Critique | Livres

[Le livre de la semaine] Soleil rouge, de Matthew McBride

Matthew McBride © Stephanie J. McClain
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

POLAR | L’écrivain et cultivateur de cannabis Matthew McBride raconte le devenir d’une ville du Missouri ravagée par la méth’. Entre Traffic et Breaking Bad.

Qu’ont en commun, outre le fait de vivre, de travailler ou de végéter dans le comté de Gasconade, Missouri, un vieux flic bon père de famille, un banquier véreux, un fermier octogénaire, de petits junkies, une femme battue et un soi-disant révérend, fondateur de sa propre religion, bouffeur de chevaux et complètement frappadingue? Rien, si ce n’est la méthamphétamine, plus basiquement nommée « méth », « crystal » ou « ice ». Une drogue de synthèse qui fait plus que des ravages ces dernières années dans l’Amérique profonde et rurale, et ce pour deux raisons: elle est particulièrement addictive, et peut surtout se fabriquer presque facilement chez soi, à base d’un peu de chimie, de décongestionnant nasal et d’ammoniac anhydre. Une drogue du pauvre et des « white trashs » qui rend riche ou cinglé selon que l’on soit vendeur ou consommateur, et qui finit par concerner tout le monde ou presque, lorsque l’on vit, travaille ou végète dans le comté de Gasconade, Missouri. À l’image de ce bon flic, de ce vieux fermier, de ces petits junkies ou de ce grand malade, soit quelques-uns des personnages de Soleil rouge, récit choral et deuxième roman de Matthew McBride, très inspiré mais nettement moins drôle que Frank Sinatra dans un mixeur, son premier polar déjà chez Gallmeister (dans leur excellente collection néo-noir, cette fois). Moins drôle, mais bien plus pertinent.

Mobil-homes et cuisines

[Le livre de la semaine] Soleil rouge, de Matthew McBride

Si l’on pense évidemment à la série Breaking Bad en lisant les premières pages de Soleil rouge (entre deux dialogue de toxs, un flic risque sa vie en pénétrant dans un mobil-home tout pourri et posé sur parpaings, probablement transformé en « cuisine », il ne manque que Walter White ou Heisenberg dans le tableau de McBride), c’est plutôt le Traffic de Soderbergh que le roman évoque définitivement, si pas dans l’échelle des trafics, du moins sur l’analyse de leurs conséquences et leurs infinies ramifications. Ainsi, l’événement fondateur de son récit -un bon flic craque et pique l’argent planqué sous la litière du chat dans le mobil-home d’un petit dealer- sert principalement à McBride à dresser le portrait d’une région et de ses habitants, qu’il connaît visiblement très bien: « Des gens de la campagne unis par les liens du sang. Ils ne se fiaient pas à la loi et n’avaient pas besoin du gouvernement. L’argent était rare, et le patchwork rural du comté de Gasconade truffé de ploucs qui cuisinaient de la méth partout où ils pouvaient. » McBride, lui, a choisi de s’enfuir, de s’installer en Californie, d’y cultiver de la beuh et parfois, d’écrire un roman. Il a raison: c’est mieux que la came.

POLAR DE MATTHEW MCBRIDE, EDITIONS GALLMEISTER, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ETATS-UNIS) PAR LAURENT BURY, 224 PAGES. ***(*)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content