Critique | Livres

Hip Hop Family Tree, la BD qui enterre The Get Down

© éditions Papa Guédé
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Ed Piskor raconte l’histoire du rap et en dresse l’arbre généalogique dans une géniale BD vintage alliant rigueur et humour.

Oubliez tout de suite The Get Down, la série de Baz Luhrmann terriblement neuneu, adolescente et carton-pâte sur les débuts du hip hop. L’histoire du rap et du mouvement qui l’accompagne, c’est définitivement du côté de la BD qu’on la découvre avec le plus de plaisir et de délectation. Et plus précisément dans le génial Hip Hop Family Tree d’Ed Piskor, qui a apparemment servi de référence au réalisateur de Moulin Rouge et à ses équipes…

Né en 1982, Piskor a grandi dans une zone très urbanisée de la banlieue de Pittsburgh entre les MC et les DJ, les ghettoblasters et les battles. Après avoir planché avec Harvey Pekar sur American Splendor, Macedonia et The Beats (l’histoire de la beat generation en bande dessinée), puis avoir assouvi en solo sa fascination pour les hackers et l’ingénierie sociale (Wizzywig), le trentenaire de Pennsylvanie s’est laissé guider par sa passion pour les musiques urbaines et s’est lancé dans une gargantuesque entreprise: raconter l’histoire du hip hop.

Hip Hop Family Tree, la BD qui enterre The Get Down

Le premier volume (1970-1981) de Hip Hop Family Tree commence dans le Bronx et ce qui est communément accepté comme le lieu de naissance du rap: le 1520 Sedgwick Avenue. Dans ce centre communautaire, Kool Herc a pris l’habitude de parler en rime par-dessus ses disques et a eu l’idée géniale d’utiliser deux platines pour prolonger à l’envi ses beats préférés.

Les débuts de Sugar Hill Records, l’explosion de Kurtis Blow, la première apparition du rap dans l’émission Soul Train, l’affrontement crucial entre Kool Moe Dee et Busy Bee ou encore la préparation par Charlie Ahearn du documentaire Wild Style… Piskor a le flow mitraillette de ceux dont il raconte l’histoire. La petite et la grande. Les moments historiques et les anecdotes plus ou moins (in)avouables. Afrika Bambaataa plonge ses vinyles dans l’eau chaude pour en décoller l’étiquette et la remplacer par celle d’une autre plaque. Les Furious Five de Grandmaster Flash claquent leur premier cachet dans des motos pendant que lui investit ses biftons dans des disques. Piskor a réalisé un travail quasi journalistique, rencontré des pionniers du rap, interrogé une foultitude de spécialistes pour mieux brosser avec rigueur mais aussi beaucoup d’humour le portrait d’une culture, décrire les coulisses d’une chaotique et balbutiante industrie. Si l’on y plonge dans le milieu du graffiti avec Fab Five Freddy, on y croise aussi Basquiat, Keith Haring, Blondie et assiste aux débuts de MTV…

La publication de Hip Hop Family Tree a commencé sur le blog collaboratif Boingboing en 2012 à la cadence de deux planches par semaine, avec des liens YouTube pour écouter la musique qui allait avec. Elle a débouché l’année suivante sur un graphic novel classe et old school au papier jauni pour donner l’impression qu’il date de la période où il se déroule. Puis, plus tard et plus démocratique, en mode comics. Si seul le premier volume de la saga vient de sortir en français chez Papa Guédé, Piskor a signé pour six tomes et en a déjà publié quatre dans la langue de Spoonie Gee, des Beastie et de Run DMC. When I say hip…

HIP HOP FAMILY TREE (T.1/ 1970-1981), DE ED PISKOR, ÉDITION PAPA GUÉDÉ, 112 PAGES. ****

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