans le Sud du pays. Quant à Balint, membre du staff pour le contrôle des billets, il a ses petits trucs: « je vais derrière le poste de police pour acheter des bières ». Y est installé un petit bar clandestin qui pratique des prix plus semblables à ceux des bars de Budapest (400 forints soit un euro 20) et sur lequel les organisateurs ferment les yeux. Aucun étranger dans la file discrète, cet endroit doit rester secret.
Mais le spectacle ne s’arrête pas le dernier jour des concerts: de nombreuses associations locales se pressent en effet aux portes de l’île pour venir ramasser ce que les festivaliers pressés ont laissé sur place. Tentes, sacs de couchage, chaises pliantes, matelas gonflables… Bref tout l’attirail du parfait campeur acheté sur place à un prix dérisoire et laissé tel quel. Et il faut faire vite, tous les restes seront brûlés dans la soirée, en compagnie plusieurs tonnes de déchets divers qui jonchent le site et dont l’armée de volontaires locaux essaye de venir à bout. Pour un festival plus vert, on repassera.
Maintenant que le Sziget a acquis une aura internationale, le but maintenant semble de la rentabiliser au maximum sans se soucier des conséquences. Et le festival fait des petits: une version miniature vient de voir le jour à Cluj Napoca, en Roumanie. Ses organisateurs ont cependant promis que celui-ci serait pour les Roumains avant tout et le resterait aussi longtemps que possible. Il y a donc toujours de quoi espérer.
Marianne Delaforge
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