Le nouveau Bukowski

Fante Bukowski n’a d’écrivain que le nom: il est surtout l’anti-héros pitoyable et hilarant de Noah Van Sciver, star montante de la scène indé américaine.

Celui-là, on ne l’avait pas venu venir, et on avait bien tort. Car il n’a fallu que quelques pages et autant d’éclats de rire pour comprendre que 1) on tenait là un de nos bouquins de l’année et que 2) il fallait absolument mettre la main sur le premier volume de Fante Bukowski sorti en 2015. Soit les aventures quotidiennes d’un jeune écrivain qui est, selon lui, « la nouvelle star littéraire dans la galaxie de Colombus, Ohio« , et selon les autres et en particulier son ex-girlfriend Audrey, « un gros loser puant« . De fait, Fante Bukowski a emprunté à John et Charles leur nom de famille et leur mode de vie -« J’écris la réalité! Je suis direct! Je dois boire tous les soirs pour calmer ce feu!« mais en rien leur génie: Fante est le plus raté de tous les ratés de la littérature contemporaine. Mais aussi le plus tragiquement drôle. Et souvent le plus féroce.

Dans le premier volume de ses non-aventures -déjà édité chez L’Employé du Moi, qui a décidément du flair et de bonnes idées, ce roman graphique, critique hilarante du monde littéraire, se présentant justement dans le format d’un livre de poche-, Fante devait lutter contre les éditeurs qui ne reconnaissaient pas son génie, sa mère qui le menaçait de lui couper sa carte de crédit et sa petite copine, écrivain elle aussi. Ici, rien ne va plus dans la carrière de Fante: un an après, sa mère lui a vraiment coupé les vivres, son ex est devenue célèbre et appréciée (avec son roman Connexions éternelles, une histoire d’amour bientôt adaptée au ciné par Michael Bay), et il doit désormais aussi lutter contre les libraires élitistes qui lui refusent son fanzine! Fante a en effet découvert la poésie et l’autoédition (après être tombé sur Oiseaux et bacs de douche, de Tamara Bray), et compte bien écouler rapidos les 20 000 exemplaires de son petit huit pages tiré à la photocopieuse. Ce sera irrésistible, mais vraiment pas gagné.

Le nouveau Bukowski

Petit bijou

Quel loser ce Fante, mais quel génie ce Noah! Mêlant fiction, autofiction et références bien réelles (Fante fréquente la même prostituée que Cormac McCarthy et qu’un critique littéraire scato du New York Times), ce jeune auteur qu’on nous dit star montante offre avec son Fante Bukowski un petit bijou de méchanceté et de règlement de comptes avec le milieu littéraire comme les aiment les indés américains, le tout dessiné au magic moins grossièrement qu’on peut le croire au premier abord. La charge serait néanmoins vaine et amère si elle n’était totalement réussie: Fante tape chaque fois juste, drôle et parfois même émouvant, l’auteur ayant le bon goût, entre autres, de ne pas s’épargner -plus pitoyable encore que l’écrivain raté, il y a l’auteur de BD raté, rôle tenu par Noah Van Sciver lui-même dans son roman graphique.

Fante Bukowski vol. 2 – Un poète américain

De Noah Van Sciver, éditions L’Employé du Moi, 176 pages.

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